Après des années de débats et de tergiversations, la mise en place d’un compte séparé deviendra obligatoire pour tout nouveau contrat de syndic souscrit, à compter du 28 mars 2015. A l’exception des copropriétés de moins de seize lots dans lesquelles les syndicats de copropriétaires peuvent continuer de voter sa dispense. Le point sur cette évolution, ses conséquences et la gestion des fonds de prévoyance par les syndicats. © Crédit Nyul - Fotolia
«Nous sommes en 2015 après Jésus-Christ ; toutes les copropriétés sont concernées par le compte séparé obligatoire. Toutes ? Non ! Car celles de moins de seize lots échappent encore et toujours à cette obligation…». La comparaison entre la loi ALUR et l’envahisseur romain d’Astérix et Obélix s’arrête là, même si force est de constater que la fameuse loi Duflot n’a pas déclenché un enthousiasme débordant chez les syndics, mais plutôt une levée de boucliers !
Fin de la dérogation pour les comptes séparés
Au moins les professionnels y voient-ils plus clairs désormais, bien que de nombreux décrets précisant certaines modalités se fassent encore attendre. Une chose est sure : la modification de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 par la loi ALUR, supprime presque toute possibilité de dérogation au compte bancaire séparé pour les syndicats de copropriétaires. Le syndic devra donc impérativement intégrer dans ses honoraires de base la gestion de la copropriété en compte séparé.
Seules les copropriétés de moins de seize lots peuvent voter cette dérogation, étant entendu que, par défaut, l’ouverture d’un compte séparé reste obligatoire.
«[…] lorsque le syndicat comporte au plus quinze lots, à usage de logements, de bureaux ou de commerces, l’assemblée générale peut, à la majorité de l’article 25 et, le cas échéant, de l’article 25-1, dispenser le syndic […] d’ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat.»
La loi précise cependant que si un syndicat des copropriétaires accorde cette dispense, le syndic est tenu à plusieurs dispositions applicables de plein droit à compter du 26 mars 2015, y compris pour les contrats en cours d’exécution.
Copropriétés de moins de seize lots : une dérogation possible mais des obligations
Première évolution législative de taille : même en cas de dérogation, le syndic devra prévoir un sous-compte bancaire – subdivision du compte unique à son nom – pour chaque syndicat de copropriétaires et donc pour chaque copropriété qu’il gère. La fin du compte unique à son nom est désormais clairement actée avec la dépose des fonds sur un compte individualisé. De quoi permettre à la copropriété de prendre connaissance des relevés bancaires qui lui sont propres.
«Le compte unique fait apparaître dans les écritures de l’établissement bancaire un sous-compte individualisant comptablement les versements et prélèvements afférents au syndicat. Le syndic effectue sur ce sous-compte, sans délai, les versements des sommes et valeurs appartenant au syndicat et y reporte les dépenses effectuées pour son compte.»
Dans la mesure où il est précisé que les fonds devront être déposés «sans délai» sur le sous-compte, l’opération devra être inscrite sur celui-ci au jour du virement ou du dépôt du chèque, sans que cette somme ne transite vers d’autres comptes appartenant au syndic.
Renforcement du contrôle bancaire
La loi oblige également le syndic à présenter des relevés bancaires mensuels émanant de la banque et retraçant les opérations financières liées à la copropriété, sans que le syndicat des copropriétaires n’ait besoin d’en faire la demande préalable. Un clair renforcement du contrôle bancaire au bénéfice du syndicat, donc.
«Le syndic met à disposition du président du conseil syndical une copie des relevés périodiques bancaires du sous-compte, dès réception de ceux-ci.»
Si le texte prend soin de préciser que ces relevés doivent être fournis au président du conseil syndical, d’aucuns ne manquent pas de faire remarquer qu’il oublie de préciser que le sous-compte doit être ouvert au nom du syndicat, et qu’il ne dit rien sur les pièces que le syndic doit présenter au banquier pour en obtenir l’ouverture.
Dernier point d’importance, le syndic ne pourra plus proposer deux tarifs d’honoraires selon que le syndicat des copropriétaires accorde ou non la dispense de compte séparé.
«[…]Le syndic ne peut pas proposer une rémunération différenciée en fonction de la décision de l’assemblée relative à la dispense de compte bancaire séparé.»
Pour autant, le syndic reste libre d’appliquer des honoraires supplémentaires au cas où le syndicat des copropriétaires ferait le choix d’un autre établissement bancaire pour ouvrir un compte séparé.
Une liberté dans les barèmes de tenue de compte bancaire, qui, s’ils s’avèrent élevés, pourrait éventuellement dissuader les copropriétaires de faire le choix du compte séparé. Reste que le fait que les conseils syndicaux puisse désormais mettre en concurrence la banque de leurs syndics est une façon pour le législateur d’inciter les professionnels à jouer la carte de la modération et de la transparence au niveau de ces tarifs.
Un compte bancaire vraiment séparé ?
Certaines associations de consommateurs, à commencer par l’Association des responsables de copropriété (Arc), mettent en garde les copropriétaires vis-à-vis des pratiques de certains syndics, notamment dans les grands groupes, qui seraient enclins à faire passer des comptes individualisés pour des comptes séparés. L’Arc fait ainsi état d’ententes entre des établissements bancaires et des groupes de syndic sur le maintien de faux comptes bancaires séparés. Et l’association de citer l’exemple d’un syndic bénévole qui s’est vu refuser par la banque «le maintien du compte bancaire censé être séparé, ouvert originellement par un grand groupe de syndic, au motif qu’il bénéficiait d’avantages ne pouvant perdurer si ce cabinet n’était plus son syndic». Une preuve, selon l’Arc, que les comptes dits séparés étaient en fait rattachés d’une manière ou d’une autre à celui du syndic. Autre exemple cité : celui d’un syndic qui a «annoncé à un conseil syndical que son compte bancaire individualisé serait transformé un compte bancaire séparé, conformément à la loi ALUR sans que le numéro de ce compte bancaire ne soit pour autant modifié».
L’association a même édité, à destination de ses adhérents, un petit ouvrage à ce sujet, expliquant comment déceler les faux comptes bancaires séparés : Le libre blanc du faux compte séparé.
www.unarc.fr/hv71
Parmi les actions préventives recommandées, l’ajoût d’une mention sur l’attestation d’ouverture de compte bancaire séparé, à faire signer par la banque : «L’établissement bancaire s’intitulant [nom de la banque] confirme que le compte numéro [numéro du compte séparé] est un compte séparé au nom exclusif du syndicat des copropriétaires du [adresse de la copropriété] ; qu’à ce titre, il ne peut faire l’objet d’aucune fusion de compte que ce soit avec celui du syndic ou celui d’un tiers. Il est précisé qu’en cas de changement de syndic, ce compte sera transmissible sans fermeture ni nouvelle convention de compte au nouveau syndic, y compris non professionnel, sur présentation du procès-verbal le nommant.» Un refus de l’établissement bancaire de parapher incitera ainsi à creuser davantage.
Des (nouveaux) contrôles bancaires
Le passage au compte bancaire séparé permet aux copropriétaires d’avoir une vision plus précise des comptes. Encore faut-il que le conseil syndical prenne le temps d’analyser – de façon plus ou moins régulière selon la taille de la copropriété – les copies des relevés bancaires fournis par le syndic ! Toutes les opérations peuvent ainsi être visées, y compris celles présentées, sous le terme «centralisées», sur le compte «banque» du grand-livre comptable (dans lequel chaque événement ayant fait l’objet d’une écriture au journal est reporté sous forme d’écriture présentant une somme associée à un compte au débit et à un autre compte au crédit).
Plusieurs types de contrôles peuvent être exercés, pour s’assurer du bon fonctionnement comptable et bancaire. En ce qui concerne les opérations bancaires présentant des montants importants, il convient de s’assurer qu’aucune somme n’a été virée sur des comptes externes, même de manière provisoire. Les bordereaux de virements et de chèques que le syndic a en sa possession doivent également être visés, en cas de montant global centralisé. Avec, au final, une similitude parfaite entre le montant figurant sur le bordereau et celui indiqué sur le relevé bancaire.
Vérifier la cohérence entre la date de l’opération indiquée sur le relevé bancaire et celle mentionnée sur le compte «banque» du grand-livre comptable peut, par ailleurs, mettre en évidence un éventuel cas de faux compte bancaire séparé, en cas de décalage important constaté. De manière générale, effectuer un rapprochement bancaire entre le solde du compte «banque» du grand-livre comptable et celui du compte bancaire permet d’éviter toute mauvaise surprise.
Fonds de travaux : cap sur 2017
Comment faciliter le financement des travaux, notamment face à la multiplication des impayés et aux réticences de bon nombre de copropriétaires à épargner ? Pour le législateur, pas de doute : la réponse passe par le fonds de travaux obligatoire, destiné à faire face aux travaux prescrits par les lois et règlements et à ceux décidés par l’assemblée générale. La loi ALUR complète ainsi la loi du 10 juillet 1965 en modifiant l’article 14-2, organisant la gestion de ce fonds de travaux, qui devient obligatoire à compter du 1er janvier 2017. Et ce pour tous les immeubles livrés depuis plus de cinq ans, étant entendu que le point de départ est la date de réception des travaux de ces derniers.
L’article prévoit son approvisionnement par une cotisation annuelle imposée, versée par les copropriétaires selon les mêmes modalités que celles décidées par l’assemblée générale pour le versement des provisions du budget prévisionnel. Cette cotisation annuelle est fixée par l’assemblée, mais ne peut être inférieure à 5 % du budget de charges courantes. Les dispositions relatives à l’élaboration du plan pluriannuel de travaux sont également prévues, lorsque le montant du fonds de travaux atteint un montant supérieur au budget prévisionnel.
A noter : le fonds de travaux étant attaché aux lots, les sommes versées sont acquises définitivement par le syndicat des copropriétaires et ne peuvent donc pas, par définition, être récupérés en cas de vente. Enfin, l’assemblée conserve le choix d’affecter tout ou partie des sommes déposées sur le fonds au financement des travaux préalablement prescrits ou décidés.
Comptes séparés : récapitulatif des obligations passées et à venir
A compter du 26 mars 2015 :
• Le compte bancaire séparé est obligatoire dans toutes les copropriétés de plus de quinze lots, sans possibilité de dispense. Ce compte est ouvert dans un établissement au choix du syndic, sauf si l’assemblée générale (AG) décide, à la majorité de l’article 25, de l’ouvrir dans un autre établissement.
• Dans les copropriétés de moins de seize lots, l’AG peut dispenser, toujours à la majorité de l’article 25, le syndic d’ouvrir un compte séparé. Ce dernier ne peut toutefois prévoir une rémunération différenciée en fonction de cette décision et doit créer des sous-comptes.
Depuis le 27 mars 2014 :
• Le syndic doit obligatoirement transmettre les relevés bancaires du compte ou du sous-compte au président du conseil syndical.
• Lors de la mise en concurrence des contrats de syndic, les frais éventuels afférents au compte bancaire séparé doivent être indiqués séparément sur le devis.
26 mars 2015 : une date clé
La loi est applicable pour les nouveaux mandats et pour les mandats en cours à compter de leur renouvellement. Ainsi, la dérogation d’ouverture d’un compte séparé reste possible pour les contrats signés ou renouvelés avant le 25 mars 2015. Une dérogation qui pourra durer jusqu’à la fin du contrat pour ceux en cours d’exécution après le 26 mars 2015. Si un contrat de trois ans est, par exemple, signé avant le 26 mars 2015, le syndic ne sera obligé d’ouvrir un compte séparé qu’en 2018. En revanche, l’ouverture d’un compte séparé sera obligatoire pour les contrats signés après le 26 mars 2015, soit un an après la publication de la loi Alur au Journal Officiel.
Plafond des livrets A : un décret en attente
Jusqu’à présent, les fonds de travaux étaient généralement placés sur un livret A, jusqu’à un montant de 76 500 euros d’épargne, au-delà duquel, il convenait d’ouvrir un livret B. La loi Alur complète l’article L. 221-4 du Code monétaire et financier pour permettre de fixer le plafond applicable aux livrets A dont sont titulaires les syndicats de copropriétaires, en fonction du nombre de lots de la copropriété. Cette nouvelle disposition sera applicable à la date de publication du décret prévu et au plus tard le 1er janvier 2016. Ce dernier fixera, par ailleurs, les modalités d’assiette du plafond.
Fonds de travaux : Les obligations passées et à venir
A partir du 1er janvier 2017 :
Toutes les copropriétés seront tenues de constituer un fonds de travaux par une cotisation annuelle égale à 5 % du montant du budget prévisionnel jusqu’à atteindre un montant fixe. Une dérogation est possible dans le cas où un diagnostic technique global ne fait pas apparaître de besoins pour les dix années suivantes.
Depuis le 27 mars 2014 :
• Les copropriétés de moins de dix lots peuvent décider à l’unanimité en assemblée générale de ne pas constituer de fonds de travaux.
• Les sommes détenus par le syndic au titre du fonds de travaux entrent dans le périmètre des fonds couverts par la garantie financière du syndic.
Pour aller plus loin
• Si le syndic n’ouvre pas de compte séparé à l’expiration du délai de trois mois suivant sa désignation, son mandat est nul. Toutefois, les actes qu’il a pu passer au nom du syndicat avec des personnes de bonne foi restent valables.
• Dans le cas d’un compte séparé, le syndic ne peut avancer de fonds au syndicat des copropriétaires sachant que toutes les pratiques de compensation sont interdites.
• En cas de placement des fonds de la copropriété, les intérêts bénéficient à la copropriété et à elle seule.
• Les cotisations au fonds de travaux obligatoires à compter du 1er janvier 2017, devront être versées sur un second compte bancaire séparé (ou individualisé pour les immeubles composés au plus de quinze lots), sachant que les virements en provenance du compte courant sont autorisés.
• Les sommes versées au titre du fonds de travaux sont attachées aux lots et définitivement acquises au syndicat. Elles ne donnent donc pas lieu à un remboursement par le syndicat à l’occasion de la cession d’un lot.
Courrier des lecteurs : Date d’ouverture du compte bancaire séparé