L’obligation de s’assurer pour un syndicat de copropriété apparaît pour la première fois dans le projet de loi ALUR (Accès au Logement et un urbanisme rénové), soit 49 ans après la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Les fuites d'eau constituent les principaux sinistres. Crédit DR
Ce texte apporte un éclairage nouveau sur le traitement des sinistres en copropriété et doit amener les gestionnaires d’immeubles à se questionner sur le cadre de leur propre intervention.
Quelle police d’assurance souscrire ? Quels risques garantir ? Faut-il systématiquement déclarer les sinistres ? Comment différencier les parties communes des parties privatives au regard d’un assureur ?
Autant de questions récurrentes qui représentent une grande part de l’activité opérationnelle d’un syndic de copropriété. En effet, alors que le constat général est un manque d’entretien préventif des immeubles, le volume des sinistres, ne cesse, lui d’augmenter !
Il est donc indispensable de comprendre ce mécanisme.
Quelle assurance souscrire pour une copropriété ?
Il s’agit d’une assurance “multirisques immeuble”, qui relève de la branche IARD (Incendie Assurance Risques Divers).
C’est une assurance de responsabilité civile et de dommages aux biens. Elle concerne les biens matériels.
C’est le propriétaire de ces biens qui va les assurer. En matière de copropriété, le syndic est le souscripteur et le syndicat des copropriétaires le bénéficiaire.
Ce sont donc les parties communes de la copropriété et tous les éléments d’équipement ou mobiliers relevant du syndicat qui sont couverts.
Par ailleurs, il convient de rappeler que ce sont les conséquences du dommage qui sont indemnisées et non la réparation de son origine.
Quelle garanties souscrire ?
• Existe-t-il une obligation d’assurance ?
La loi ALUR introduit pour la première fois, l’obligation de s’assurer pour un syndicat de copropriétaires. Avec la précision suivante, que cette obligation ne concerne que la responsabilité civile du syndicat. Elle a pour objet de réparer les dommages que l’on a causés à autrui.
On pourrait donc en déduire, que la souscription d’une police d’assurance était précédemment facultative, de même que pour l’avenir, la garantie des risques autres que la responsabilité civile.
Ce raisonnement serait audacieux et constitutif d’une faute professionnelle pour le syndic de copropriété (Faute pour omission d’assurance : Cass. Civ.3e 20 juill.1994).
D’une part, bien des règlements de copropriété prévoient l’obligation d’assurance et, dans certains cas, les garanties à souscrire.
D’autre part, à la lecture de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic a pour mission de pourvoir à l’entretien et la conservation des parties communes. L’objet de l’assurance «multirisques immeuble» étant la réparation des conséquences d’un sinistre, la notion de conservation est liée à l’obligation de souscription d’assurance.
Le syndicat des copropriétaires étant doté de la personnalité morale (article 14 de la loi du 10 juillet 1965), il est responsable vis-à-vis des tiers de ses actes et des dommages causés par le défaut d’entretien des parties communes. C’est la traduction dans le domaine de la copropriété des articles 1384 et 1386 du Code civil.
Le contrat d’assurance souscrit va permettre l’indemnisation des dommages moyennant le paiement d’une prime, calculée en fonction du «risque». Le risque pour l’assureur est représenté par l’immeuble. C’est dire que l’état de conservation de l’immeuble détermine directement le montant de la prime.
Les articles de la loi ALUR traitant de la copropriété sont intégrés dans le Titre II «Lutte contre l’habitat indigne». Dans ces ensembles immobiliers dégradés, du fait de leur typologie, il est évident que les sinistres sont nombreux, et que souscrire une garantie contre le vandalisme ou le bris de glace peut apparaître en décalage avec le contexte.
D’autant plus que la prime est également liée à la fréquence des sinistres. On peut trouver à s’assurer mais pour un coût parfois prohibitif.
D’où la position du législateur : imposer une obligation d’assurance à tout syndicat, uniquement pour sa responsabilité civile corrélée avec l’obligation pour un assureur de proposer un contrat. L’article 18 de la loi est modifié en ce sens par la loi ALUR.
Elle va imposer au syndic de soumettre au vote de l’assemblée générale la décision de souscrire un contrat d’assurance contre les risques de responsabilité civile dont le syndicat doit répondre. En cas de refus de l’assemblée générale, l’assurance pourrait être contractée par le syndic pour le compte du syndicat des copropriétaires, en application de l’article L. 112-1 du Code des assurances.
•En dehors de la responsabilité civile, quelles garanties souscrire ?
Les assureurs proposent habituellement dans leurs conditions générales, des garanties classiques telles que :
• incendie, foudre, explosion ;
• dégâts des eaux ;
• tempête, grêle et neige ;
• vol ;
• bris de glace.
S’y ajoutent des garanties dites «obligatoires», en ce sens où leur traitement est fixé de manière uniforme pour toutes les copropriétés.
Il s’agit des garanties catastrophes naturelles, technologiques et actes de terrorisme.
D’autres garanties figurent dans les contrats. Citons, de manière aléatoire, la garantie perte d’eau, vandalisme, choc de véhicules… autant de propositions qui devraient être adaptées aux besoins de la copropriété.
Il appartient donc à chaque gestionnaire, en application éventuelle du règlement de copropriété, et en fonction de sa connaissance de l’immeuble de contrôler les garanties à souscrire, d’autant plus qu’elles impactent le montant de la prime.
Surprime d’assurance
La question de l’imputation de la surprime d’assurance du fait de l’exploitation dans l’immeuble d’activités potentiellement dangereuses est tranchée par la jurisprudence.
Malgré l’existence d’une clause d’aggravation des charges et dès lors que l’activité commerciale ne contrevient pas au règlement de copropriété, et à sa destination, la dépense constituée par la surprime relève de l’article 10, al. 2, de la loi du 10 juillet 1965, relatif aux charges liées à la conservation, l’entretien et l’administration des parties communes et doit à ce titre être supportées par l’ensemble des copropriétaires. (Cass. 3è Civ.
6 sept. 2011, n° 10-18972 ; Cass 3è Civ. 23 mai 2013, n° 12- 16217).
Comment est fixée la prime d’assurance ?
Toutes les caractéristiques de l’immeuble vont être prises en considération.
Exemple : date de construction, matériaux, équipements communs, existence de locaux commerciaux, activités exercées, surface développée. Il s’agit de la surface totale additionnée des rez-de-chaussée et de chacun des niveaux, évalués à partir de l’extérieur des murs de façades. Les caves, combles non aménagés, parkings et remises sont comptabilisés pour 50 % de leur surface.
Le nombre d’étages et la hauteur (qui caractérise le classement en immeuble grande hauteur - IGH), l’existence de locaux classés ERP (établissement recevant du public) vont influer sur le montant de la prime.
Il en est de même pour la “sinistralité”. Il s’agit d’un rapport entre les sinistres déclarés (et non uniquement ceux qui ont été indemnisés) et le montant de la prime versée. Celui-ci est habituellement analysé par l’assureur sur trois années consécutives.
Enfin, il faut tenir compte de la nature des garanties souscrites et le montant des franchises acceptées.
Qu’est-ce qu’une franchise ?
La franchise est la somme qui reste définitivement à la charge de l’assuré. Elle est prévue au Code des assurances.
Elle peut être simple. C’est-à-dire que l’assureur n’intervient qu’au-delà du seuil de la franchise. Mais dans ce cas, la réparation est intégrale.
Elle peut être absolue. Elle est alors systématiquement appliquée. Le montant de la franchise sera déduit de toute indemnisation versée. C’est le cas que l’on retrouve en copropriété.
Elle a pour but d’éviter aux assureurs la gestion des « petits sinistres ». L’avantage pour le syndicat est de voir sa prime réduite. Toutefois, celui-ci peut souhaiter un contrat sans franchise, qui sera forcément plus onéreux.
Pour le lésé, quel est le sort de la franchise ?
Il arrive souvent qu’un copropriétaire (ou un occupant) soit indemnisé par l’assureur du syndicat, hors franchise, conformément au contrat. Il est donc conduit à réclamer à la copropriété ce «complément d’indemnité». Des discussions houleuses peuvent s’en suivre.
On pourrait considérer que si l’assureur a rempli son contrat, la copropriété reste néanmoins responsable, en application de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, précité, et qu’elle doit, à ce titre, indemniser totalement celui qui a subi un préjudice…
La réponse appartiendrait à l‘assemblée générale.
Que devient la qualification partie commune/partie privative au regard du contrat d’assurance ?
Le syndicat de copropriété est l’organe qui gère les parties communes. Son mandataire est le syndic. Il est le gestionnaire des parties communes et avant toute intervention dans le cadre de la mission qui lui est confiée par la loi du 10 juillet 1965, il lui appartient au préalable de vérifier cette qualification, parfois délicate.
L’article 2 de la loi du 10 juillet 1965, dispose que «sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservés à l’usage exclusif d’un propriétaire déterminé. Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire». La question se pose régulièrement pour les canalisations encastrées en dalle qui peuvent être qualifiées par le règlement de copropriété, de partie privative.
Toutefois, au regard de l’application du contrat d’assurance, cette distinction est sans objet.
En effet, dès lors que la canalisation ne peut être atteinte que par dégradation du gros-œuvre, elle devient partie commune et les dommages qui en résultent incombent à l’assureur du syndicat. (C.A. Paris, pôle 4, Ch. 2, 16 mars 2011 n° 06-19.158).
Les notions à retenir sont donc celles de :
• Biens mobiliers (mobiles, que l’on peut déplacer) ;
• Biens immobiliers (structure du bâtiment) ;
• Biens immobiliers par destination (solidaires de la structure).
En résumé, l’assurance de l’immeuble garantit les biens immobiliers et immobiliers par destination, ainsi que le mobilier de la copropriété (exemple : les luminaires des parties communes) ou ses embellissements (exemple : la peinture des parties communes).
Qu’en est-il de l’assurance de l’occupant ?
La structure du contrat est quasiment identique à celle de la «multirisques immeuble» : une assurance de responsabilité civile et une assurance de dommages aux biens, des conditions générales et des conditions particulières.
Ce sont les biens garantis qui diffèrent. L’occupant va assurer son propre mobilier et ses embellissements.
Le locataire a l’obligation de s’assurer pour les risques locatifs, sous peine de voir son bail résilié (art. 7 g Loi 6 juillet 1989). La loi ALUR a modifié cet article pour autoriser le propriétaire bailleur à assurer le bien loué en multirisques habitation, à ses frais, pour en demander ensuite le remboursement par 12ème au preneur.
L’obligation légale de s’assurer n’existait pas pour le propriétaire occupant.
Mais, lorsque l’appartement est vide, ou que le locataire a donné congé, c’est l’assurance de la copropriété qui intervient pour la prise en charge du sinistre quelle qu’en soit l’origine.
Le législateur a donc créé dans la loi ALUR (article 27), une obligation d’assurance pour tout propriétaire, occupant ou non. Il s’agit d’une assurance de responsabilité civile. Un nouvel article 9-1 est créé dans la loi de 1965 :
«Chaque copropriétaire est tenu de s’assurer contre les risques de responsabilité civile dont il doit répondre en sa qualité soit de copropriétaire occupant, soit de copropriétaire non-occupant.»
Ce texte est d’ordre public. Il devra permettre de sensibiliser et responsabiliser les copropriétaires.
Quels sinistres déclarer ?
Les sinistres garantis, bien entendu, en fonction de la franchise prévue au contrat.
Mais, cette réponse est insuffisante. Et parfois, on peut constater, que le gestionnaire de copropriété, alerté de tous les sinistres qui se produisent dans l’immeuble, va procéder à des déclarations systématiques. Quelle que soit la suite donnée au dossier.
Outre le fait que c’est la déclaration qui fonde la sinistralité d’un immeuble et non l’indemnisation, cela engendre un surcroît de travail qui n’est pas justifié et qui peut être chronophage.
Il est donc préférable d’appliquer selon la règle suivant laquelle il appartient au lésé de déclarer le sinistre à son assureur. Celui-ci, ensuite, suivant la nature et l’origine du désordre, adressera si besoin est, une lettre de mise en cause au syndicat, qui à son tour déclarera le sinistre à son propre assureur.
Cas particulier du dégât des eaux.
C’est le sinistre le plus répandu. Aussi, pour réduire les coûts des traitements et accélérer les procédures d’indemnisation, les compagnies d’assurances ont élaboré la convention CIDRE (Convention d’Indemnisation Directe et de Renonciation à Recours en dégâts des Eaux).
Cette convention ne concerne que les fuites, rupture, engorgement, débordement :
• de conduites non enterrées d’eau froide ou chaude, d’évacuation des eaux pluviales, ménagères ou de vidange, de chéneaux et gouttières ;
• des installations de chauffage central, sauf les canalisations enterrées ;
• des appareils à effet d’eau (machine à laver, chaudière, fosse septique...) ;
• des récipients (bac à plantes, baignoires d’enfants, réfrigérateur...) ;
• les infiltrations à travers les toitures ainsi que les infiltrations par les joints d’étanchéité aux pourtours des installations sanitaires et au travers des carrelages, lorsque ces infiltrations résultent de l’utilisation d’un appareil sanitaire (lavabo, évier, douche, baignoire...).
Dès lors que le sinistre concerne deux personnes (occupant et syndicat), que les assureurs respectifs sont signataires de la convention et que les dommages sont inférieurs à 1 600 € HT pour les dommages matériels (dont un plafond de 240 € HT pour les dommages immobiliers) et à 800 € HT pour les dommages immatériels, c’est l’assureur du lésé qui procède à l’indemnisation, sans recours.
C’est la nature des dommages qui permet d’identifier le lésé.
Au-delà de ces montants, c’est la convention CIDE qui s’applique et l’assureur du syndicat intervient.
Malheureusement, ces montants n’ont pas varié depuis 2002, et les parquets flottants restant considérés comme «immobilier par destination» et non embellissement, c’est généralement l’assureur du syndicat qui intervient. La copropriété voit s’alourdir sa prime alors que la maîtrise des sinistres lui échappe.
Une refonte de ces conventions est actuellement à l’étude.
Quels sont les délais en matière de sinistre ?
Délais de déclaration :
Dès lors qu’il est porté à la connaissance du gestionnaire :
• Cas général : 5 jours (exemple : dégâts des eaux) ;
• Vol : 48 heures ;
• Catastrophe naturelle : 10 jours à compter de l’arrêté préfectoral.
Délais de prescription :
L’article L.114-1, al. 1, du Code des assurances dispose que «toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance».
Ce délai peut être interrompu, en faisant courir un nouveau délai de deux ans (art 2231 du Code civil), soit par la désignation d’un expert, soit par lettre recommandée avec accusé réception adressée à l’assureur.
Ce délai a son importance, lorsque des indemnités sont prévues en différé sur présentation de facture. Il peut arriver que le lésé ne produise pas cette pièce rapidement. Le syndic devra rester vigilant et éviter la prescription.
En conclusion, le choix d’un contrat multirisques immeuble doit s’opérer en fonction des besoins de la copropriété après analyse des différentes conditions proposées. Le traitement des sinistres, qui ne relève pas de la gestion courante d’une copropriété, du fait même de la complexité des dossiers, doit appeler de la rigueur de la part du syndic.
Le refus d’assurance selon la loi ALUR
L’article L. 215-2, nouveau, du Code des assurances, issu de la loi ALUR, dispose que tout copropriétaire ou tout syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, assujetti à l’obligation d’assurance d’habitation, ayant sollicité la souscription d’un contrat auprès d’une entreprise d’assurance couvrant en France les risques mentionnés à l’article 9-1 de la loi de 1965 et qui se voit opposer un refus, peut saisir le bureau central de tarification qui se chargera de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir, dans des conditions qui seront prévues par décret en Conseil d’Etat, le risque qui lui a été proposé. Il peut, là encore dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.