Correctement collectés, classés, conservés et communiqués, les documents qui racontent la vie de la copropriété sont un élément essentiel de sa mémoire.
Encore faut-il savoir archiver ou faire archiver.
Décryptage.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 683 de novembre 2022
Le syndicat des copropriétaires doit préserver, à des fins d’organisation et de gestion, à des fins réglementaires et patrimoniales, ou encore à des fins de protection juridique et de preuves, l’ensemble des documents, pièces et informations relatives au patrimoine et au fonctionnement de la copropriété. L’archivage en assure la disponibilité, l’intégrité, la confidentialité et la traçabilité. Il diffère d’un stockage qui répond à la problématique de conservation et de disponibilité via des supports d’information ainsi que de la sauvegarde qui, notamment pour des documents dématérialisés, permet de récupérer l’information lors d’une avarie sur le support de stockage primaire.
Les archives constituent la mémoire du bâtiment, de sa conception et de son vécu, de sa maintenance, de son entretien et de ses travaux, de ses occupants, des artisans et des fournisseurs qui y sont intervenus. Celui qui est chargé des archives doit remplir quatre missions, les 4C : collecter, classer, conserver et communiquer les données. Une gestion rigoureuse est essentielle au suivi de la bonne administration d’un immeuble.
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Qui est responsable des archives de la copropriété ?
Les archives de la copropriété appartiennent au syndicat des copropriétaires. Au titre de sa mission ordinaire, le syndic est chargé d’assurer la collecte et le classement, la conservation, la gestion des archives et leur communication. Il en garantit la traçabilité et la transparence. Aucun honoraire supplémentaire n’est dû pour l’exercice de cette mission qui est comprise dans le montant forfaitaire de sa rémunération (art. 18, 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965 et art. 33 du décret du 17 mars 1967). Pris à défaut dans ses missions relatives à l’archivage, le syndic s’expose à voir sa responsabilité contractuelle engagée par le syndicat des copropriétaires devant un juge.
Dans ses missions de contrôle et d’assistance, le conseil syndical doit se préoccuper de l’archivage des documents de la copropriété. Pour être assuré de connaître le contenu archivistique de la copropriété, il peut demander au syndic, dans le courant de son mandat, de lui fournir le bordereau de remise des archives établi lors de sa prise de fonction.
Quels sont les documents à collecter ?
L’article 33 du décret du 17 mars 1967 énumère les pièces et documents à collecter à titre d’archives de la copropriété. Cette liste est indicative. Elle comprend l’état descriptif de division, le règlement de copropriété, l’état de répartition des charges, les conventions relatives aux droits accessoires aux parties communes et leurs actes modificatifs, ainsi que les conventions, pièces, correspondances, plans, registres, documents et décisions de justice relatifs à l’immeuble et au syndicat, et en particulier les registres contenant les procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires et les pièces annexes.
L’appellation de «conventions» renvoie notamment aux contrats de maintenance des équipements communs, tels que les ascenseurs, l’installation de chauffage collectif, les portes de garage, etc., aux contrats d’assurance de l’immeuble qu’il s’agisse de couvrir la responsabilité civile de la copropriété, de la garantie contre l’incendie, les dégâts des eaux ou les dommages-ouvrage, aux contrats de travail des concierge, employé d’immeuble ou aux espaces verts ou tout autre personnel du syndicat, ainsi que les adhésions aux caisses de sécurité sociale, retraite et mutuelle.
Sous le vocable «pièces et documents relatifs à l’immeuble et au syndicat», figurent notamment la fiche cadastrale et la fiche hypothécaire générale de l’immeuble, la liste des membres du syndicat et celle du conseil syndical, les dossiers comptables et financiers, les documents d’urbanisme, les documents techniques relatifs à l’immeuble, notamment les plans de l’immeuble, son carnet d’entretien et des travaux de maintenance effectués ainsi que son diagnostic technique.
Les éléments relatifs aux assemblées générales visent la copie des convocations et les accusés de réception correspondants, la feuille d’émargement lorsque les convocations sont remises contre récépissé et émargement, l’ordre du jour et les documents notifiés en même temps que celui-ci, la feuille de présence, la copie des notifications du procès-verbal aux copropriétaires opposants ou défaillants et leurs accusés de réception.
En outre, les archives se composent de tous les autres documents de gestion, à savoir les correspondances avec les fournisseurs, les pièces des procédures judiciaires, les dossiers de sinistre et tout contrat d’adhésion.
Indépendamment du contenu de l’article 33, les archives comprennent des documents liés à la réglementation générale, par exemple le dossier d’intervention ultérieure prévu à l’article R. 4532-97 du Code du travail ou le carnet d’entretien des portes de garage (art. R. 134-58 du Code la construction et de l’habitation).
Où sont conservées les archives ?
Afin d’exercer sa mission relative aux archives, le cabinet de syndic doit disposer d’un endroit suffisant, sec, ventilé et sécurisé pour entreposer les volumes de papier dans des conditions assurant leur conservation. Si les locaux du syndic se révèlent d’une taille insuffisante ou sont mal adaptés, les archives du syndicat peuvent être conservées dans un local adéquat et sécurisé au sein de l’immeuble en copropriété. La compagnie d’assurances de l’immeuble en sera dès lors dûment informée.
Une décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25 de la loi du 10 juillet 1965) peut confier le stockage des archives à une entreprise spécialisée et aux frais du syndicat des copropriétaires. La proposition de contrat du prestataire est annexée à la convocation de l’assemblée générale qui en décide. Cette décision d’externalisation des archives ne donne lieu à aucune rémunération complémentaire au profit du syndic. N’assurant plus cette tâche incluse dans ses honoraires de gestion courante, il doit minorer sa rémunération forfaitaire soit d’une somme en euros fixée conjointement entre lui et le syndicat des copropriétaires, soit de la somme toutes taxes comprises effectivement facturée au syndicat par le tiers auquel cette tâche aura été confiée. L’externalisation de l’archivage en transfère la responsabilité sur le prestataire, sauf signature du contrat par le syndic qui en garde ainsi la responsabilité plein et entière des archives.
En quoi consiste l’archivage numérique ?
Les dossiers relatifs à une copropriété s’accumulent sur plusieurs années et peuvent occuper un nombre de mètres linéaires conséquents. Leur gestion peut devenir complexe et chronophage. Pour répondre, d’une part, à l’impératif de conservation des archives et, d’autre part, à la possibilité offerte par la loi de dématérialiser les documents relatifs à la gestion de l’immeuble ou des lots gérés par le syndic, il peut être recouru à l’archivage numérique. Il consiste à faire numériser les documents papier relatifs à la copropriété, et à les faire héberger dans des serveurs sécurisés. La provenance, l’authenticité et la lisibilité des documents conservés sous une forme exclusivement numérique doivent être garanties et maintenues pendant toute leur durée de conservation. Les données numérisées sont exploitables directement depuis un ordinateur, une tablette ou un téléphone et facilement accessibles aux collaborateurs du syndic et aux copropriétaires.
L’archivage numérique ne remplace pas complètement l’archivage physique. Il doit répondre aux normes de descriptions documentaires, garantir l’intégrité des documents archivés et définir des mesures techniques et organisationnelles à mettre en œuvre pour gérer le système d’archivage électronique.
Les deux procédés, numérique et physique, sont complémentaires pour simplifier le traitement, la conservation et la gestion des archives.
Combien de temps faut-il conserver les archives de la copropriété ?
Les archives sont l’ensemble des documents collectés. Le syndic doit les conserver aussi longtemps que dure son mandat et les remettre à son successeur lorsque l’assemblée générale décide de changer de syndic. L’action en responsabilité contre le syndic est possible pendant cinq ans lorsqu’il commet une faute dans l’exécution de son mandat. Les preuves de la faute du syndic doivent être conservées pendant cette durée.
La durée de conservation des archives de la copropriété en tant que telle n’est pas fixée par la loi et le décret relatifs à l’immeuble en copropriété. S’il est opportun de trier régulièrement les documents archivés de la copropriété, la décision d’en éliminer une partie devenue manifestement inutile à la copropriété se prend au regard de la réglementation générale (droit de la copropriété, Code de la sécurité sociale, Code de commerce, Code du travail, etc.), de la législation et du délai de prescription de certaines actions en justice, ainsi que de la possibilité d’utilisation des données au-delà des délais requis. Tous les documents relatifs à l’immeuble et au syndicat qui peuvent être utiles au suivi de la bonne administration du bâtiment ou qui présentent un intérêt pour le syndicat, seront conservés sans limitation de durée, notamment les actes notariés, les plans et les fiches techniques du bâtiment. La liste des pièces à détruire, sauf quand il s’agit de correspondances courantes, est à soumettre au conseil syndical.
Principaux délais de conservation des archives :
Réglementation |
Pièces et documents |
Durée de conservation |
Loi sur la copropriété |
Décompte de charges et pièces justificatives |
10 ans à compter de la date de décharge |
Procès-verbaux d’AG et pièces annexées |
10 ans au moins* |
|
Code de commerce |
Documents comptables et pièces justificatives, documents bancaires |
10 ans |
Code de la sécurité sociale |
Bulletins de paie |
5 ans |
Documents relatifs aux cotisations et contributions sociales |
3 ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues |
|
Droit civil, droit de l’urbanisme, |
Documents relatifs à la construction et à la rénovation du bâtiment |
10 ans à partir de la réception définitive* |
Droit civil |
Documents relatifs à la propriété des parties communes et privatives |
30 ans* |
* la conservation illimitée est conseillée
Comment classer les archives ?
La nature des archives diffère selon leur usage. Elles sont «vivantes» ou «courantes» lorsqu’elles présentent un intérêt immédiat dans le cadre de la gestion quotidienne de l’immeuble ; dans le cas inverse, elles sont «dormantes». Leur classement dépend de leur nature, les premières devant être rapidement et facilement accessibles tandis que les secondes peuvent être classées de façon moins accessible. Cette distinction est moins pertinente s’agissant d’archives numériques. Le classement doit être stable, permanent, et facilement exploitable. Les exigences et recommandations fonctionnelles et organisationnelles applicables aux tiers archiveurs, y compris aux syndics, pour la mise en place et l’exploitation de prestations d’archivage afin d’assurer la gestion des archives sur supports physiques ou numériques qui leur sont confiées font l’objet de normes, notamment celles publiées par l’AFNOR.
Pour l’archivage papier, le prestataire doit respecter la norme NF Z40-350 (novembre 2021) qui impose, dans le cadre d’un référentiel précis et documenté, les critères à respecter pour garantir la conservation des documents en limitant au maximum les risques. En matière d’archivage numérique, la norme NF Z42-013 (version 2020) permet de se référer à des principes et des procédés éprouvés et validés lors de la conception ou de l’exploitation de systèmes informatiques pour l’enregistrement, l’archivage et la communication des documents numériques. Son respect garantit aux utilisateurs que les documents numériques sont capturés, archivés, restitués et communiqués en gardant une valeur identique à celle du document d’origine pendant toute la durée de conservation.
Le classement fait l’objet d’un bordereau listant l’ensemble des archives. Si c’est une société d’archivage qui crée un classement, le coût est à la charge du syndicat.
Comment consulter les archives et à qui les communiquer ?
Le conseil syndical a un libre accès aux archives de l’immeuble. Il peut prendre connaissance et obtenir copie de n’importe quelle pièce relative à la gestion par le syndic et à l’administration de la copropriété. Si le syndic ne communique pas les éléments demandés au conseil syndical, il est redevable d’une pénalité de quinze euros par jour de retard, au-delà du délai d’un mois à compter de la demande du conseil syndical (art. 21, loi du 10 juillet 1965 et art. 26, décret du 25 mars 1967).
Les copropriétaires accèdent aux pièces justificatives des charges et aux contrats avant l’assemblée générale (art. 18-1, loi du 10 juillet 1965) et, après celle-ci, à l’ensemble des documents relatifs à l’assemblée générale pour vérifier la régularité des opérations.
Il appartient au syndic de communiquer au copropriétaire qui en fait la demande, les documents dont il a besoin.
Dans le cadre de la dématérialisation des documents, le décret n° 2019-502 du 23 mai 2019 fixe la liste minimale des documents relatifs à la gestion de l’immeuble mis à la disposition des copropriétaires et des membres du conseil syndical ainsi que les documents concernant les lots des copropriétaires via un espace sécurisé en ligne.
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Comment gérer les archives lors d’un changement de syndic ?
En cas de changement de syndic et dans le délai d’un mois à compter de la cessation des fonctions de l’ancien syndic, l’ancien syndic doit transmettre au nouveau syndic l’intégralité des documents et les archives de copropriété ainsi que, le cas échéant, l’ensemble des documents dématérialisés liés à la gestion de l’immeuble ou aux lots gérés, dans un format téléchargeable et imprimable (art. 18-2, loi du 10 juillet 1965 ; art. 33-1 du décret du 17 mars 1967). Cette transmission s’accompagne d’un bordereau récapitulatif des pièces communiquées.
La copie de ce bordereau est remise au conseil syndical. Si le syndicat a fait le choix de confier ses archives à un prestataire spécialisé, le syndic doit dans ce délai d’un mois, informer ce prestataire de ce changement en lui communiquant les coordonnées du nouveau syndic. Si l’ancien syndic ne remet pas les documents dans le délai légal, le nouveau syndic ou le président du conseil syndical le met en demeure d’avoir à le faire par lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre recommandée électronique, par acte d’un commissaire de justice ou par remise contre émargement. A défaut de remise dans le délai de huit jours à compter de la mise en demeure, le nouveau syndic ou le président du conseil syndical peut demander au juge d’ordonner la remise des archives sous astreinte (art. 34 et art. 64, décret du 17 mars 1967).