[N°633] - Vous avez dit “charges” ?

par Julie HAINAUT, journaliste
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Index de l'article

Les charges sont des dépenses qui incombent à chaque copropriétaire selon sa quote-part. Que représentent-elles ? Quelle est leur typologie ? Comment les répartir ? Quels sont les postes les plus coûteux ? Le point.

©ThussenKrupp



Le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris en application de la loi n° 65-557 du 10  juillet 1965 définit la notion de charges comme l’ensemble des dépenses qui seront définitivement supportées par chacun des copropriétaires, et ce, proportionnellement à la taille de leur lot au sein de la copropriété. En 2016, les charges ont augmenté de 3,9 % selon l’Association des responsables de copropriété (ARC), après une baisse en 2014 (-4,9%) suivie d’une stabilité en 2015 (cette revue, juil-Août 2017, n° 630). Chaque copropriétaire dépense, en moyenne, 46,77 euros au m2 par an pour les charges communes de son immeuble. Toujours selon l’ARC, les postes ayant subi une forte augmentation sont le chauffage, l’assurance et les frais de gestion.


 


Les postes en forte augmentation

 


> Le chauffage

représente le plus gros poste des consommations d’énergies dans une copropriété. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), il «représente 62 % des consommations d’énergie dans l’habitat». C’est l’évolution des charges de chauffage, qui représente le tiers des charges totales, qui a impacté le plus fortement l’évolution des charges générales, selon l’ARC. En 2016, le poste de chauffage a représenté près de 13,50 euros par m2, soit une augmentation de 8,6 % par rapport à 2015. L’ARC a également constaté une augmentation de la consommation de calories de 13,3 %, en raison d’un automne et d’un début d’hiver, plus froids. Pour stopper le phénomène, il existe des solutions, notamment celle d’économiser au mieux l’énergie tout en mettant en concurrence les fournisseurs d’énergies. Il existe parfois des écarts de 15 % entre le gaz et le fioul. Si le bois reste l’une des énergies renouvelables les plus économiques, il faut privilégier du bois de qualité et acheter son bois au volume plutôt qu’au poids. Le fioul est l’une des énergies les plus polluantes (300 g de CO2/kWh contre 230 pour le gaz naturel) mais le prix variant selon celui du pétrole, cette énergie peut être intéressante économiquement. Le gaz naturel reste, quant à lui, une source d’énergie très économique, plus attractif que le gaz propane qui nécessite un lieu de stockage et une installation parfois onéreuse. Quant à l’électricité, elle est l’une des solutions les moins coûteuses à l’installation (il faut compter entre 50 et 500 euros pour un convecteur électrique de 1000 watts), mais elle reste l’énergie la plus chère. Le site en ligne Selectra s’est associé avec le site Seloger.com et propose un comparateur d’énergie afin d’obtenir des tarifs négociés plus avantageux que les tarifs réglementés. Alors que les tarifs réglementés du gaz naturel augmentent de 2,6 % au 1er mars 2017, dans le sillage d’une hausse de 5 % au 1er janvier, Seloger lance une opération d’achat groupé d’électricité et de gaz ouverte aux utilisateurs de ses services et à tous les Français. Le principe «se regrouper pour jouer sur la force du nombre et négocier une offre moins chère pour les inscrits» précise le site. Parmi les meilleures offres actuelles, Dyneff propose pour le gaz 13 % de remise sur le prix du kWh HT par rapport aux tarifs règlementés du gaz garantis pendant trois ans ; Direct Energie propose 10 % de remise sur le prix du kWh HT par rapport aux tarifs règlementés garantis à vie ; Happ-e, l’offre tout en ligne du groupe Engie, propose 14 % de remise pour l’électricité.


> Les contrats d’assurance

ont augmenté fortement en 2016 (+82,2 % depuis 2007), en raison notamment du vieillissement du parc immobilier et de la hausse des sinistres. «Seule une véritable mise en concurrence des compagnies d'assurance peut permettre à certaines copropriétés de retrouver des tarifs plus compétitifs» note l'ARC.


> Le poste concernant les frais de gestion

a représenté, en 2016, 5,61 euros par m2 (soit +4 %) toujours selon l’ARC. «L’année 2016 a vu la mise en place effective des contrats type de syndic à compter de leur approbation lors des assemblées générales du premier semestre. Cela s’est traduit pour certaines copropriétés par une forte augmentation des honoraires de base non compensée par une réduction du même niveau des prestations particulières, malgré l’intégration de certaines de ces prestations dans le forfait de base» précise l’association.


 

 


Charges générales vs charges spéciales


La participation de chaque copropriétaire varie selon la nature des charges, générales ou spéciales. C’est le règlement de copropriété qui répartit les charges de l’immeuble entre ces deux types.

Les charges «générales» correspondent aux frais liés à l’administration de l’immeuble (frais de tenue des assemblées générales, honoraires du syndic, par exemple), l’entretien et la conservation de ce dernier (nettoyage des parties communes…). Chaque copropriétaire a l’obligation de participer aux charges générales à hauteur de sa quote-part, même si la dépense ne présente aucune utilité directe pour le lot. Ainsi, un copropriétaire habitant au rez-de-chaussée devra participer aux charges de la toiture ; celui résidant au dernier étage à l’entretien des espaces verts.

Les charges «spéciales» correspondent aux frais liés aux services collectifs (système de sécurité, service de nettoyage, gardiennage…) et aux équipements communs (installation d’une antenne de télévision, entretien des ascenseurs…). Elles sont payées en fonction de l’utilité objective, donc de la possibilité pour les copropriétaires d’utiliser ces services ou équipements. Ainsi, un copropriétaire résidant au rez-de-chaussée n’aura pas à supporter les frais d’ascenseur, sauf si celui-ci dessert la cave ou le parking que possède le copropriétaire (voir ci-après).




Charges courantes vs charges exceptionnelles

 

Il convient également de faire le distinguo entre les charges correspondant aux dépenses indispensables d’engager chaque année pour faire fonctionner la copropriété et conserver l’immeuble en bon état (charges courantes) et celles qui sont décidées ponctuellement (charges exceptionnelles). Ces charges, courantes ou exceptionnelles, peuvent être générales ou spéciales selon les parties de l’immeuble auxquelles elles s’appliquent.

Les charges courantes correspondent aux dépenses prévues dans le budget prévisionnel voté chaque année en assemblée générale (majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965). Si l’assemblée générale peut prévoir des appels de charges mensuels, semestriels ou annuels, généralement, les charges courantes font l’objet de quatre provisions trimestrielles, chacune égale au quart de la quote-part due par chaque copropriétaire. Ces charges sont ensuite déposées par le syndic sur un compte séparé, ouvert au nom de la copropriété.

Les dépenses exceptionnelles, non prévues dans le budget prévisionnel, correspondent aux gros travaux, hors ceux prévus dans le cadre de contrats de maintenance, décidés au coup par coup en assemblée générale. Il s’agit des travaux de conservation ou d’entretien de l’immeuble, de travaux portant sur des éléments d’équipement communs (mise en place d’un ascenseur), de travaux d’amélioration (aménagement de locaux à usage communs, surélévation de bâtiment) et des études techniques (consultations, diagnostics).


 

Le paiement

 

Comme cela a été dit ci-dessus, chaque copropriétaire doit assumer le paiement des charges votées à hauteur de sa quote-part figurant dans l’état de répartition des charges.

Les dépenses prévues dans le budget prévisionnel sont financées par le paiement de provisions versées par les copropriétaires au syndicat des copropriétaires. Elles sont généralement égales au quart du budget voté, sauf si l’assemblée générale en a décidé autrement. Elles doivent être réglées le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l’assemblée générale. Le syndic envoie une lettre simple en indiquant le montant de la provision à chacun des copropriétaires, avant la date d’exigibilité.

Les dépenses non prévues dans le budget prévisionnel sont généralement votées en même temps que les travaux. Leur montant et la date d’exigibilité sont fixés par l’assemblée générale. Le syndic peut aussi exiger le versement de provisions spéciales pour les travaux autorisés par l’assemblée générale, en dehors des travaux de maintenance, ainsi que pour les travaux urgents (sans délibération préalable de l'assemblée générale et après avis du conseil syndical). Il peut, enfin, demander le versement d'une réserve ou fonds de roulement fixé par le règlement de copropriété (au maximum 1/6e du budget prévisionnel). Ici aussi, le syndic envoie une lettre simple en indiquant le montant de la provision à chacun des copropriétaires, avant la date d’exigibilité.

Depuis le 1er janvier 2017, les copropriétaires sont tenus de participer à un fonds de travaux, afin de faire face à la réalisation de travaux à venir. La constitution de ce fonds peut être reportée pour les immeubles neufs, à l’issue d’une période de cinq ans suivant la date de la réception. Chaque copropriété peut, quoiqu’il en soit, instituer ce fonds avant les délais légaux. Cependant, les copropriétés de moins de dix lots ayant pris la décision de ne pas instituer de fonds de travaux - après un vote à l’unanimité pris en assemblée générale - et celles dont le diagnostic global technique révèle l’absence de besoin de travaux au cours des dix prochaines années, peuvent en être dispensées. Ce fonds de travaux permet de financer des dépenses de travaux obligatoires non prévus au budget prévisionnel.


 

 


Quid du non-paiement des charges ?



Aucun copropriétaire ne peut se soustraire au règlement des charges, même s’il n’était pas présent lors de l’assemblée générale et même s’il s’est abstenu de voter. Aucune dispense n’est possible, peu importe l’usage du lot ou de la situation du copropriétaire. Un copropriétaire ne s’acquittant pas du paiement d’une provision trente jours après avoir reçu une mise en demeure par le syndic, peut se voir réclamer immédiatement la totalité des provisions de l’année budgétée. Le syndic peut alors saisir le président du tribunal de grande instance afin de demander le paiement. Il n’a pas besoin de l’autorisation de l’assemblée générale. Les frais qui seront engagés par le syndicat des copropriétaires pour recouvrer l’argent dû par le copropriétaire peuvent être mis à la charge du défaillant, mais une décision de justice sera alors nécessaire pour cela.


 

 


Peut-on modifier la répartition des charges ?


En principe, il est nécessaire de recueillir l’unanimité des voix des copropriétaires pour modifier la répartition des charges fixées par le règlement de copropriété (article 11 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).  «Or, force est de constater que certains aléas de voisinage réduisent parfois la possibilité pour que l’unanimité se constitue, bien que la nouvelle répartition des charges soit mieux appropriée à l’évolution de la vie en collectivité dans l’immeuble concerné, alors même qu’une très large majorité des voix exprimées des copropriétaires accepte la nouvelle répartition» (Réponses ministérielles, cette revue, avril 2017, n° 627).

Deux voies sont possibles pour modifier la répartition des charges communes : le vote de l’assemblée générale et la voie judiciaire.

Dans le premier cas, un vote unanime est exigé en principe mais des dérogations permettent un vote majoritaire. «L’unanimité est requise dans la mesure où la répartition des charges de copropriété est de nature contractuelle. De la sorte, elle constitue la loi des parties et ne peut être modifiée ou révoquée que par le consentement mutuel de tous les contractants ou pour les causes que la loi autorise, par application de l’article 1134 du Code civil. Il faut entendre l’unanimité comme l’expression de l’ensemble des copropriétaires, et non pas comme celle des copropriétaires présents et représentés à l’assemblée générale ; si elle est difficile à réunir, elle est aussi la garante de l’intérêt général des copropriétaires et s’abstrait des divergences d’ordre personnel entre copropriétaires. Les dérogations se justifient par l’évolution de l’immeuble en copropriété soit dans l’usage des parties privatives, soit dans la consistance des parties communes (acquisition ou la vente de parties communes), ou des parties privatives (subdivision d’un lot) ou encore la réalisation de travaux, notamment des travaux d’amélioration ou d’économies d’énergie» (Réponses ministérielles, cette revue, précité).

Dans le deuxième cas, à savoir la voie judiciaire, chaque copropriétaire peut saisir le tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble concerné. Un copropriétaire constatant une irrégularité - que sa part soit supérieure de plus d’un quart à ce qu’elle devrait être, ou que la part d’un autre copropriétaire s inférieure de plus d’un quart à ce qu’elle devrait être - peut saisir le tribunal de grande instance, dans les cinq ans suivant la publication du règlement de copropriété au fichier immobilier ou dans les deux ans suivant la première vente du lot de copropriété intervenue après la publication du règlement de copropriété au fichier immobilier. Le juge établit alors un nouveau tableau de répartition des charges tenant compte de la révision : il s’impose alors à tous les copropriétaires.


 


Le cas de la répartition des charges d’ascenseurs


Ces charges spéciales concernent les dépenses liées à leur utilisation, leur entretien, leur réparation et leur amélioration (mise aux normes) et sont réparties entre les différents copropriétaires. Les règles de répartition de ces charges doivent respecter l’article 10 de la loi de 1965 : «les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement communs en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot». Ainsi, ces charges sont réparties selon l’utilité abstraite qu’ils présentent pour chaque lot. La répartition des charges d’ascenseur entre les copropriétaires est indiquée dans le règlement de copropriété. Un copropriétaire situé au rez-de-chaussée n’est pas concerné par les charges de l’ascenseur, sauf s’il existe une cave, un garage, ou un sous-sol et que l’ascenseur permet de le desservir. Pour les copropriétaires situés en étages supérieurs, le critère de l’utilité s’appréciera en fonction de la position de leur logement par rapport au nombre d’étages total. Un coefficient différent est attribué en fonction de chaque étage. L’utilité s’apprécie en fonction de chaque lot et non pas en fonction de l’usage que chaque copropriétaire fait de son lot. Un copropriétaire s’abstenant volontairement d’utiliser l’ascenseur (ou tout autre service ou équipement collectif) n’est pas pour autant dispensé de payer ses charges (CA Paris, 18 octobre 1979).

Le coefficient d’étage utilisé pour la répartition des frais d’entretien de l’ascenseur ne sera pas le même que celui pratiqué pour la répartition des frais d’installation. Lors de la création d’un ascenseur - assimilé à des travaux comportant amélioration selon la loi du 10 juillet 1965 -, une grille de répartition des charges correspondantes entre les copropriétaires doit être fixée, ainsi qu’une répartition du coût des travaux «en proportion des avantages qui résulteront des travaux envisagés pour chacun des copropriétaires, sauf à tenir compte de l'accord de certains d'entre eux pour supporter une part de dépenses plus élevée», et ainsi qu’une «répartition des dépenses de fonctionnement, d'entretien et de remplacement des parties communes ou des éléments transformés ou créés», le tout à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux-tiers des voix des copropriétaires. Ces grilles devront, ensuite, être publiées au fichier immobilier et deviendront partie intégrante du règlement de copropriété.

Le principe du calcul des charges d’ascenseur obéit une formule simple : (tantièmes/total des coefficients) X coefficient applicable à l’étage.




Lexique


Une provision sur charge est une somme versée ou à verser par le copropriétaire, en attente du solde définitif après approbation des comptes du syndicat de copropriété.
Une avance est un fonds destiné à constituer une réserve et est remboursable.

Un tantième est une part exprimée en pourcentage calculée par rapport à l’ensemble de toutes les parts de l’immeuble. Il détermine le pouvoir de vote en assemblée générale et sert de base de calcul dans la répartition des charges « générales » de copropriété.

Une quote-part est exprimée en tantièmes et sert à déterminer la part de charges communes que chaque propriétaire doit payer.


 


L’individualisation des frais de chauffage et d’eau chaude sanitaire


Il s’agit de payer une facture énergétique correspondant réellement à sa consommation. Les économies d’énergie réalisées peuvent aller jusqu’à plus de 10 %. La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a généralisé ce dispositif d’individualisation. Afin de calculer la consommation réelle de chaque habitant, des appareils de mesure doivent être installés avant le 31 décembre 2019, en fonction des consommations actuelles de l’immeuble - une priorité est donnée aux bâtiments les plus énergivores. Il s’agit soit de répartiteurs électroniques placés sur chaque radiateur et qui calcule la chaleur émise, soit de compteurs d’énergie thermique situés à l’entrée du logement. Ils servent donc à produire des factures sur la consommation réelle, et donc à éviter les mauvaises surprises, la facture s’ajustant chaque mois à sa consommation réelle, mais également à prévenir les microcoupures et à détecter d’éventuels gaspillages. Le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, est responsable de l'installation du dispositif permettant l'individualisation des frais de chauffage.