[N° 556] En finir avec les nuisances sonores

par Paul TURENNE, journaliste
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nuisance sonoreFigurant en bonne place parmi les sources de nuisance en copropriété, le bruit avive bien souvent les tensions entre voisins.

Comment le prévenir et quels moyens mettre en œuvre quand la situation perdure ?

Soirées avec force cris et chahuts dans les couloirs jusqu’à 4h du matin, bruits de canalisations, talons aiguilles de la voisine du dessus ou bien encore aspirateur passé à toutes heures du jour et de la nuit par le maniaque du ménage d’à côté...

La vie en copropriété demande souvent bien des concessions et un bon contrôle de soi. Il faut dire qu’au delà des petites et grandes incivilités de ses voisins, l’architecture et l’ancienneté des immeubles jouent souvent un grand rôle dans la propagation des ondes sonores.

Tous les bâtiments ne sont donc pas égaux en la matière. Ainsi, les constructions en béton propagent-elles un bruit plus important que les constructions traditionnelles, avec planchers en parquet sur poutres.


D’où l’importance, dans nombre  d’appartements modernes, de recouvrir le sol d’une moquette destinée à absorber les bruits de chute ou de pas. Il arrive pourtant que des copropriétaires soucieux d’aménager leur intérieur à leurs goûts, décident de changer le revêtement du sol. Si le résultat leur apporte la plus grande satisfaction sur le plan esthétique, il n’en va pas nécessairement de même pour la qualité acoustique de ce nouveau plancher... ou plafond, pour le voisin du dessous !  Ce changement peut, en effet, entraîner une perception excessive de bruits d’impact et dépasser ainsi les inconvénients normaux de voisinage,  sans forcément enfreindre le règlement de copropriété.


Entamer des travaux dans ce domaine implique donc de prendre des précautions élémentaires, sous peine de devoir tout démonter, à cause du recours d’un ou de plusieurs copropriétaires. La consultation du règlement de copropriété afin de connaître les conditions à respecter reste donc un préalable indispensable. D’autant plus qu’il prime sur la réglementation nationale, si ses exigences sont plus strictes que cette dernière. Le plus souvent une autorisation de l’Assemblée générale des copropriétaires ou du Syndic de copropriété sera requise avant toute modification majeure.

 

Guide troubles de voisinage


Mieux vaut prévenir...

D’un point de vue technique, des règles de l’art doivent impérativement être respectées lors de travaux. Ainsi, la dépose d’une moquette au profit d’un carrelage ou d’un parquet implique la pose d’une sous-couche résiliente alvéolaire. En clair, un revêtement de sol à la fois souple et élastique qui assurera une bonne isolation phonique. Toutefois, même si ces précautions ont bien été prises par le passé, il faut garder en tête qu’un revêtement usé perd fortement de son efficacité. Enfin, les revêtements de sol textile n’apportent aucune amélioration concernant les bruits dits aériens (voix, télévision, musique, aspirateur…) et sont totalement inefficaces contre les bruits provoqués par la flexion des parquets anciens. Des caractéristiques à bien avoir en tête ou à rappeler le cas échéant à ses voisins pour éviter de mauvaises surprises.
Ces actions préventives sont toutefois loin d’être évidentes, la plupart des copropriétaires communiquant rarement sur les travaux qu’ils entreprennent, afin de s’éviter des refus. D’autre part, l’isolation, même d’origine, peut être médiocre.
Dès lors que faire si la situation se dégrade, particulièrement en cas de manque de civisme ? Rappelons, avant toute chose que le syndicat de copropriété est garant de l’entretien et de la gestion des parties communes et qu’il mandate le syndic à cette fin. Les rappels à l’ordre relèvent donc de la responsabilité du syndic (éventuellement via un concierge) qui se chargera de rappeler le règlement de copropriété aux fauteurs de troubles et d’engager des actions progressives au nom du syndicat de copropriété.


Agir à l’amiable

Avant d’enclencher diverses procédures plus ou moins fortes, il convient de tenter d’abord une négociation à l’amiable avec le voisin concerné, en discutant avec celui-ci, ou en lui envoyant une simple lettre courtoise expliquant les désagréments occasionnés. Si la situation n’évolue pas, l’utilisation d’un tiers s’avère alors nécessaire. En faisant appel au maire de sa commune, doté de pouvoirs de police et garant de la tranquillité publique. Celui-ci pourra  diligenter des agents municipaux assermentés pour venir constater les troubles et rappeler au contrevenant la réglementation en vigueur. Dans le cas où le maire ne réagit pas, il est possible de saisir le préfet du département afin qu’il lui rappelle ses obligations en matière de tranquillité publique. Autre possibilité : s’adresser directement au commissariat du secteur dont dépend la copropriété.  Si cette manifestation de l’autorité publique reste sans effet, il est alors possible de saisir gratuitement le conciliateur de justice par simple lettre adressée au maire, afin d’engager une tentative de conciliation entre les deux parties. Le conciliateur de justice, nommé par le président de la Cour d’appel, va ainsi rechercher une solution satisfaisant les intérêts de chacun, éventuellement en se rendant sur place, et signer, en cas d’accord réciproque, un constat de conciliation qui aura force de jugement s’il est validé par le juge d’instance. Si ces tentatives de règlement à l’amiable échouent, les agents assermentés rédigent un rapport accessible aux deux parties, avec mise en demeure au fauteur de troubles d’y remédier. Sans réaction de sa part, ils dressent un procès-verbal et le transmettent au procureur de la République. Une action judiciaire peut alors être enclenchée, en saisissant soit un tribunal pénal, soit un tribunal civil.


Action juridique au civil...

Un procès civil permettra d’obtenir réparation du préjudice subi, à condition toutefois, d’en apporter la preuve au tribunal. Dans ce cas de figure, le but premier reste de faire cesser le bruit, et éventuellement d’obtenir une indemnité. Si les enjeux sont inférieurs à 7 600 ?, un action devra être engagée devant le tribunal d’instance. Dès lors, qu’ils dépassent 7 600 ?, ou que leur montant ne peut être chiffré, c’est au tribunal de grande instance qu’il faudra s’adresser. Il en est de même si la victime de troubles du voisinage souhaite imposer des travaux au contrevenant. Devant le tribunal d’instance, le requérant aura à cœur de prouver ses accusations par tous les moyens dont il dispose : constats d’huissiers, témoignages, procès-verbaux et de manière générale, tous documents allant en son sens. Si l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire pendant l’audience, les témoignages doivent cependant être rédigés sous une forme précise. Il est donc fortement conseiller de bénéficier au moins d’un conseil juridique. Une expertise juridique pourra être ordonnée par le juge, mais attention, les frais seront à la charge du demandeur.
Devant le tribunal de grande instance, l’assistance d’un avocat sera en revanche obligatoire, ce qui implique que le demandeur et le défendeur prennent les honoraires à leurs charges respectives. En cas de victoire, les frais d’expertise et d’huissier seront intégralement supportés par le fauteur de bruit qui pourra également être amené à payer les frais d’avocat en application de l’article 700 du Code de procédure civile). Attention toutefois, à bien peser la décision car si le demandeur est débouté, tous les frais resteront à sa charge et il pourra même être condamné à payer une amende pour procédure abusive.


… Ou au pénal

Au pénal, la logique est foncièrement différente. Ici, il sera davantage question d’obtenir la condamnation du coupable et d’éventuels dommages et intérêts, sous réserve de se porter partie civile. En cas de plainte ou de citation directe, le juge pénal, pourra condamner, en plus, le responsable à payer une amende. Mais il ne pourra paradoxalement pas faire cesser le bruit ! Seul le procureur de la République pourra décider d’enclencher une procédure pénale. Celui-ci sera saisi soit par lettre adressée par le requérant au tribunal de grande instance du lieu de l’infraction, soit via la brigade de gendarmerie ou le commissariat de police où a été déposée la plainte, qui la lui transmettra. Dès la plainte déposée devant le tribunal pénal, une constitution en partie civile afin de défendre ses intérêts et d’obtenir réparation du préjudice est possible. A ce stade, un constat d’huissier (à vos frais) ne pourra que renforcer les chances de voir aboutir la procédure. En ce qui concerne la lettre de plainte, elle devra comporter les noms, prénoms et adresse du plaignant ainsi que les faits reprochés décrits le plus précisément possible avec le lieu, les circonstances, la date et l’heure de l’infraction, sans oublier les noms et les adresses des témoins. Suite à l’analyse de ces faits, le procureur pourra alors, au choix, classer l’affaire sans suite en cas d’infraction non prouvée ou d’auteur non identifié, engager une médiation (gratuite et sans avocat), ou bien choisir d’engager des poursuites pénales. Dans ce dernier cas, l’auteur des faits qui encourt au maximum une amende de 450 ?, sans compter d’éventuels dommages et intérêts, recevra une convocation par le procureur de la République devant le tribunal de police situé au tribunal d’instance.
 


Réglementation acoustique : plusieurs cas de figure

- Logements construits avant 1970
Avant 1970, la réglementation imposait simplement aux constructeurs une isolation acoustique «suffisante». Un flou juridique qui explique que bon nombre d’appartements antérieurs à cette date présentent une isolation plus qu’aléatoire. Qui plus est, même dans le cas d’une rénovation d’immeuble ancien, aucune exigence n’est fixée au promoteur en ce qui concerne la qualité acoustique.
Les locataires qui souhaitent bénéficier d’un plus grand confort devront donc procéder à des travaux d’isolation en lien avec leur propriétaire. Des aides de l’Anah sont à la disposition, et des bailleurs, et des locataires. En cas de situation extrême, le logement pourra toutefois être déclaré “impropre à sa destination” et le propriétaire obligé de procéder à des travaux d’isolation. Sous certaines conditions de ressources, et si la résidence principale est achevée depuis plus de vingt ans, un occupant propriétaire pourra quant à lui obtenir la prime à l’amélioration de l’habitat

- Logements construits entre 1970 et 1996
Tous les immeubles construits entre le 1er janvier 1970 et le 1er janvier 1996 doivent respecter les critères de l’arrêté du 14 juin 1969 (article R. 111-4 du Code de la construction et de l’urbanisme) qui fixe des valeurs de niveau sonore maximal pour les planchers, les cloisons séparatives et les équipements, mais ne précise aucune valeur en ce qui concerne les fenêtres. Celui-ci prévoit notamment, pour une émission sonore égale à 80 décibels, que le niveau sonore dans un logement donné ne dépasse pas 35 dB(A) dans les pièces principales et 38 dB(A) dans les cuisines, salles d’eau et cabinets d’aisance. En matière de bruits d’impact, “l’isolation des planchers, y compris les revêtements de sol, doit être telle que le niveau de pression acoustique perçu dans chaque pièce principale ne dépasse pas 70 dB(A)”.
Par ailleurs, la circulaire du 9 août 1978 (chapitre III, section 6, article 54) traite des adjonctions ou transformations d’équipements du logement et préconise qu’ils respectent la réglementation en vigueur à la date de la modification ou de l’ajout. Sont ainsi notamment concernés les ascenseurs et appareils sanitaires, vide-ordures, installations de chauffage et de conditionnement d’air, canalisations d’eau, surpresseurs et éjecteurs d’eau, ou bien encore antennes de télévision soumises à l’action du vent.

- Logements construits après le 1er janvier 1996
La nouvelle réglementation acoustique traduite en droit européen a fait l’objet de deux nouveaux arrêtés du 30 juin 1999, applicables depuis le 1er janvier 2000. Depuis cette date, l’ensemble des pays de la communauté européenne doivent utiliser les indices uniques mis au point par le Comité européen de normalisation afin de caractériser les performances acoustiques des produits. Ces indices étant différents de ceux utilisés jusqu’alors en France, la réglementation s’en trouve quelque peu modifiée. Tandis qu’un arrêté fixe les exigences, l’autre donne les conditions de mesures et d’interprétation des résultats. Au final, seules les valeurs réglementaires relatives aux bruits aériens intérieurs et aux bruits d’impact évoluent, comme indiqué ci dessous.


Quelques exemples de jurisprudence significatifs

> Désordre d’isolation acoustique relevant de la garantie décennale des constructeurs
Dans le cadre de la rénovation d’un immeuble en vue de la vente par lots, la mauvaise exécution d’un plancher flottant a entraîné un désordre d’isolation acoustique. Relevant de la garantie décennale des constructeurs, ce manquement a rendu les appartements vendus impropres à leur destination. La condamnation des promoteurs a été justifiée.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 17 mars 1999, n° 97-19.766

> Arrêté du 14 juin 1969 non applicable à un immeuble construit avant l’entrée en vigueur de ce texte
Les propriétaires d’un appartement au premier étage d’un immeuble ancien en copropriété, avaient intenté une action en réparation des troubles acoustiques causés par l’exploitation d’un café restaurant situé au rez-de-chaussée de l’immeuble. Sur expertise judiciaire, l’isolation acoustique du plancher séparant les salles du café de l’appartement des intéressés avait été jugée non conforme aux normes prévues à l’arrêté du 14 juin 1969. Considérant que les dispositions de l’arrêté du 14 juin 1969 relatif à l’isolation acoustique dans les bâtiments d’habitation ne peuvent être prises en considération que pour les immeubles construits postérieurement à la mise en vigueur de ce texte, la Cour de cassation a jugé que l’arrêt d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision.

Cour de Cassation, 3ème chambre civile, 26 novembre 1986, arrêt n° 1323 S, pourvoi n° 85.14.722 G - Epoux Ghozzi
Il n’est toutefois pas interdit de considérer que ces dispositions s’appliquent même aux bâtiments anciens pour les logements nouveaux créés à l’intérieur de ces immeubles à la suite d’opérations de restructuration.

>Nuisances sonores provenant du bruit des ascenseurs : troubles de jouissance
En 1992, les époux D. ont acquis un appartement. Il s’est avéré très rapidement que le bruit de l’ascenseur perçu depuis cet appartement était anormalement important. La Cour de cassation, pas davantage que la cour d’appel, ne s’est prononcée sur la question de la conformité de la construction aux exigences réglementaires relatives à l’isolation acoustique. Estimant que les nuisances sonores résultant du caractère bruyant d’une machinerie d’ascenseur constituent des troubles de jouissance, la Cour a simplement constaté le caractère objectif des
préjudices résultant des troubles subis et confirmé l’allocation de dommages-intérêts.

Cour de cassation. 3ème chambre civile, 25 septembre 2002, n° 01-00.818

Pour aller plus loin :

• Centre d’information et de documentation sur le bruit
tél. : 01 47 64 64 64 ou www.bruit.fr  

• Association de défense des victimes de troubles de voisinage (ADVTV),
04 76 36 55 39 ou www.nuisances.advtv.free.fr 

• Comité national de défense des victimes du bruit (CNDVB),
BP 7 - 91 790 Boissy Sous Saint Yon


nuisances sonoresCe qu’il faut retenir :

• Les normes d’insonorisation ne s’appliquent qu’aux logements contruits après 1969.

• Un copropriétaire ne peut être contraint d’isoler son logement, mais une source de bruit commune à l’immeuble, peut faire l’objet de mesures d’isolation ou de restriction de la nuisance si une majorité de copropriétaires le décident en Assemblée générale.

• Lorsqu’un voisin baisse les performances acoustiques de son logement, les normes acoustiques de 1969 s’appliquent, dans la mesure où ces travaux touchent l’ensemble ou la majeure partie de son logement.
(cas d’une modification des conditions de jouissance d’un lot, qui nécessite l’approbation de la copropriété avant tous travaux)

• Des travaux courants, tels que l’installation d’équipements sanitaires, ainsi que certains travaux d’embellissement (décapage de l’enduit sur des pierres ou suppression de faux plafonds)­ peuvent détériorer l’isolation acoustique.

 

Guide troubles de voisinage