Copropriété | L’isolation thermique par l’extérieur

par Dalila Begriche, journaliste juridique
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copropriétéL’isolation thermique par l’extérieur connait un succès croissant depuis quelques années et s’impose comme solution privilégiée pour réaliser d’importantes économies d’énergie.

Le bâtiment est le premier secteur en matière de consommation d’énergie. Selon le ministère de l’aménagement du territoire, il représente 44 % de l’énergie consommée en France, loin devant le secteur des transports (31,3 %).

Une mauvaise isolation des murs est responsable de 25 % des pertes de chaleur dans un logement. L’isolation thermique par l’extérieur (ITE), technique qui consiste à placer de l’isolant protecteur à l’extérieur du bâtiment, réduit de 30 % les besoins de chauffage et apporte un confort thermique immédiat (Source : ADEME).

En hiver, l’ITE protège l’immeuble du froid et en été, elle permet de conserver la fraîcheur malgré la chaleur.

Indéniablement, elle permet de faire des économies, d’améliorer la classe énergétique, tout en valorisant le bien. Sujets d’importance pour les copropriétaires-bailleurs, puisque les logements les moins bien classés sont progressivement considérés comme indécents et ne pourront plus être loués (loi Climat et résilience n° 2021-1104 du 22 août 2021). Ainsi, les logements ayant un DPE “G” sont considérés comme indécents depuis le 1er janvier 2025.

Malgré cela, la décision n’est pas à prendre à la légère. En copropriété, plusieurs étapes sont nécessaires et cela peut prendre des années.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 707 d'avril 2025
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L’importance du choix de l’isolant

Il existe deux principales techniques d’ITE : sous enduit et sous bardage. La première consiste à coller le matériau isolant directement sur le mur et de le recouvrir d’un enduit, la seconde à insérer l’isolant entre des ossatures bois ou métal fixées au support grâce à des équerres.

Les travaux sont réalisés à partir de matériaux synthétiques (polystyrène expansé ou polyuréthane), minéraux (laine de roche ou de verre) ou naturels (fibre de bois ou ouate de cellulose).

«Le choix de l’isolant dépend de la nature de l’immeuble et du budget consacré» précise Pierrick Messien, référent des copropriétés chez DSD Rénov, entreprise de ravalement et d’isolation extérieure en Île-de-France et spécialiste du bâti ancien. Il ajoute qu’il existe «deux grands types de bâtiments : anciens (avant 1948) et modernes. Pour les immeubles anciens, la façade étant en pierre ou en brique, il faut utiliser un matériau perspirant, c’est-à-dire capable d’évacuer la vapeur d’eau afin de ne pas abimer le mur et d’éviter l’humidité». Il souligne que «le polystyrène expansé est souvent le plus utilisé car moins cher et simple à poser, mais il n’est pas recommandé pour tous les immeubles». Il conseille la laine de roche car «elle est perspirante et permet une isolation phonique et un confort d’été».

Enfin, en ce qui concerne la durée des travaux, il indique que «tout dépend de la surface et de l’état du bâtiment, mais qu’en général le chantier est de deux à trois mois».


Les avantages par rapport à l’isolation thermique par l’intérieur

L’isolation thermique par l’intérieur (ITI), qui consiste à placer l’isolation du côté intérieur du bâti, est la technique la plus utilisée à l’heure actuelle en France car elle est la plus facile à mettre œuvre.

L’ITE est moins répandue mais elle présente de nombreux atouts. Elle traite davantage les ponts thermiques que l’isolation intérieure et permet d’éviter les problèmes de condensation. Le confort acoustique est favorisé lorsqu’il s’agit d’un isolant fibreux, comme la laine de verre, de roche ou la fibre de bois. Par ailleurs, à l’inverse de l’ITI, il n’y a pas de perte de surface habitable. L’ITE est toutefois plus onéreuse et nécessite une autorisation d’urbanisme.

Compte tenu de ces éléments, l’ITE est à privilégier, sauf si sa mise en œuvre s’avère impossible, notamment en raison de contraintes urbanistiques. Pierrick Messien conseille d’abord de «contacter les services de la mairie pour déterminer si le projet est possible ». Par exemple, les travaux peuvent être refusés à cause «d’une trop grande emprise au sol sur le trottoir» ou si «l’immeuble est dans une zone Bâtiment de France», étant précisé qu’une combinaison des deux méthodes est tout à fait possible, avec «une ITI sur rue et une ITE sur cour».

Une solution que Guillaume Maillard, syndic au sein du cabinet Haméon, dans le Val-de-Marne (94), tempère : «Cela est compliqué à gérer car il faut que chaque copropriétaire procède lui-même aux travaux dans ses parties privatives».

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Du plan pluriannuel de travaux à l’aboutissement du projet

Le projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT), voté à la majorité de l’article 24, permet d’obtenir un «état des lieux» de la copropriété, réalisé à partir d’une analyse du bâti et des équipements de l’immeuble, du diagnostic de performance énergétique et du diagnostic technique global (art. 14-2, loi 10 juillet 1965).

La hiérarchisation des travaux dans le PPPT fait ressortir les chantiers les plus urgents et les plus efficaces en termes d’économie d’énergie. Généralement, l’ITE figure parmi les travaux à réaliser.

Le PPPT est présenté lors de la première assemblée générale qui suit son élaboration. S’il est nécessaire de réaliser des travaux au cours des dix prochaines années, le syndic inscrit à l’ordre du jour l’adoption de tout ou partie du PPPT (art. 25). Une fois voté, le projet devient le plan pluriannuel de travaux (PPT).

Si le PPT a été adopté, les copropriétaires voteront sa mise en œuvre selon un échéancier. Ainsi, les travaux figurant dans la liste font chacun l’objet de votes distincts les années suivantes. Si l’ITE figure parmi les travaux nécessaires, l’année suivante les copropriétaires voteront le programme de travaux, le choix de l’entreprise et du maître d’œuvre ainsi que le plan de financement, à la majorité de l’article 25, avec mise en œuvre de la passerelle le cas échéant.

«Le cabinet gère de plus en plus de chantiers d’ITE car il y a beaucoup de passoires thermiques» précise Guillaume Maillard. Il ajoute que pour mener à bien le projet «il faut au minimum 24 mois, mais que cela peut être davantage car il faut environ 12 mois pour obtenir une réponse de la banque et le traitement des dossiers par les organismes tels que l’ANAH, l’ADEME ou SOLIHA peut être long». Il insiste sur «l’implication essentielle du conseil syndical».

Certaines difficultés juridiques peuvent aussi freiner le projet. Ainsi, il explique que dans une copropriété qu’il gère, comprenant plusieurs bâtiments, il fait face à la récalcitrance des copropriétaires de l’un des immeubles : «le règlement de copropriété impose un vote par bâtiment. En conséquence, ils seront tous isolés, sauf un, ce qui nuira à l’harmonie de la copropriété».

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Les «travaux embarqués»

Depuis le 1er juillet 2017, des travaux d’isolation thermique doivent être simultanément engagés lorsque le bâtiment fait l’objet de :

- travaux de ravalement importants ;

ou travaux importants de réfection de toiture ;

ou d’aménagement en vue de rendre habitable un comble, un garage annexe ou toute autre pièce non habitable (surface minimale de plancher de 5 m2).

 

En application des articles R. 173-4 et R. 173-5 du Code de la construction et de l’habitation, sont considérés comme importants, «tous travaux de ravalement comprenant soit la réfection de l’enduit existant, soit le remplacement d’un parement existant ou la mise en place d’un nouveau parement, concernant au moins 50 % d’une paroi d’un bâtiment, hors ouvertures» et «le remplacement ou le recouvrement d’au moins 50 % de l’ensemble de la couverture, hors ouvertures».

Des exceptions ont toutefois été prévues, notamment lorsqu’il existe un risque de pathologie du bâti ou si les travaux ne présentent pas d’intérêt économique au regard de leur coût.

Lors de l’assemblée générale, les copropriétaires voteront d’abord la nature et le programme de travaux combinés (ravalement et isolation par exemple), puis le choix de l’entreprise, du maître d’œuvre et enfin le plan de financement, à la majorité de l’article 25 à chaque fois, puisqu’il s’agit de travaux d’économie d’énergie, même si la question de l’application de la majorité de l’article 24 peut se poser, dans la mesure où il s’agit de travaux obligatoires.

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Associer le changement des fenêtres et l’ITE

Sachant que 15 % des déperditions thermiques d’un bâtiment s’effectue par les fenêtres, combiner ITE et changement des menuiseries constitue une option intéressante.

Il est alors nécessaire d’adapter la technique de pose des fenêtres. L’idéal est de l’effectuer avant d’entamer le chantier : les fenêtres seront ainsi installées à l’intérieur de la couche d’isolant.

Par ailleurs, il faudra prendre certaines précautions pour la pose de volets roulants. Un dispositif de désolidarisation entre le coffre et l’enduit devra être mis en œuvre, en plus du calfeutrement de la fenêtre.

Si les fenêtres sont des parties privatives, le changement pourra être réalisé dans le cadre des «travaux d’intérêt collectif» prévus par l’article 25 f de la loi du 10 juillet 1965. Ces derniers permettent au syndicat de réaliser des travaux de rénovation énergétique dans les parties privatives. La question du remplacement des fenêtres sera soumise à l’assemblée générale qui se prononcera à la majorité de l’article 25, avec possible mise en œuvre de la passerelle.

Le coût global des travaux ne pourra pas être réparti selon les tantièmes de charges figurant dans le règlement de copropriété puisqu’ils ne concernent que les parties communes. Chaque copropriétaire devra supporter l’intégralité du coût réel des travaux dans son logement, sauf dans le cas où il est en mesure de produire la preuve de la réalisation de travaux équivalents dans les dix années précédentes.

«Notre cabinet a été amené à gérer le changement de fenêtres associé à l’ITE» indique Guillaume Maillard, «mais cela peut d’avérer compliqué à mettre en œuvre car certains copropriétaires refusent l’accès à leur appartement».

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Le financement des travaux

Outre le fonds travaux et les fonds propres des copropriétaires, il est possible de solliciter des aides financières. Il existe des aides individuelles versées directement aux copropriétaires et dont le montant varie en fonction des revenus du ménage. Il s’agit par exemple de MaPrimeRénov’ pour les logements de plus de quinze ans ou encore de l’éco-PTZ (prêt à taux d’intérêt zéro).

La principale aide de l’État est MaPrimeRénov’ Copropriété. Il s’agit d’une aide collective, demandée par le syndic au titre du syndicat des copropriétaires. La subvention est répartie selon les tantièmes de copropriété. L’aide dépend du coût des travaux, de la situation de la copropriété et du nombre de lots. MaPrimeRénov’ Copropriété finance de 30 % à 45 % du montant des travaux (plafonné à un montant de travaux de 25 000 € par logement). L’assistance à maîtrise d’ouvrage est obligatoire et est également financée en partie par l’ANAH.

Pour être éligible, la copropriété doit :

- avoir au moins 75 % des lots (65 % pour les copropriétés de 20 lots ou moins) ou à défaut des tantièmes dédiés à l’usage d’habitation principale

- réaliser des travaux permettant au moins 35 % d’économie d’énergie pour débloquer un premier palier de subvention, et 50 % pour débloquer un second palier ;

- être immatriculée.

Attention, comme l’explique Guillaume Maillard, «malgré les aides, il y a un reste à charge qui peut être important car il faut aussi payer le bureau d’étude et l’architecte».

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