[N° 544] - Entretien et rénovation des copropriétés classées

par Paul TURENNE
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Index de l'article

Si posséder un bien au sein d'une copropriété classée ou inscrite comporte des avantages, notamment en terme de fiscalité, cela apporte aussi un certain nombre de contraintes. Le point sur les obligations réglementaires de ces propriétés particulières.


Deux mesures de protection bien distinctes

Pour être considérée comme monument historique, une copropriété doit être répertoriée en tant que telle. Deux options sont possibles, avec des contraintes propres à chacune.

Classement total ou partiel parmi les monuments historiques

 

Ce classement concerne les immeubles dont la conservation présente, du point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public. Ceux-ci peuvent être classés comme monuments historiques, en totalité ou en partie, par les soins du ministre de la Culture et de la Communication. Les copropriétaires d’un immeuble classé monument historique peuvent librement donner, vendre ou léguer leur appartement mais doivent en aviser la direction régionale des affaires culturelles (D.R.A.C). Une fois la copropriété classée, tout travail de restauration ou de réparation nécessite l'accord préalable du ministre de la Culture et de la Communication. De même, elle ne pourra être détruite, déplacée ou modifiée, même en partie, sans avis favorable. En règle générale, les travaux sont pris en charge par l’Architecte en Chef des Monuments Historiques (A.C.M.H) et s'exécutent sous son contrôle, sans qu’aucun permis de construire ne soit nécessaire une fois l’autorisation obtenue. À noter, enfin, que l'ouverture au public n'est pas obligatoire.

Inscription sur l’inventaire supplémentaire

 

Certains immeubles ou parties d'immeubles, s’ils ne justifient pas un classement immédiat, présentent toutefois un intérêt d'histoire ou d'art certain.
Ils peuvent alors être inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du préfet de région. Les copropriétaires d’un immeuble inscrit ne peuvent librement donner, vendre ou léguer leur appartement sans en avoir auparavant avisé le directeur régional des affaires culturelles. De plus, pour toute réparation ou restauration, ce dernier doit être obligatoirement informé quatre mois auparavant. Les travaux sont alors soumis au permis de construire du maire de la commune, mais le ministère de la Culture peut s'y opposer en engageant une procédure de classement de l’immeuble. Une fois les travaux autorisés, le Conseil syndical est libre de choisir l'architecte et l'entreprise susceptibles de les mener à bien, pour peu qu’ils soient suffisamment compétents en matière de restauration du patrimoine.


Quelles aides pour réaliser les travaux ?

Il faut savoir que tout syndicat de copropriétaires d’un immeuble protégé au titre du Code du Patrimoine reste totalement responsable de sa conservation. Le coût d’un tel entretien étant bien souvent conséquent, les copropriétés concernées peuvent bénéficier d'aides octroyées par le ministère de la Culture et de la Communication. Ces dernières n’excluent pas d’autres aides, à condition qu'il s'agisse d'une collectivité locale, d'associations ou de fondations privées.

Pour les bâtiments classés, on distingue deux types de travaux, à savoir, les travaux de strict entretien et les gros travaux. Dans les deux cas, la maîtrise d'œuvre doit être assurée par l'architecte en chef des monuments historiques en cas d'aide financière de l'Etat. Les travaux de strict entretien sont destinés à conserver la copropriété dans le meilleur état possible, grâce à des mesures d’interventions légères.
Ils permettent ainsi d’éviter au maximum de recourir à la procédure de gros travaux, beaucoup plus lourde. Le syndicat des copropriétaires généralement conseillé par l'Architecte des Bâtiments de France du département en prend l’initiative et assure alors la maîtrise d'ouvrage. Une fois cette procédure lancée, un arrêté de subvention lui est notifié par la D.R.A.C. Le taux de financement de l'Etat est généralement de l'ordre de 50 % du montant hors taxes, la copropriété recevant alors une subvention versée au prorata des factures acquittées. Attention, il faut impérativement terminer l’ensemble des travaux avant la fin de l'exercice, car ces crédits ne sont pas reportables d'une année sur l'autre.
Les gros travaux sont quant à eux effectués sur la base d'une pré-programmation annuelle préparée par la Conservation Régionale des Monuments Historiques (C.R.M.H) en fonction des demandes des propriétaires et au vu du fichier sanitaire informatisé du ministère (Eurostrat). Pour que la demande soit effective, les syndicats de copropriétaires doivent auparavant fournir un engagement financier de principe. Puis, après une étude préalable, l'architecte en chef des monuments historiques réalise les projets de travaux (pièces graphiques et devis) et les soumet à l'approbation de l'inspection des monuments historiques et du conservateur du patrimoine monuments historiques de la C.R.M.H. Il faut savoir que la loi ne fixe pas de taux maximum à la participation de l'Etat. Toutefois, lorsque l'Etat est maître d'ouvrage, celui-ci tourne généralement autour de 50 % et exceptionnellement au-delà. Le syndicat de copropriétaires peut également choisir d’assurer lui-même la maîtrise d’ouvrage et reçoit alors une subvention versée au prorata des factures acquittées. En revanche, l’aide ne peut alors dépasser les 80 % de financement public qu'en cas d'urgence manifeste.

Pour les bâtiments inscrits, l'aide financière de l'Etat est limitée par la loi à 40 % mais elle se situe généralement autour de 25 %, selon divers critères comme l'urgence, l'intérêt des travaux ou bien encore les ressources des propriétaires.
Elle est attribuée sous forme de subvention, décidée par le préfet de région, sur proposition de la préfecture de Département et de la D.R.A.C, après avis de la conférence administrative régionale. Dès lors que la copropriété a obtenu l’autorisation du permis de construire, elle doit remettre un dossier de demande de subvention à la Conservation Régionale des Monuments Historiques. Outre la demande de subvention, ce dossier doit comporter obligatoirement un projet descriptif et estimatif des travaux, des pièces graphiques, sans oublier un engagement financier de la copropriété. Une fois les travaux lancés, l’architecte des bâtiments de France assure leur contrôle et doit ensuite signer un certificat de bonne exécution des travaux et de la remise des factures. Ce n’est qu’une fois ce certificat visé que la subvention sera versée au prorata des factures acquittées.


Une fiscalité avantageuse…

À l’heure actuelle, les copropriétaires d’immeubles classés ou inscrits comme monument historique bénéficient d'un régime fiscal spécifique qui s'avère particulièrement intéressant dès lors qu'ils entreprennent des travaux de rénovation.
Ainsi, ils peuvent profiter de déductions fiscales sur la part des travaux subventionnés effectués sur le monument (100 %), sur les frais résultant de l'ouverture éventuelle du monument à la visite (100 %), ainsi que sur les autres charges foncières (100 ou 50 % en fonction de l'ouverture ou non à la visite).
Enfin, l'exonération des droits de mutation (succession ou donation) est possible à titre gratuit, même si l'héritier n'appartient pas à la famille du détenteur. Pour se faire, les héritiers, donataires ou légataires doivent néanmoins souscrire une convention à durée indéterminée avec les ministères de la Culture et des Finances., Il n’est pas inutile de préciser que ces défiscalisations s’appliquent même pour un immeuble en copropriété et que la déduction des charges spécifiques ou des déficits fonciers du revenu global s’effectue sans limitation de montant… au moins jusqu’à la fin de cette année.


… mais jusqu’à quand ?

La loi de Finances 2009, actuellement en cours d’examen, si elle est votée en l’état modifierait profondément le paysage fiscal. Elle prévoit tout d’abord de plafonner l'avantage fiscal lorsque les Monuments Historiques ne sont pas ouverts au public. Le plafond prévu serait fixé à 200 000 euros. De plus, les propriétaires devront s'engager à conserver le bien pendant 15 ans à compter de la date d'acquisition pour bénéficier de l'avantage fiscal. Enfin, le placement de l'immeuble en copropriété deviendrait impossible.
Le régime fiscal deviendrait de fait beaucoup moins intéressant. « Bien sûr c’est un avantage fiscal, mais il ne faut pas oublier que les dépenses doivent être supportées et payées. Or, sur un monument historique, cela représente des sommes bien souvent considérables, il faut restaurer en l’état, avec des contraintes fortes » rappelle Maître Albert Granier, avocat fiscaliste à la Cour d’appel de Paris. « L’Etat a transféré ces dépenses de sauvegarde du patrimoine national en faisant miroiter les avantages fiscaux et maintenant on change la donne. Je crains fort que cette loi n’ait un effet néfaste pour la préservation du patrimoine dans les années à venir » déplore t-il. Reste que pour l’heure, le texte n’a pas été voté et doit encore passer devant le Sénat, traditionnellement plus conservateur. « Il est possible que le texte soit adouci, en tous les cas, il est appelé à subir des modifications dans les semaines qui viennent » précise Maître Granier. Un peu tôt donc, pour tirer aujourd’hui des conclusions définitives sur les dispositifs fiscaux des travaux qui commenceront à partir de 2009. Réponse d’ici fin décembre.
 

Paul TURENNE


Le « Malraux », un régime fiscal à part

Les investissements loi Malraux concernent des immeubles anciens, pas nécessairement classés, mais situés dans des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (Z.P.P.A.U.P) ou en secteurs sauvegardés. Les Z.P.P.A.U.P sont instituées autour des monuments ou quartiers historiques, des sites ou espaces à protéger, à mettre en valeur pour des motifs esthétiques, historiques ou culturels. Les secteurs sauvegardés, quant à eux, ont pour objet de conjuguer les efforts de restauration immobilière et de mettre en place une protection à l'échelle d'un quartier dans le cadre du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (P.S.M.V). La loi Malraux permet aux propriétaires d'immeubles anciens, ayant fait l'objet d'une restauration complète et donnés en location, de déduire de leur revenu global le déficit foncier résultant des travaux de restauration, sans plafonnement de montant. Par ailleurs, le bien doit être loué pendant 6 ans.
Si le projet de loi de Finances 2009 était adopté en l'état, la durée minimale obligatoire pour louer le logement resterait à six ans. En revanche, les dépenses affectées à la rénovation des bâtiments seraient déductibles de l'impôt sur le revenu, seulement si l'immeuble est situé dans un secteur sauvegardé. Enfin, elles seraient plafonnées à 144 000 euros et ce, dès le 1er janvier 2009. Toutefois, au vu des dernières discussions à l’Assemblée ce plafonnement serait plutôt transformé en une réduction d’impôts.
« Désormais, les dépenses ne seraient plus déductibles dans une certaine limite mais un pourcentage de 15, 25 ou 30 %, pas encore fixé par le Parlement, serait déduit pendant quatre ans dans la limite d’un plafond de 100 000 euros » précise Maître Granier. Mais, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions
définitives. « C’est pour l’instant une situation de non-droit et d’incertitude pour les investisseurs. »


Ce qu’il faut retenir

- Tous les travaux exécutés sur des immeubles inscrits ou classés au titre des Monuments Historiques nécessitent l’accord préalable de la D.R.A.C.

- Les aides de l’Etat pour la rénovation d’immeubles classés ou inscrits sont cumulables avec les aides octroyées par les collectivités locales (Conseils généraux ou régionaux), les associations ou les fondations privées.

- Une étude préalable est indispensable avant toute intervention sur un bâtiment ancien, afin d’évaluer au mieux le coût des travaux et leur faisabilité.

- Toute construction, restauration ou destruction effectuée dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit (rayon de 500 m. autour du monument) doit obtenir l'accord de l'architecte départemental des bâtiments de France.
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Pour en savoir plus

Les S.D.A.P
Les Service Départementaux de l’Architecture et du Patrimoine (SDAP) sont des services  déconcentrés du ministère de la Culture et de la Communication. Ils interviennent également au niveau départemental pour le compte des ministères de l’Environnement et de l’Equipement. Les SDAP ont pour mission première de « promouvoir la qualité architecturale, urbaine et paysagère ainsi que l’insertion harmonieuse et durable des constructions et aménagements dans le milieu environnant ». Ils veillent ainsi à l’application des législations concernant l’architecture, le patrimoine monumental, l’environnement et l’urbanisme dans un objectif de développement durable et de qualité des territoires.
Plus d’infos : www.culture.gouv.fr/culture/regions/sdap-liste.htm

Les D.R.A.C
Les Directions Régionales des Affaires Culturelles sont chargées de mettre en œuvre, sous l'autorité du préfet de région et des préfets de département, la politique culturelle définie par le gouvernement. En ce qui concerne la conservation régionale des monuments historiques, elles autorisent, contrôlent et subventionnent éventuellement les travaux de restauration sur les monuments inscrits à l'inventaire supplémentaire.
Plus d’infos : www.culture.gouv.fr/culture/regions/index.html

Mais aussi :
Agence Nationale de l'Habitat (subventions) www.anah.fr