[N° 540] - Gardien concierge : un métier en voie de disparition ?

par Maud PHILIBERT
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Index de l'article

L'historien Jean-Louis Deaucourt indique que le “concierge” également nommé “portier” ou “suisse” est apparu très tôt dans la littérature du Moyen-Âge indiquant ainsi sa présence dès cette époque, présence qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours.
Si le concierge a, de tout temps appartenu à la vie de l’immeuble, force est de constater aujourd’hui sa disparition progressive.
Encore que les copropriétés aient de nouveau tendance à se réapproprier la vocation sociale de celui qu’on pourrait appeler le “chef d’orchestre” non seulement des parties communes mais aussi de la vie sociale qu’il maintient dans les lieux.

La nature juridique du statut de “concierge”

“Sont considérés comme concierges, employés d'immeubles ou femmes de ménage à usage d'habitation, toutes personnes salariées par le propriétaire ou par le principal locataire et qui logeant sur l'immeuble au titre d'accessoire du contrat de travail, sont chargés d'assurer sa garde, sa surveillance et son entretien ou une partie de ces fonctions. Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux salariés définis à l'alinéa précédent à l'exclusion des concierges attachés à la personne même du propriétaire.” ( article L.771-1 du code du travail).

Depuis les années 60, la jurisprudence de la Cour de cassation a exclu :
- les employés d'hôtels meublés (Soc. 24 juin1966)
- les personnes qui n'assument que des tâches de ménage sans assurer aucune surveillance des locaux (soc. 26 février 1969) .

Le gardien concierge peut être employé à titre privé par un syndicat de copropriétaires lequel délègue obligatoirement sa gestion à un syndic. Ce syndic peut être soit un syndic professionnel, soit un syndic bénévole.


Gardien ou concierge, secteur privé ou secteur public ?

Le nom de concierge disparaît peu à peu pour laisser place au terme de gardiens d’immeuble mais les fonctions sont semblables. En fonction de l'immeuble et du secteur, le contenu du métier pourra varier très fortement. Ce qui fait varier le métier c'est un ensemble d'exigences liées à la fois aux caractéristiques de l'immeuble et au niveau de responsabilités du poste lui-même. Les responsabilités confiées au gardien sont déterminées par l'employeur en fonction des caractéristiques spécifiques de l'ensemble immoblier et des nécessités de service. cf. en annexe davantage de détails sur ces caractéristiques. Bien que les responsabilités du métier soient globalement les mêmes quelque soit le secteur, chaque secteur a sa propre convention collective. Dans le secteur privé, la convention collective nationale est celle “des gardiens concierges et employés d’immeubles”.


Missions

L’écho des concierges journal corporatiste qui regroupe l’essentiel des revendications de la profession reconnaît aux gardiens concierges plusieurs missions dont il fait sur le site www.lechodesconcierges.com, l’inventaire :

•  Des missions de sécurisation préventive des immeubles
- surveillance générale de l'immeuble, surveillance et prévention des diverses formes de délinquance telles que actes de vandalismes et détériorations en tous genres, squats, et trafics divers, repérage des seringues et indices de trafics de produits illicites..
- information des habitants sur le respect du règlement intérieur de la copropriété
- surveillance des aspects extérieurs des appartements lorsque les occupants sont en congés,
- alerte immédiate de l'employeur et des pouvoirs publics en cas de repérage d'indice de trafics illégaux ou de squats

• Des missions de préservation de l'environnement
- nettoyage et remise en état quasi-quotidiennement des parties communes et abords de l'immeuble : nettoyage non seulement des salissures normales consécutives à l'usage des parties communes par les habitants mais également nettoyage et remise en état des dégradations liées aux actes de vandalismes (nettoyage des graffitis, petits bricolages d'appoint tels que la remise en état de petites prises électriques, changement d'ampoules, serrurerie, etc)
- sorties-rentrées des poubelles et nettoyage des locaux de remisage,
- information et encouragement des habitants sur la gestion du tri sélectif,
- alerte immédiate dès l'apparition d'indices en cas d'infestations de nuisibles : souris, cafards, thermites, etc.

• Des missions de soutien logistique aux habitants et aux intervenants extérieurs (connaissance de l'infrastructure du site permettant en cas de nécessité une rapidité d'intervention des partenaires extérieurs : pompiers, police, gaziers, médecins, plombiers, chauffagistes, etc.)

D'autres fonctions non répertoriées au contrat de travail ni par la Convention collective sont assurées par le “concierge” à titre privé et sont communément acceptées par les employeurs.
Tour à tour “homme de confiance” dont la présence est “un gage de sécurité”, permettant de “filtrer les visiteurs, les renseigner, distribuer le courrier, entretenir les parties communes”, le concierge fait véritablement partie de l’histoire de la vie des immeubles.


Un emploi en perte de vitesse ?

En 1999, le recensement INSEE fait apparaître l'emploi de 35 800 gardiens dans le secteur privé et 12 570 en secteur HLM (source : l’echodesconcierges.com).
La comparaison de ces chiffres avec les recensements INSEE effectués en 1990 et 1999 fait apparaître une perte de près de 14 000 emplois de gardiens (les données montrent que la population de gardiens est passée de 74 152 à 60 297, soit une perte de 22% en 9 ans !).

Aujourd’hui c’est région francilienne que l’on retrouve le plus de gardiens concierges : dans l’unité urbaine de Paris plus d’un francilien sur deux a un gardien tandis qu’un français sur 6 (France entière)cotoie en habitat privé la profession ( source UNPI).
“Aujourd’hui ce sont moins de 10 % des constructions récentes, postérieures à 2000, qui prévoient une loge de gardien contre plus de 60% lors des constructions d’immeubles entre 1968 et 1981”.
Le journal L'Echo des Concierges enregistre dans son fichier entre 1999 et 2007 la fermeture d'environ 10 000 loges de gardiens concierges. Ces chiffres confirment la tendance générale.

“Sont essentiellement concernés par la disparition de leurs emplois, les gardiens logés employés par des syndicats de copropriétaires constitués de personnes physiques habitant en résidence principale sur l'immeuble” précise le journal l’écho des concierges.

“En effet, les bailleurs qu'ils soient personnes physiques ou institutionnels du secteur privé comme du secteur social reconnaissent l'utilité d'un relais sur place et s'appuient largement sur le gardien pour assurer la surveillance et l'entretien de leurs sites immobiliers”.

Cette disparition a donc essentiellement lieu dans les petites et moyennes copropiétés habitées par leurs propriétaires et qui disposent de revenus modestes.

De son côté, l'UNPI relève que le poste budgétaire du gardien est passé souvent de 25 % à 40% du total des dépenses en raison de l’impact de la hausse accélérée de la valeur du SMIC. Il y a lieu de rappeler que le SMIC est le niveau de salaire auquel est le plus souvent payé une gardienne à service partiel ou permanent.


Pourquoi un gardien et pourquoi un texte de loi ?

Alors que le député UMP Pierre Lellouche a déposé fin janvier 2008 une proposition de loi relative aux gardiens d’immeuble afin de favoriser leur maintien on peut s’interroger sur l’utilité de la profession et la question de savoir si le fait de faire appel à un prestataire extérieur peut parfois aussi être plus intéressant.

Interrogé sur la question par le magazine Le particulier Immobilier (LPI N° 240- mars 2008), Serge Ivars, président de la CNAB rappelle que la fédération milite depuis plusieurs années pour le maintien de cette profession afin de stopper l’hémorragie qui la menace.
“En étant sur place, le concierge joue un rôle de représentation du syndic et constitue une courroie de transmission efficace, en permettant une bonne communication entre les propriétaires et le syndic. Un concierge présent dans l’immeuble, c’est 80 % des problèmes réglés ajoute t’il. ”
Pour le président de la Cnab, les mesures préconisées par Pierre Lellouche sont pertinentes : déduction des charges liées à l’emploi d’un gardien de l’impôt sur le revenu, utilisation du chèque emploi service universel (Cesu), possibilité de pouvoir disposer dans plusieurs copropriétés du même concierge… Il préconise toutefois relate le particulier Immbilier d’aller plus loin :
“L’important est de payer moins de charges sociales. Il faudrait pouvoir réduire de moitié le niveau des charges en revenant à un régime dérogatoire et revoir la récupération des charges récupérables sur le locataire puisque c’est lui qui profite de la présence du gardien. Le rapport Pelletier sur les charges locatives de 2003 le préconisait mais aucun accord n’a pu être à ce jour trouvé”.

“La fonction de gardien concierge va bien au delà du simple entretien d'un immeuble” explique Sébastien Lloret responsable de la copropriété du groupe Loiselet & Daigremont .
“En effet, à ses attributions officielles (parmi lesquelles se trouve sa contribution vitale à une bonne circulation des informations entre la copropriété et son syndic), il (ou elle) est un interlocuteur qui participe du bien être des copropriétaires dans leur vie quotidienne par sa disponibilité et sa polyvalence. A cet égard, il faut remarquer que l'identification actuelle de besoins considérables en matière de services à la personne est dans une certain mesure à corréler avec la diminution du nombre de loges de gardien.
La majorité des copropriétaires est sans doute consciente de cet état de fait. Mais la question des charges et celle de la complexité du droit social français (qui s'applique sans distinction à cet employeur d'un type un peu particulier qu'est une copropriété) pèsent de tout leur poids en faveur de la suppression du poste de gardien, en particulier dans les petites copropriétés. De fait, une incitation du législateur ne peut qu'être la bienvenue”.

Le dispositif des chèques emploi service apparaît comme une facilité de mise en oeuvre des obligations administratives de l'employeur. De ce point du vue, elle est adaptée à la configuration du particulier employeur.
En revanche, l'utilité semble beaucoup moins avérée pour le cas des copropriétés dont les syndics sont organisés pour traiter une grande quantité de dossiers de salariés, notamment en ce qui concerne leur paye. En revanche, on pourrait peut être s'inspirer du modèle du CESU pour améliorer la communication entre les
syndics et les organismes sociaux en général.


Que deviennent les loges ?

80 % des loges sont revendues à l’intérieur même de la copropriété. La vente se fait alors dans le cadre d’un marché confidentiel entre le syndic et la copropriété. Environ 20 % des loges sont rachetées par des personnes extérieures (souvent des jeunes couples ou des cadres) qui la louent souvent ensuite à des étudiants. La vente se fait dans le cadre d’un marché confidentiel entre le syndic et la copropriété.


Quel concierge pour demain ?

Le métier de concierge a beaucoup évolué, commente Sébastien Lloret du groupe Loiselet & Daigremont.
Si l'image traditionnelle du gardien dans sa loge, ayant connu plusieurs générations de résidants et attachés à eux par des liens parfois affectifs se rencontre encore couramment, cette évolution est avérée du fait d'une externalisation grandissante des tâches manuelles notamment dans les grandes copropriétés (gestion des containers à ordure, entretien des espaces verts, nettoyage des parties communes...). Le gardien devient alors un coordinateur des différents prestataires appelés à intervenir dans la copropriété. De plus, le métier requiert désormais des qualités techniques et administratives plus exigeantes que par le passé  (notamment avec une utilisation grandissante de l'informatique).
Concernant les relations entre gardiens et copropriétaires, celles ci deviennent plus formelles, ajoute Sébastien Lloret, plus axées sur le rapport salariés / employeur.

“Dans ce cadre, il apparaît nécessaire d'une part de faire évoluer les dispositions de la convention collective des gardiens / concierges dont les termes ne sont plus forcément adaptés aux nouvelles configurations et d'autre part de renforcer la formation professionnelle des personnels d'immeuble, démarche aujourd'hui largement engagée par le cabinet Loiselet et Daigremont”.


3 questions à Thierry GODO est responsable d’Excelia, une société de services dédiée à la téléconciergerie.

1/ Pouvez vous nous expliquer en quoi consiste exactement la téléconciergerie ? Comment fonctionne le système que vous avez mis en place ?

Ce service fonctionne en dehors des heures d’ouverture du syndic. Grâce à un Numéro de téléphone unique par syndic ou une borne interactive installée dans l’immeuble. Chaque résident (ou seulement les personnes habilitées) peuvent entrer en contact, en cas d’incident constaté dans les parties communes de l’immeuble ( plomberie, électricité, assainissement, chauffage, ascenseur,...) avec un conseiller. “ Nos conseillers sont issues à 85 % du monde de l’immobilier donc très compétents et formés aux problématiques de l’immeuble”. Ce dernier détermine alors l’urgence de l'événement et se charge, si besoin, de lancer la demande d’intervention auprès du ou des prestataires choisis par la copropriété. “Chaque immeuble est précisément référencé. Ainsi garantissons-nous une action personnalisée et adaptée sans surcoût ni avance de fonds”.
A noter que chaque mission est suivie jusqu’à son terme et donne lieu à un compte rendu au syndic.

2/ A qui s'adresse t'il ? Pensez vous qu'un télé concierge puisse remplacer une solution de gardiennage ou de concierge ou les deux solutions peuvent-elles co-exister ensemble ?

Sérénité 24 est une réponse aux attentes des copropriétaires, qui, à l’image des consommateurs d’aujourd’hui, souhaitent toujours plus de réactivité et de présence de la part de leur syndic et entreprises affiliées. Trop de variables rentrent en ligne de compte pour vous donner une réponse claire. La taille de l’immeuble, le standing de l’immeuble, l’externalisation d’autres activités liés à l’entretien de l’immeuble sont autant de variables à prendre en compte.
Cependant un constat peut être fait sur le métier de concierges; leurs disponibilités a fortement diminuée avec l’apparition des 35 h et la disparition des astreintes. Aujourd’hui avoir un concierge salarié est un luxe pour beaucoup d’immeuble.
Notre solution apporte aux copropriétés n’employant pas de gardien, l’assurance d’une gestion d’incident organisée, suivie et réalisée par un professionnel, et ce 24h/24. De la même façon pour les immeubles employant un concierge, la prestation permet, d’une part, au concierge de se décharger de la gestion des pannes,  et d’autre part, aux copropriétaires d’avoir l'assurance que lorsque le gardien est indisponible ( après 20h00, week end, congés,...) ils auront un interlocuteur compétent et réactif. Ce service est une sécurité au quotidien, la garantie que les incidents déclarés seront pris en charge, résolus et rapportés au syndic.

3/ Un téléconcierge : combien ça coûte?

Grâce à notre expérience du milieu de la copropriété, nous avons mis en place une
tarification adaptée aux problématiques des copropriétaires, mais aussi des syndics.
Sérénité 24 est facturé aux clients en fonction du nombre de lots principaux de l’immeuble. Cela permet à tout type de taille d’immeuble, d’accéder à la prestation.

4/ Quels sont vos objectifs à court et moyen terme ?

Opérationnel depuis presque deux ans, le service a d’ores et déjà été mis en place dans l’un des plus importants syndics parisiens et est en cours de déploiement dans un des plus importants syndic de France. Excelia envisage maintenant d’élargir son offre en proposant d’assurer ce même service pendant les congés des syndics (mois d’aout), élargir l’offre au partie privative, et pourquoi pas à terme,
proposer au syndic une gestion des pannes 24h24. Une chose est sure : le besoin est bel et bien là. Il devrait même aller grandissant dans les années à venir.
Excelia est une filiale d’Asfalia, société spécialisée dans la sécurité des copropriétés. Asfalia est à l’initiative de la borne de TELECONGIERGERIE™, qui a reçu le Trophée de l’Innovation en 2004 (remis par le Salon de la Copropriété). Son activité s’est développée en fonction des besoins des copropriétaires et concerne à présent la protection des domiciles, la protection des échafaudages, le contrôle d’accès, la vidéosurveillance…

Pour en savoir plus : www.lechodesconcierges.com
Le Particulier Immobilier, n° 240 mars 2008 - Concierges, employés et gardien d’immeubles, Le nouvel Obs Immobilier 05/02/2007 - Les concierges sont elles en voie de disparition, AFP 31 janvier 2008