L’énergie en copropriété : Faire le choix de la sobriété et du renouvelable

par Nathalie Coulaud, Journaliste
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copropriété énergie sobriété chauffage travaux isolation chaleur gaz fioul pompeBien choisir l'énergie utilisée est utile pour limiter les dépenses mais aussi pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

C'est surtout au moment d'une modernisation du chauffage ou de travaux d'isolation que la question du choix de l'énergie se pose pour les immeubles.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 702 d'octobre 2024
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En copropriété, le chauffage et l’eau chaude sanitaire sont généralement le premier poste de dépense notamment lorsque l’immeuble est doté d’un chauffage collectif. Pour les copropriétés des années 1950 à 1970 qui n’ont pas été isolées ou qui l’ont été partiellement, le coût du chauffage peut représenter entre un tiers et la moitié des charges de copropriété.

À la question du chauffage, s’ajoute celle des dépenses énergétiques liées à la consommation d’énergie dans toutes les parties communes, notamment pour l’ascenseur ou les portes de parking. Moins importantes que les dépenses de chauffage, elles ne sont pas pour autant négligeables à la suite des augmentations d’électricité de 8% en février 2024. La question des énergies et de leur coût se pose donc à tous les immeubles mais certains doivent y réfléchir à court terme.


La fin du fioul

copropriété énergie sobriété chauffage travaux isolation chaleur gaz fioul pompeC’est notamment le cas pour les copropriétés encore dotées d’un chauffage collectif au fioul. Ce mode de chauffage est, en effet, en passe de disparaître et il est d’ailleurs désormais impossible d’installer une nouvelle chaudière au fioul. Seules des réparations peuvent être réalisées en cas de panne mais, à terme, les immeubles chauffés au fioul vont progressivement devoir changer d’énergie ou même de mode de chauffage.

À partir du 1er janvier 2025, si le calendrier prévu par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 est maintenu, ces immeubles dont les appartements portent généralement l’étiquette énergétique G seront interdits à la location. Pour autant, les copropriétés utilisant cette énergie pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire n’ont pas toutes changé de mode de chauffage.

L’Agence parisienne pour le climat (APC) estime qu’environ 1 500 immeubles étaient encore chauffés au fioul à Paris en 2019 (derniers chiffres disponibles). Au niveau national, l’Insee avance le chiffre de 7 % utilisant le fioul comme chauffage. «Lorsque le chauffage fonctionne bien et que la chaudière est bien entretenue, les copropriétaires sont souvent réticents à engager des travaux. Le principal frein est d’abord financier», résume l’APC. Les sommes à débourser ne sont, en effet, pas neutres. L’APC indique que des sommes moyennes de 4 000 euros par logement sont souvent nécessaires pour adapter le système de chauffage à une nouvelle énergie. Le second problème est le choix de l’énergie pour remplacer le fioul. C’est souvent vers le gaz naturel que les copropriétés s’orientaient ces dernières années. Energie facilement disponible dans les centres urbains, le gaz paraissait une alternative intéressante au plan financier. Le courtier en énergie Opéra Energie estime que 70 % des copropriétés dotées d’un chauffage collectif sont actuellement chauffées au gaz.


Se passer du gaz à moyen terme

Mais le temps est aussi compté pour les chaufferies au gaz. Energie fossile comme le pétrole, ce type de chauffage génère aussi trop d’émissions de gaz à effet de serre par rapport aux objectifs fixés par les différents accords visant à lutter contre le dérèglement climatique. Les chaudières sont donc réparées mais pas remplacées à partir de 2025. Une partie des copropriétés qui sont passées ces dernières années du fioul au gaz et ont réalisé pour cela de gros travaux risquent faire grise mine et de résister à tout changement même si la guerre en Ukraine qui a fait bondir les coûts du gaz peut cependant les faire changer d’avis. Certes, l’Etat a mis en place un bouclier tarifaire provisoire en 2022 sans lequel une partie des copropriétés aurait éprouvé des difficultés à payer les factures. Mais cette mesure est désormais terminée et, en cas de nouvelle hausse subite, il n’est pas certain que l’Etat remettrait en place le même dispositif. Passer au gaz pour les immeubles chauffés au fioul n’est donc pas l’option la plus intéressante.

La filière des fournisseurs de gaz met cependant en avant le gaz vert (ou biogaz) c’est-à-dire le biométhane produit à partir de déchets ou de résidus organiques. Le développement de cette énergie s’accélère même si le biogaz ne représente actuellement que 22 % de la production de gaz en France selon le ministère de l’Ecologie. Il n’est pas certain que le biogaz puisse suffire aux besoins en chauffage de 100 % des immeubles. Si l’immeuble est raccordé au gaz naturel classique cela mérite d’entamer une réflexion à moyen terme pour ne pas dépendre de cette seule source d’énergie.

La question du chauffage au gaz se pose aussi dans les immeubles dotés de chauffages individuels, qui sont souvent des chaudières gaz. Chaque copropriétaire peut réfléchir individuellement à la question mais si tout le monde est concerné dans la copropriété il peut être intéressant de se pencher collectivement sur la question.


Le chauffage urbain : à explorer

copropriété énergie sobriété chauffage travaux isolation chaleur gaz fioul pompePour toutes les copropriétés équipées de chauffage collectif au fioul ou au gaz, la solution à la fois la plus pratique mais aussi la plus écologique est de passer au chauffage urbain, appelé également réseau de chaleur. Selon France Chaleur Urbaine, un organisme chargé de faciliter le développement des réseaux de chaleur, il s’agit de canalisations qui permettent d’acheminer la chaleur produite vers un ensemble de bâtiments à partir d’énergies renouvelables.

Ce mode de chauffage est principalement développé en milieu urbain dès lors qu’une concentration assez dense de bâtiments et de besoins en chaleur existent. Bon nombre de copropriétés se trouvent dans ce cas de figure. Il existe actuellement 592 réseaux de chaleur dont la cartographie est disponible sur le site de France Chaleur Urbaine. Les grandes villes et mêmes les villes moyennes sont globalement bien équipées avec un bémol pour le sud de la France un peu moins fourni en dehors de grandes villes comme Avignon, Nîmes, Aix-en-Provence, Marseille. Dans tous les cas, il est intéressant de se renseigner auprès de sa mairie pour savoir si des réseaux sont disponibles à proximité de son immeuble ou si un projet peut être réalisé ultérieurement.

Concrètement, le réseau de chaleur comprend une unité de production de chaleur (chaufferie collective). Il s’agit d’installations robustes et entretenues en permanence par le gestionnaire du réseau de chaleur, ce qui dégage la responsabilité de la copropriété. Les installations exploitent différents types d’énergie avec en premier lieu des énergies de récupération en particulier de la chaleur issue de l’incinération des ordures ménagères. Elles utilisent également des énergies renouvelables comme de la biomasse (matières organiques pouvant devenir des sources d’énergie), l’installation de géothermie profonde pour extraire la chaleur du sous-sol etc… Dans des villes rurales, il s’agit parfois de chaufferies utilisant le bois.

En général, ces énergies renouvelables ne suffisent pas et des énergies fossiles telles que le gaz, le fioul sont utilisées en renfort pendant les heures de pointe ou en remplacement quand c’est nécessaire. Le réseau de chaleur n’est donc pas complétement exempt d’énergie fossiles mais il a la capacité d’évoluer vers un «mix» énergétique plus favorable aux énergies renouvelables. Autre avantage, la production de chaleur est décentralisée et donc la copropriété n’est pas responsable par exemple, de devoir assurer la livraison du fioul. La chaleur produite est transmise directement à la copropriété parfois sous forme d’eau chaude ou de vapeur.

Le chauffage urbain comprend cependant quelques défauts. Tout d’abord, le syndicat des copropriétaires reste responsable de son système de chauffage et doit équiper l’immeuble de matériels permettant de recevoir la chaleur et de l’utiliser dans les réseaux de chauffage de l’immeuble. De plus, le raccordement est parfois long à être réalisé : les structures gérant les réseaux de chaleur ont, en effet, des plans de développement qui ne passent pas nécessairement tout de suite à proximité de votre immeuble. Même dans le cas le plus favorable, il faut réaliser des travaux de raccordement et d’adaptation de nouveaux matériels permettant d’utiliser la chaleur transmise qui peuvent être un peu longs et coûteux. En général, le raccordement n’est pas cher en lui-même mais les travaux d’adaptation de la copropriété le sont.

Citons l’exemple d’un immeuble de 23 logements situé dans le centre de Paris dont le raccordement à la CPCU (Compagnie parisienne de chauffage urbain) a été effectué courant 2024. Le raccordement a été d’environ 200 euros par appartement mais chaque copropriétaire a déboursé 6 000 euros pour l’adaptation de la chaufferie. Par ailleurs, ces réseaux de chaleur sont gérés par les collectivités locales et se trouvent en situation de monopole. Une fois raccordée, la copropriété se trouve, en quelque sorte, «pieds et poings liés» avec son réseau de chaleur et subit, comme pour le gaz, des augmentations de prix si le réseau le décide.


Passer aux énergies renouvelables

Pour les copropriétés dotées d’un chauffage collectif mais qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas être raccordées à un réseau de chaleur, la solution va être de se tourner vers les énergies renouvelables. L’avantage est que celles-ci permettent également de répondre aux besoins en électricité des parties communes qu’il s’agisse de l’éclairage, de l’ascenseur ou encore de l’alimentation des portes des parking par exemple.

De plus en plus au point dans les maisons individuelles et l’habitat collectif neuf, les différents systèmes qu’il s’agisse de panneaux solaires ou de pompes à chaleur progressent pourtant très lentement dans les copropriétés existantes. «Les copropriétés neuves sont très largement équipées de pompes à chaleur avec les règles fixées par la règlementation environnementale 2020 (RE2020) mais c’est beaucoup plus rare en rénovation», admet Laurent Sireix, président d’Ista France, une entreprise spécialisée dans les compteurs permettant d’individualiser les frais de chauffage.

Les énergies renouvelables se développent néanmoins, généralement, en appoint d’énergies plus classiques. Ces nouvelles technologies permettent d’alléger à la fois la note de chauffage de l’immeuble et les émissions de gaz à effet de serre. Le solaire est ainsi intéressant : les panneaux photovoltaïques posés en toiture produisent de l’électricité permettant d’alimenter en bonne partie les parties communes de l’immeuble (escaliers, couloir et même ascenseur). Les appartements restent, pour leur part, raccordés au réseau électrique classique. La copropriété peut aussi faire le choix de panneaux solaires thermiques pour chauffer l’eau chaude sanitaire. Le solaire ne peut pas assurer la totalité des besoins en énergie de l’immeuble, on considère en général qu’il peut répondre à un tiers des besoins qui sont à compléter par un raccordement au réseau électrique classique ou à d’autres sources d’énergie.


Les pompes à chaleur

Autre équipement possible pour produire de l’énergie : une pompe à chaleur. Il s’agit d’un équipement qui capte les calories dans l’environnement pour chauffer une pièce ou de l’eau chaude sanitaire. Plus le coefficient de performance énergétique (COP) est élevé (jusqu’à 7), plus le rendement de la pompe à chaleur est bon. Si la source extérieure est le sol ou de l’eau de la nappe phréatique, on parle de PAC géothermique. Ce sont des PAC généralement perfectionnées et coûteuses. Si la source des calories captées est l’air, la PAC est aérothermique. Dans ce cas, l’air est généralement puisé depuis l’extérieur ou depuis une pièce non chauffée.

Dans les immeubles neufs, les pompes à chaleur peuvent être installées de façon collective et alimenter tout l’immeuble aussi bien en chauffage que pour l’énergie nécessaire au fonctionnement des parties communes. En rénovation, la situation est plus compliquée car cela nécessite des espaces importants pour stocker les pompes à chaleur et un changement de tous les circuits de distribution de l’immeuble.

De plus, les pompes à chaleur ne fonctionnent correctement que dans les immeubles bien isolés. Dans le cas contraire, elles consomment trop d’énergie. Si la configuration de l’immeuble ne permet pas de mettre en place les pompes à chaleur comme seule source d’énergie, il est possible de prévoir un mix énergétique comme cette copropriété d’Ile-de-France, cas presque unique, qui a choisi de fonctionner avec une tri énergie (notre revue, n° 697).

La copropriété qui était chauffée au fioul, utilise désormais différentes sources d’énergie combinées pour l’alimentation de l’immeuble aussi bien en chauffage qu’en énergie pour les parties communes. Trois pompes à chaleur, une centrale photovoltaïque située en toiture sont couplées à un système micro-cogénération au gaz naturel. Ces équipements produisent de la chaleur pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, tout en récupérant les pertes thermiques pour alimenter en électricité les pompes à chaleur. Cette électricité est ensuite utilisée pour les besoins du bâtiment. Des chaudières à gaz d’appoint sont également installées pour apporter le complément d’énergie si nécessaire.

Quelles que soient l’énergie et les solutions choisies, la réflexion doit porter sur le bâtiment tout entier et sur son isolation puisque la sobriété est la solution la plus intéressante. Les professionnels aiment à rappeler «qu’une énergie non consommée est toujours la meilleure». Isolation thermique, maîtrise de la température dans les appartements et de la consommation d’énergie dans les parties communes ou encore responsabilisation des copropriétaires avec des compteurs permettant d’individualiser les frais de chauffage sont à privilégier.