L’archivage en copropriété : Conserver sans encombrer

par Nathalie COULAUD, Journaliste
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Cruciales dans la gestion d’une copropriété, les archives doivent être conservées de façon sécurisée tout en restant accessibles aux copropriétaires et au conseil syndical comme au syndic.

Aucune copropriété ne peut fonctionner sans archives. Celles-ci sont cruciales au quotidien pour la gestion de l’immeuble mais aussi en cas de vente d’un appartement. En cas de cession d’un lot de copropriété, un grand nombre de documents concernant l’immeuble doivent, en effet, être transmis à l’acquéreur. Pourtant, après des années d’existence, une copropriété peut posséder des dizaines de cartons d’archives. La question se pose alors de savoir quoi en faire.

Tout d’abord, qu’entend-on par archives ? Quels documents doivent être conservés ? L’article 33 du décret du 17 mars 1967 en donne une liste. Ce texte indique que le règlement de copropriété, ses modificatifs mais aussi l’état descriptif de division doivent faire partie des archives au même titre que l’état de répartition des charges, les conventions, les contrats, les correspondances de la copropriété.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 699 de juin 2024

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Les plans de l’immeuble, les registres contenant les procès-verbaux des assemblées générales ainsi que les documents et décisions de justice relatifs à l’immeuble et au syndicat doivent également être conservés tout comme les documents comptables du syndicat, le carnet d’entretien de l’immeuble ou les diagnostics techniques. Suivant les cas, en plus des archives définies par le décret du 17 mars 1967, un certain nombre de documents peuvent s’ajouter à cette liste comme les dossiers d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO) dans le cas d’un immeuble neuf.

Le mode de conservation des archives varie selon leur utilité. Lorsqu’il s’agit d’archives «vivantes», c’est-à-dire de documents relevant des affaires en cours et dont la consultation régulière est nécessaire, celles-ci doivent être accessibles rapidement et donc conservées à proximité. Dans cette catégorie, on peut notamment y trouver la liste à jour des copropriétaires ou encore les comptes de l’année ou les contrats en cours. Des archives dites «semi-vivantes», utilisées moins souvent, restent consultées régulièrement et doivent donc être facilement accessibles. Notamment, il peut s’agir de procès-verbaux d’assemblées générales des années antérieures. Viennent ensuite les archives «dormantes» qui s’avèrent importantes comme d’anciens contrats ou des documents ayant une valeur patrimoniale et historique. Ces dernières peuvent être archivées à distance pour un gain de place. 


Le syndic, en charge des archives

C’est le syndic de l’immeuble, qu’il soit bénévole ou professionnel qui a la charge de la gestion des archives comme le prévoit l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965. Les solutions de conservation sont variées. Ainsi, les archives sont conservées sur place dans les copropriétés importantes dotées de bureaux et d’espaces de stockage sécurisés. Dans d’autres immeubles, le syndic garde les archives à son cabinet ou dans un espace de stockage de son choix. Une troisième solution souvent employée est de confier la conservation des archives à une entreprise spécialisée. 

L’article 18 évoque explicitement cette possibilité mais impose une condition : le syndic doit poser la question en assemblée générale et obtenir la majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25, L. 10 juill. 1965) pour que la facture soit assumée par le syndicat des copropriétaires. Dans le cas contraire, les copropriétaires peuvent refuser la facture. Les frais sont généralement compris entre 3 et 4 euros par an et par lot principal de copropriété.


Le rôle d’un prestataire extérieur

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Lorsque les archives sont confiées à un prestataire extérieur, celui-ci se charge à la fois de leur conservation mais aussi de leur classement. Dans ce domaine, on peut notamment citer la société Pro Archives ou encore Edilink ou Smart Archives. «Lorsque nous recevons les archives, nous les transportons dans les entrepôts sécurisés. Un inventaire informatisé des documents est alors réalisé, ce qui permet de savoir exactement quelles boîtes sont stockées chez nous. Il est possible de retrouver cet inventaire sur l’espace client», indique Nicolas Blanc, directeur commercial de Pro Archives. En cas de besoin, les boites d’archives sont livrées sous 48 h. Cela évite au gestionnaire de la copropriété d’aller chercher les éléments dans un local parfois éloigné pour les récupérer ; «un temps précieux pour les gestionnaires de copropriété déjà bien occupés», précise Nicolas Blanc. Autre avantage de la conservation par un tiers : en cas de changement de syndic dans une copropriété, la transmission des archives se fait plus facilement tout étant rassemblé à un même endroit. Enfin, les archives conservées par une entreprise bénéficient d’espaces de stockage permettant une meilleure conservation que les caves, greniers, garages parfois utilisés à cet effet.

La société peut également se charger de la numérisation des archives tout en conservant les documents originaux. Ces originaux peuvent être demandés en cas de procédure. Compte tenu de l’importance de ces documents, il faut qu’ils soient confiés à un prestataire certifié portant notamment la norme NF Z40-350 pour l’archivage papier et la norme AFNOR NF 461 ou NF Z42-013 ou ISO 14641-1 pour l’archivage électronique. Ces éléments sont généralement indiqués sur les factures, sur le devis ou même sur le site internet du prestataire. Pour une conservation plus pratique au quotidien, les sociétés spécialisées dans l’archivage proposent des solutions clés en main comprenant la numérisation des archives. Lors de la réception des archives “papier”, un processus de nettoyage est appliqué notamment pour enlever les agrafes, les trombones ou les post-it. Les documents sont ensuite numérisés indexés et classés avant d’être placés sur un serveur sécurisé. Il est intéressant de s’informer au préalable de la qualité de la numérisation afin que les documents soient bien lisibles notamment pour les documents dont les formats ne sont pas standard comme des plans. 

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La limite de conservation des archives

Que l’immeuble décide de faire appel à un prestataire extérieur ou pas, un tri à intervalle régulier dans les archives à conserver et à détruire s’impose. En fonction de la nature de l’archive, le temps de conservation varie. Le Code du commerce prévoit ainsi que les documents comptables et les pièces justificatives doivent être conservées pendant dix ans. Les Code du travail et de la sécurité sociale indiquent que les livres de paie sont conservés pendant cinq ans à compter de leur date de clôture et cette durée est de trois ans pour les documents relatifs aux charges sociales (art. L. 244-3, Code de la sécurité sociale). Mais l’Association régionale de copropriétaires de Nantes-Atlantique (ARCNA) rappelle que la conservation de certains de ces documents au-delà des relais requis peut présenter un intérêt particulier notamment en ce qui concerne les documents nécessaires à la constitution du dossier de retraite d’un membre du personnel du syndicat.

En revanche, tout ce qui relève des fiches de paie, des contrats de travail, des relevés d’indemnité de maladie doit être conservé jusqu’à la liquidation de la retraite. En l’absence de texte spécifique, c’est la prescription de droit commun définie par l’article 2224 du Code civil qui s’applique. Celle-ci est fixée à cinq ans mais ce délai de réclamation ne court qu’à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, dans la limite de vingt ans. A défaut de connaître avec précision ce point de départ, il est préférable de conserver les documents concernés pendant cette durée. 


Les bons réflexes pour l’extranet

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Une bonne conservation des archives permet également de gérer plus facilement l’extranet des copropriétés. Un certain nombre de documents doivent, en effet, être mis à la disposition des copropriétaires à distance par le biais d’un extranet selon la liste prévue dans le décret n° 2019-502 du 23 mai 2019. L’ensemble des copropriétaires doit ainsi avoir accès à un coffre-fort numérique qui contient le règlement de copropriété et l’état descriptif de division, la fiche synthétique réalisée par le syndic, le carnet d’entretien de l’immeuble mais aussi les diagnostics techniques en cours de validité sur les parties communes. C’est de même, le cas de l’ensemble des contrats d’entretien et de maintenance des équipements en cours, des procès-verbaux d’assemblées générales et du contrat de syndic.

Chaque copropriétaire peut aussi consulter son compte individuel après l’approbation des comptes par l’assemblée générale, le montant des charges courantes du budget prévisionnel. Les membres du conseil syndical doivent, pour leur part, obtenir en complément les balances générales des comptes du syndicat des copropriétaires et le relevé général des charges et produits. En outre, les conseillers syndicaux doivent pouvoir accéder aux assignations en justice délivrées au nom du syndicat des copropriétaires et aux procédures judiciaires en cours. 

L’attestation de carte professionnelle du syndic et sa garantie financière doivent figurer sur l’extranet accessible au conseil syndical. De manière générale, les membres du conseil syndical doivent pouvoir consulter les documents rendus nécessaires à l’exercice de leurs tâches de contrôle et d’assistance du syndic. Avoir des archives en ordre et accessibles sur demande permet au syndic d’éviter la sanction d’une pénalité de 15 euros par jour de retard, applicable en cas de non-transmission des archives.

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Changement de syndic : les impératifs

Les archives revêtent une importance particulière lors du changement de syndic. La loi du 10 juillet 1965 (art. 18-2) prévoit que l’ancien syndic est tenu de remettre au nouveau syndic dans un délai de quinze jours à compter de la cessation de ses fonctions, la situation de trésorerie, les références des comptes bancaires du syndicat et les coordonnées de la banque. Quinze jours plus tard, le syndic remet l’ensemble des documents dématérialisés relatifs à la gestion de l’immeuble dans un format téléchargeable et imprimable. 

En outre, la loi indique que lorsque le syndicat des copropriétaires a fait le choix de confier tout ou partie de ses archives à un prestataire spécialisé, le syndic est tenu, dans ce même délai, d’informer le prestataire de ce changement en communiquant les coordonnées du nouveau syndic. Ensuite, dans le délai de deux mois suivant l’expiration du délai mentionné ci-dessus, l’ancien syndic est tenu de fournir au nouveau syndic l’état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du syndicat après apurement et clôture. 

En général, tout se passe comme prévu. Cependant, si le syndic tardait, une procédure est prévue : le syndic nouvellement nommé ou le président du conseil syndical peuvent mettre en demeure l’ancien syndic de transférer les archives. Il faut procéder par un courrier en recommandé et si cette mise en demeure est restée infructueuse plus de huit jours, le syndic ou le président du conseil syndical pourront demander au président du tribunal judiciaire statuant en référé (une procédure d’urgence) d’ordonner la remise des pièces, informations et documents dématérialisés. Le juge peut prévoir une astreinte (c’est-à-dire une somme d’argent payée chaque jour) tant que les archives n’ont pas été rendues. Si les archives ont été détruites, cette procédure ne donnera pas de résultat. En effet, il arrive que le syndic ne puisse pas fournir ces archives lorsqu’elles ont été détruites (incendie, dégât des eaux…). «Il ne sera pas possible d’obtenir devant le juge des référés une indemnisation sur la perte des archives, qui n’est pas le juge compétent à cette fin. En outre, dans tous les cas, le juge ne pourra pas condamner un syndic à remettre des documents qu’il ne détient pas, qu’il les ait perdues ou qu’il les ait détruites. Il ne faudra donc pas se tromper ni de juge, ni de demande ! » rappelle l’avocat spécialiste en droit immobilier, Pierre-Edouard Lagraulet. La troisième chambre civile de la Cour de cassation en a jugé de la sorte dans un arrêt du 14 janvier 2009 (n° 05-11-985). 

Pour éviter ce type de situation, il est important que les membres du conseil syndical soient vigilants. Il est conseillé de se rendre régulièrement sur l’extranet pour vérifier que tous les éléments y figurent, voire garder des copies notamment de pièces comptables. Il peut être enfin utile pour le conseil syndical de conserver la liste des copropriétaires pour communiquer avec les copropriétaires. En effet, pendant la période de transfert des archives, le nouveau syndic ne peut pas encore créer le nouvel extranet faute de détenir les éléments et le coffre-fort numérique de l’ancien syndic n’est plus accessible.