[N° 551] - Problèmes d’Humidité : Comprendre pour mieux lutter

par Paul TURENNE
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Particulièrement malsain, un habitat humide peut aussi engendrer des coûts inutiles. Des traitements existent, mais faute d’agir rapidement sur les causes, le problème restera récurrent.

Paul TURENNE

Moisissures, micro-gouttelettes sur les murs et les plafonds, ou bien encore sensation de froid... Autant de phénomènes causés par un taux d’humidité trop élevé. Pour arriver à déterminer l’origine de ces désagréments, une approche globale est nécessaire car les causes sont bien souvent multiples. Si les fuites accidentelles provenant des appartements voisins sont bien souvent soupçonnées, le rôle de l’aération, de la porosité des façades ou des remontées capillaires ne doit pas être sous-estimé.

Les problèmes d’humidité concernent en premier lieu les constructions anciennes mais, là encore, les plus touchées ne sont pas forcément celles que l’on croit.
Ainsi, de nombreux immeubles construits dans les années 90 sont paradoxalement victimes d’infiltrations importantes, du fait d’erreurs de conception.
En effet, les façades lisses étaient à l’époque privilégiées, avec la suppression des appuis de fenêtres ou des débords de toit, ce qui a provoqué un vieillissement accéléré, notamment au niveau des joints. De la même façon, les immeubles comportant de nombreuses avancées exposées ou des pierres apparentes mal protégées des intempéries favorisent l’eau stagnante et les infiltrations, a fortiori si l’entretien ou les ravalements ont été négligés.


Fragilités structurelles

Les façades en béton poreuses sur leur totalité restent plus rares. En revanche, nombreuses sont celles comportant des infiltrations sur les zones les plus sensibles, telles que les joints de dilatation ou les raccords entre les murs et les dalles. Cette porosité des joints est souvent la cause d’un encrassement de la façade et peut, à terme, entraîner de graves fissures. Autres facteurs aggravants : des toitures terrasses à l’étanchéité médiocre, des chenaux bouchés ou des regards obstrués qui entraînent des débordements intempestifs. Dès lors, la structure même du bâtiment est menacée et l’humidité intérieure ne peut qu’augmenter, rendant inefficaces toutes actions entreprises à l’intérieur. Enfin, parmi les causes externes, les remontées capillaires peuvent avoir un effet cumulatif, avec les troubles causés par des intempéries, même si elles concernent principalement les bâtiments anciens aux fondations relativement poreuses. Ce phénomène dû à la présence d’eau souterraine, qu’elle soit d’origine naturelle avec des nappes phréatiques ou d’origine humaine en cas de fuites sur des canalisations, provoque des remontées hydriques dans les murs de soutènement. Dans un premier temps, cette eau va s’évaporer et augmenter le taux d’hygrométrie des caves, puis l’humidité va se propager au rez-de-chaussée et, parfois, dans les étages supérieurs en provoquant des signes caractéristiques comme des décollements de papiers peints, des cloques ou des moisissures.

Photo : Façade fissurée par les ruissellements d’une terrasse en contre-pente


Quand la condensation s’en mêle

L’étanchéité externe de l’immeuble joue donc un rôle primordial dans l’évolution de son taux d’humidité, de même que les facteurs internes. Problème particulièrement fréquent dans les vieux immeubles : un air insuffisamment renouvelé, faute d’un système de ventilation efficace. La situation a d’autant plus tendance à s’aggraver lorsque les propriétaires procèdent à des changements de fenêtres et suppriment ainsi les défauts d’étanchéité qui permettaient à l’humidité de s’échapper.
Lorsque le point de rosée est atteint (cf. encadré Point de rosée : quand tout bascule), la condensation se développe et dégrade rapidement l’appartement, principalement sur les parois mal isolées donnant sur l’extérieur et dans les angles de plafonds.

Photo : La présence d’eau souterraine favorise les remontées capillaires


Actions globales

Une fois les causes d’humidité excessive identifiées, il faut agir vite, mais surtout de manière concertée. Car effectuer une rénovation approfondie de façades sans améliorer la ventilation des appartements, ni se préoccuper des infiltrations venant du sol ou des toits revient à jeter de l’argent par les fenêtres. Tout sera à refaire en très peu de temps. En cas de problèmes importants, faire appel à un spécialiste pour bien déterminer où agir permet de mettre en place un véritable plan d’action en évitant souvent des erreurs d’interprétation.
Concernant les façades, il convient tout d’abord de régler les défauts de conception en agissant, par exemple, sur des fuites de chenaux ou des parties de toit affaissées qui favorisent l’eau stagnante et les infiltrations. Des terrasses ou des toits en pente nulle y contribuent également, bien souvent du fait de l’eau qui stagne et finit par pénétrer dans les joints.
Une fois les malfaçons corrigées, l’action doit se concentrer en priorité sur ces joints particulièrement sensibles. En demandant à l’entreprise de rénovation de tous les reprendre, y compris ceux qui paraissent sains, la copropriété investit pour l’avenir et rétablit un équilibre. Dans le cas contraire, les joints non retouchés finiront par se dégrader prématurément. Un traitement d’imperméabilité peut alors être appliqué. Selon l’ampleur des dégâts et l’exposition de la façade, celui-ci peut être total ou partiel et de classe I3 pour une bonne imperméabilisation ou I4 pour une étanchéité totale. La façade est ainsi traitée contre les ruissellements d’eau pour une durée d’au moins dix ans et résiste bien mieux aux dégradations d’aspect notamment liées aux poussières et à la pollution.


Traitement en profondeur

Face à des remontées capillaires, une imperméabilisation de façade peut, a contrario, se révéler catastrophique en empêchant l’humidité de s’échapper. Il en est de même si un doublage, même ventilé, est posé sur le mur en question. Du fait de l’apport d’humidité permanent et d’une concentration en sels minéraux plus ou moins forte dans les eaux
d’infiltration, les matériaux vont être, en effet, rapidement dégradés. La solution passe, avant tout, par une action de dérivation des eaux de ruissellement, au cas où l’immeuble serait situé au pied d’un plateau versant qui les dirigerait vers lui. Si tel n’est pas le cas, un spécialiste va mettre en oeuvre des solutions pour assécher le mur. Particulièrement efficace, l’électro osmose-phorèse consiste à inverser le champ électrique qui provoque une remontée de l’eau entre le sol et le mur humide, avec le même fonctionnement que celui d’une pile électrique. En effet, l’eau chargée en sels minéraux se déplace toujours naturellement du sol chargé positivement vers les murs chargés négativement.
En appliquant des électrodes modifiant ces polarités, l’eau repart alors vers le sol. Parallèlement, des injections de résine sous pression dans la maçonnerie sont effectuées à intervalles réguliers, obstruant le réseau capillaire des murs et évitant ainsi des remontées futures. La dernière étape consiste à piquer les enduits dégradés par les sels minéraux, à attendre pendant trois ou quatre semaines le complet assèchement des murs, puis à refaire les enduits avec un adjuvant neutralisant ces sels. Dans le cas où le ruissellement interne est particulièrement important, il peut être nécessaire de créer une barrière étanche sous le mur, cette solution engendrant nécessairement des coûts plus élevés pour la copropriété.


Sensibiliser les copropriétaires

Au delà de ces travaux en profondeur ne pouvant être effectués que par des professionnels, des actions simples peuvent être entreprises par les copropriétaires eux-mêmes, à titre privé. Encore faut-il que ces derniers connaissent les bons gestes et n’aggravent pas la situation en croyant bien faire. Une sensibilisation, dans le cadre d’une réunion réunissant l’ensemble de l’immeuble – et pas seulement les membres du conseil syndical – peut avoir des effets plus que bénéfiques.
Autre possibilité moins contraignante à organiser : la distribution d’une lettre explicative dans les boîtes aux lettres. Parmi les points à souligner, on peut citer l’importance d’une aération suffisante, grâce une ouverture régulière des fenêtres et à une ventilation mécanique efficace. Il convient aussi d’éviter les « ambiances saunas » dans les salles de bain ou bien encore les projections d’eau non essuyées et les micro-fuites qui peuvent provoquer des infiltrations dans les étages inférieurs et fragiliser le gros-oeuvre.
Cette prévention fait également partie du rôle des bailleurs, qui éviteront ainsi une dégradation rapide de leur bien, a fortiori dans le cadre de colocations, un trop grand nombre d’occupants par rapport à la superficie de l’appartement favorisant l’humidité.


Avec le temps va...

Plus que tout, le traitement de l’humidité impose de pas confondre vitesse et précipitation. Une fois, les travaux de fonds réalisés, un temps suffisant est nécessaire pour que le bâtiment puisse « se purger » de toute l’eau qu’il a emmagasinée. Ce temps de séchage des maçonneries variera, bien sûr, en fonction de ses caractéristiques propres et des conditions climatiques, mais s’avère indispensable. En n’intégrant pas cette durée, la copropriété prend le risque de voir se dégrader très rapidement les revêtements ou les nouveaux enduits dans lesquels elle aura investi. Par ailleurs, un bâtiment qui a été traité conserve une fragilité. Il convient donc d’appliquer des traitements de surface qui laissent « respirer » les murs, en favorisant les échanges gazeux, comme des enduits hydrauliques ou à base de chaux à l’extérieur, ou encore des doublages sur ossature à l’intérieur. Enfin, le revêtement appliqué sur les enduits devra posséder le même coefficient d’évaporation que ces derniers. Faute de quoi, l’humidité ne s’en ira pas !­


Point de rosée : quand tout bascule

Toute masse d’air peut absorber une certaine quantité d’eau sous forme de vapeur à pression atmosphérique. Par exemple, à 20° C, cette masse sera de 17,30 grammes par mètre cube d’air sec.
Mais indépendamment de l’humidité ambiante, plus la température baisse et plus cette quantité d’eau absorbable diminue également. Le point de rosée correspond à la température à laquelle l’air devient saturé et produit de la condensation. Ce phénomène est fréquent dans une salle de bain au taux d’hygrométrie particulièrement élevé ou dans un petit appartement mal ventilé abritant un nombre élevé de personnes. Il entraîne généralement une dégradation des murs ou des plafonds. La température extérieure étant en effet généralement plus basse qu’à l’intérieur, en cas d’isolation thermique médiocre, les murs vont être plus froids que l’air ambiant. La condensation va donc s’y déposer et provoquer une dégradation, avec le développement de moisissures et un décollement des revêtements sur les parois. Pour assainir les lieux, rien ne sert de chauffer. Il faut alors isoler... et ventiler.

Photo : Mur de brique poreux


Des outils pour mesurer le taux d’humidité et améliorer le diagnostic

Un thermomètre hygromètre électronique permet de relever la température ainsi que le taux d’humidité de l’air ambiant. Cette mesure est également possible à l’intérieur des murs, grâce à une sonde que l’on place dans les carottages effectués préalablement.

Hygromètre (crédit : Domosystem)

 

Un détecteur d’humidité à radiofréquence permet de mesurer la présence d’infiltration d’eau dans les murs ou les plafonds, avec l’avantage de ne pas percer de trous. En cas de résultat négatif malgré des taches d’humidité, il met en évidence un problème de condensation.

Détecteur d’humidité (crédit : Domosystem)

 

Un géomagnétomètre permet de mettre en évidence les variations des champs de stimulation électromagnétiques à l’origine des remontées capillaires dans les murs.

 

Geomagnétomètre

 

 

 

Un révélateur chimique de sels permet de révéler et de quantifier la présence de sels minéraux comme les sulfates (sulfate de magnésium, sulfate de sodium) les nitrates (nitrate de magnésium, nitrate de calcium, « salpêtre » de calcium) ou, en bord de mer, les chlorures (chlorure de calcium et chlorure de soude).