Si construire la ville sur la ville est une pratique urbaine qui remonte à la nuit des temps, densifier le tissu urbain de nos grandes métropoles en construisant sur ses toits en est bien l’expression contemporaine. Cependant, et alors que la surélévation présente bien des avantages économiques, comment se fait-il qu’il existe aussi peu d’exemples de surélévation d’immeuble en copropriété ?
Crédit : ©DR Atelier Cantal-Dupart
Afin de faire le point sur la question, nous avons rencontré deux architectes urbanistes et un syndic bénévole ; ils sont unanimes. L’article 35 de la loi du 10 juillet 1965, «droit de veto des propriétaires du dernier niveau», fait obstacle à tout projet de surélévation en copropriété. Seules quelques opérations privées ou relevant d’un seul décisionnaire privé, ont vu le jour.
L’article 35, alinéa 2, de la loi de 1965, dispose que «la décision d’aliéner aux mêmes fins le droit de surélever un bâtiment existant exige, outre la majorité prévue à l’article 26 [double majorité - ndlr], l’accord des copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment à surélever».
Pour Jean-Loup Taïeb, architecte et fondateur de “Planète surélévation“, «les syndics sont plutôt favorables à ces surélévations ; ce sont bien les copropriétaires qui, au titre d’un intérêt particulier, interdisent souvent la création d’une valeur ajoutée collective».
La surélévation n’a de sens que dans les grandes villes où deux facteurs sont réunis : une forte densité et un coût élevé du m2. Paris est, à ce titre, en première ligne des capitales avec non seulement une densité intra-muros record et un prix moyen de 8.500 €/m2. «Densifier en hauteur et en épaisseur dans un tissu urbain dense et cher a donc du sens», relève l’architecte urbaniste Michel Cantal-Dupart.
D’un point de vue comptable, si l’on tient compte, d’une part, d’un coût moyen de création de surface d’environ 4.400 €/m² (travaux, architecte, études, taxes, assurances, structure et autres frais de développement), et d’autre part, d’un prix de vente de 8.500 €/m2, le delta obtenu permet de financer une requalification énergétique de l’immeuble, voire architecturale.
Ainsi, l’équation est simple, en raison de la pression foncière : coûts de création + coûts de requalification ≤ valeur foncière créée (cf. Entretien IRC n° 585 - janvier/février 2013, p. 7).
Et de fait, grouper les opérations de surélévation et de requalification de l’immeuble permet souvent d’envisager un ensemble de travaux allant du bilan énergétique jusqu’à la remise aux normes des équipements. Comment convaincre dès lors, les copropriétaires de ne pas rater une si belle occasion ? Difficultés juridiques ? Faible incitation publique (fiscalité) ? Peur des travaux ?
Pourtant, sur le plan technique, c’est d’une simplicité “enfantine“.
Extrait de l’étude, publiée en 2010, de Michel Cantal-Dupart “Le foncier de Paris peut-il être aérien ? Le surhaussement des immeubles“.
«Sur les 12 rues étudiées, nous avons dégagé une réserve ou capacité foncière aérienne d’environ 466.650 m2 en respectant les plafonds fixés par l’actuel PLU [Plan local d’urbanisme]. En prenant en compte l’ensemble des difficultés à venir, la résistance des propriétaires et le temps nécessaire pour la maturation de ce projet, une réalisation d’environ 10 % est possible dans des délais courts, soit 46.665 m2. Ce qui représente 584 logements de 80 m2. Si on reporte cette proportion de 10 %, calculée sur 12 voies, à l’échelle des 6.003 voies parisiennes, Paris cache un potentiel de 292.000 logements de 80 m2».
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