[N° 576] - Les finances de la copropriété : La banque, le syndic et le syndicat

par Paul TURENNE
Affichages : 36039

Index de l'article

Comptes uniques, modalités des prêts, fonds de prévoyance, fiscalité des copropriétés… Rappel des points essentiels à retenir et des dernières actualités et évolutions législatives en la matière.

Crédit Fotolia

 

 

 

 

Comptes séparés : règles et usages

Assimilés fiscalement et juridiquement à des associations à but non lucratif, les syndicats de copropriétaires sont notamment considérés, par le Code de la consommation et par la jurisprudence, comme des «consommateurs non professionnels». Ils ne récupèrent pas la TVA et sont par ailleurs éligibles au Livret A déplafonné, au même titre que les associations de la loi 1901.
Or, certaines agences bancaires ont pu, ou continuent d’appliquer aux comptes ouverts au nom de syndicats de copropriétaires les conditions tarifaires relatives aux entreprises et non celles consenties aux associations loi 1901 à but non lucratif. Les syndicats de copropriétaires ressortant bien de la catégorie de clients “Administrations privées - organismes privés sans but lucratif“, le caractère non-marchand de leur production est donc reconnu. En conséquence,  l’ouverture sur les livres d’un établissement bancaire d’un compte au nom d’un syndicat de copropriétaire doit être assortie des conditions tarifaires identiques à celles octroyées aux comptes ouverts pour les associations de la loi 1901.
Au delà de cette mise au point concernant les banques, il convient, par ailleurs de rappeler qu’un syndic ne peut ouvrir un compte bancaire séparé auprès d’une banque détenant une participation dans son capital, sans accord spécifique du syndicat des copropriétaires. L’article 39 du décret du 17 mars 1967 dispose ainsi que «le syndic ne peut conclure de convention entre le syndicat et une entreprise, détenant directement ou indirectement une participation dans son capital, sans y avoir été spécialement autorisé par une décision de l’assemblée générale à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965». Un texte qui s’applique, soit dit en passant, quelle que soit la société détenant une participation dans le capital du syndic (entreprise de bâtiment, société de recouvrement, compagnie d’assurance etc.).
Enfin, si la copropriété n’a pas accordé au syndic une dérogation pour ne pas ouvrir de compte séparé, la création d’un sous-compte relié à un compte pivot ouvert au nom du syndic est illégale. Les virements bancaires au crédit ou au débit de la copropriété désireuse de disposer d’un compte séparé ne doivent en effet pas être globalisés et le compte banque doit être accessible. La Cour de cassation dans un arrêt d’avril 2008, a ainsi précisé que seul le compte bancaire ou postal ouvert au nom du syndicat peut être qualifié de compte séparé.

Une alternative intéressante au compte séparé : le compte en CRP

Instituée par la loi du 7 mai 1946, la Caisse des règlements pécuniaires (CRP) des géomètres experts a pour vocation de recevoir l’intégralité des fonds, effets ou valeurs reçus par les géomètres experts pour le compte de leurs mandants à l’occasion de leurs activités immobilières. Une majorité de copropriétaires dans le cadre de l’article 25 de la loi de 1965 peuvent ainsi ouvrir le compte d’un syndicat à la CRP, par dérogation au compte séparé, dans le cadre des activités de syndic des géomètres experts. Ce compte, non fusionné avec l’ensemble des autres comptes ouverts à la CRP, mais totalement individualisé, offre la même lisibilité qu’un compte séparé, le nom de la copropriété apparaissant dans le libellé du compte. Le syndicat reste, par ailleurs, tout à fait libre d’ouvrir un compte de prévoyance hors CRP (Livret A ou Compte épargne copropriété) au nom de la copropriété.
A noter : Contrairement aux assurances souscrites en garantie du remboursement des fonds déposés dans un compte séparé, la cause de la dette n’est pas recherchée pour ouvrir droit au remboursement. La CRP offre ainsi une garantie de remboursement intégral de la créance exigible, quelle que soit la pointe de trésorerie déclarée par le géomètre expert, l’ensemble des fonds déposés à la CRP étant assuré.

Crédit Fotolia

Fiscalité des copropriétés : Le flou règne

Michel Mengual, président du conseil syndical de la copropriété du 14 rue Jacquemont dans le XVIIème arrondissement de Paris et par ailleurs administrateur à l’ARC (association des responsables de copropriété), s’est penché sur un problème à ce jour non réglé : la fiscalité s’appliquant aux intérêts des comptes à terme en copropriété. Car les syndicats de copropriétaires sont considérés comme des «sociétés» fiscalement transparentes, dès lors qu’ils placent des fonds. Cet état de fait entraîne des difficultés concernant la déclaration des intérêts perçus. Le syndic est, en effet, tenu d’adresser une fois par an à chaque copropriétaire sa quote-part des intérêts perçus, celui-ci devant alors déclarer lui-même ces revenus complémentaires, quel que soit le montant de ceux-ci, qui peut parfois être très faible. Ce travail fastidieux et peu adapté à la copropriété, soit n’est pas fait, ce qui met alors les syndics dans l’illégalité, soit génère des frais relativement importants, parfois supérieurs aux intérêts perçus. Dès lors rien d’étonnant à ce que peu de syndicats de copropriétaires décident de placer leur argent, pénalisant par là même, de manière indirecte, la mise en place de fonds de prévoyance.
Michel Mengual a donc tenu à éclaircir ce point en écrivant à plusieurs reprises au ministre de l’économie. Si les services de ce dernier lui ont confirmé que le syndicat de copropriétaires était bien considéré, du point de vue fiscal, comme un établissement payeur imposable en tant que tel, Michel Mengual a contesté cette analyse de façon détaillée. Selon lui, les articles du Code général des impôts sur lesquels s’appuie le ministère des finances pour justifier cette taxation ne font aucune mention des syndicats de copropriétaires, dont les membres n’ont par ailleurs pas le statut d’associés. L’assimilation des copropriétés à des sociétés commerciales ou industrielles par l’administration serait donc «infondée, non praticable et irrégulière».  Et celui-ci de souligner qu’il y a lieu de trouver un autre texte qui en fasse mention, s’il existe, ou à défaut, de combler un «vide juridique».
L’ARC a, pour sa part, envoyé, fin octobre, un courrier à François Baroin, ministre de l’économie pour lui rappeler ce problème et lui demander d’étudier la possibilité, soit de création de produits défiscalisés de type Plan d’épargne copropriété, soit de déplafonnement total du Livret A pour les syndicats de copropriétaires, soit d’un prélèvement à la source pour les syndicats de copropriétaires. Aucune réponse n’a encore été apportée à ce jour.

Emprunts par les syndicats de copropriétaires

Une avancée juridique retoquée au Sénat pour cause de loi “fourre-tout”.
En juillet dernier, Jean-Luc Warsmann, député UMP des Ardennes a déposé une proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. Parmi les nombreux articles de cette loi couvrant des thématiques très larges, l’article 80 encadre le recours à l’emprunt pour les copropriétés. Il prévoit une règle d’unanimité pour souscrire un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires et, à défaut, dispose que seuls les copropriétaires qui le souhaitent participent à l’emprunt. Bien que ne répondant que partiellement à la question de la réforme du statut des copropriétés, selon le député, il est néanmoins utile au regard des travaux lourds et couteux, obligatoires parfois, auxquels sont de plus en plus confrontées les copropriétés (travaux de mise en conformité des ascenseurs ou d’économies d’énergie...), alors que les copropriétaires ne sont pas toujours en mesure de les prendre en charge. Sur le fond du dispositif envisagé, un mécanisme de cautionnement solidaire, qui représente un coût supplémentaire pour les copropriétaires qui participent à l’emprunt - coût qui ne doit être supporté que par eux seuls et non par tous les copropriétaires -, permet de faire face aux risques d’impayés et de ne pas les reporter sur la solidarité entre copropriétaires.
Adoptée par les députés, la proposition de loi n’est en revanche pas passée au Sénat, pourtant non opposé à cet article 80. La commission des lois a décidé le 21 décembre dernier de ne pas établir de texte et de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au texte transmis par l’Assemblée nationale. Ceci afin de «dénoncer les importantes dérives» des lois de simplification contenant «fréquemment des dispositions excédant le cadre strict de la simplification et constituant de réelles novations juridiques, qui mériteraient un débat parlementaire à part entière».
Lire la proposition de loi du député
Lire également  Tribune libre

Photo : Crédit Fotolia

L’éco-PTZ collectif, enfin !

Totalement inadapté à la copropriété, en particulier, du fait des bouquets de travaux à respecter très contraignants, l’éco-prêt à taux zéro individuel ne représente que 1 % des prêts accordés en copropriété ! Réclamé depuis des mois par plusieurs acteurs de l’immobilier, l’éco-PTZ collectif va enfin entrer en vigueur au 1er avril 2012, après l’ajout d’un article en ce sens dans la loi de finances rectificative pour 2011, votée en décembre dernier.
L’éco-PTZ collectif, ouvert aux syndicats de copropriétaires, permettra ainsi de financer les travaux d’économie d’énergie réalisés sur les parties communes de la copropriété, ainsi que les travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives comme, par exemple, le remplacement des fenêtres d’un immeuble. Il pourra, par ailleurs, être utilisé pour ne financer qu’un seul type de travaux, contrairement à l’éco-prêt individuel et ses bouquets obligatoires. Enfin, chaque copropriétaire restera libre de souscrire dans le même temps à un éco-PTZ individuel afin de financer des travaux sur son propre logement en complément des travaux votés par la copropriété. ●