La vie en collectivité présente certains inconvénients liés au bruit. C’est l’une des nuisances les plus fréquemment rencontrées en copropriété.
Quelles sont les solutions et les bonnes pratiques pour une cohabitation harmonieuse ?
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 706 de mars 2025
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Parmi les problèmes fréquemment rencontrés en copropriété et source de nombreux conflits, on trouve souvent le bruit. Une machine à laver qui tourne bruyamment tard le soir, une personne qui fait claquer ses talons en permanence ou encore des chiens qui aboient dans un appartement peuvent poser problème. Les nuisances sonores proviennent également de la rue, en raison du trafic routier mais aussi avec la multiplication des terrasses ces dernières années, dans la foulée de la crise sanitaire.
Selon l’association Qualitel, 42 % des Français vivant en appartement ont déjà connu des tensions avec leurs voisins en raison de problèmes liés au bruit contre 23 % des habitants en maison individuelle. Ce n’est qu’avec la nouvelle réglementation acoustique à la fin des années 1990 que l’isolation phonique a été prise en compte et que des exigences acoustiques ont été fixées aussi bien concernant la qualité des vitrages que celle des techniques de construction. La plupart des immeubles en copropriété sont donc mal protégés contre le bruit.
Tenter d’abord la prévention et sensibilisation
La première démarche à accomplir, mais souvent négligée, est de faire de la prévention et de la sensibilisation. Dans un immeuble, les occupants n’ont pas nécessairement la même conscience du bruit et la même expérience ou les mêmes attentes dans ce domaine. De plus, tous les habitants ne se rendent pas compte du bruit qu’ils peuvent faire. La sensibilisation peut prendre la forme d’une communication humoristique dans le hall de l’immeuble. Le Centre national du bruit (CNDB) propose ainsi des petites affichettes au dessin très parlant montant un immeuble manifestement bruyant (enfant jouant du piano, jeux de football dans l’appartement) avec la phrase : «votre plancher, c’est le plafond du voisin». Ce type de communication permet notamment de prévenir les personnes n’ayant jamais vécu en appartement sur les contraintes que cela impose.
Des courriers aux copropriétaires et aux locataires peuvent également permettre de les sensibiliser tout en rappelant les règles fixées par le règlement de copropriété. La plupart des règlements fixent, en effet, des règles relatives aux nuisances sonores.
En général, c’est le syndic qui rédige ces courriers puisque, dans le cadre de ses missions, il doit faire respecter le règlement de copropriété. Sa responsabilité pourrait être engagée dans le cas contraire. Toute personne importunée par le bruit peut d’ailleurs contacter le syndic de copropriété par lettre recommandée avec accusé de réception pour lui demander d’intervenir et de faire appliquer les dispositions du règlement. Pour autant, rien n’empêche un copropriétaire élu au sein du conseil syndical de participer à cette sensibilisation par des contacts moins officiels, voire même à organiser des réunions d’information si le besoin s’en fait sentir.
Même si le règlement de copropriété ne donne pas d’élément sur les nuisances sonores, on peut dans tous les cas s’appuyer sur la réglementation puisqu’aucun bruit ne doit par sa durée, sa répétition, son intensité porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme (art. R. 1336-5 du Code de la santé publique).
Rappelons également que les locataires ont, pour leur part, une obligation d’user du logement paisiblement selon ce qui est prévu par l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989. «Ils reçoivent de plus une copie du règlement de copropriété dans leur bail», rappelle Danielle Dubrac, présidente de l’UNIS (Union des syndicats de l’immobilier). En cas de non-respect de ces obligations, cela peut être une cause de résiliation du bail.
Si toutes ces actions ne suffisent pas, il est possible de mettre une résolution à l’ordre du jour d’une assemblée générale pour aborder les difficultés rencontrées. La question de permettre aux forces de l’ordre de rentrer en permanence dans la copropriété et d’en informer les copropriétaires par voie d’affichage dans le hall ou par courrier peut, par exemple, être une solution pour dissuader les fauteurs de trouble.
La décision peut également être prise pour prévoir de lancer une procédure contre ces personnes à la majorité de l’article 24 (les propriétaires présents et représentés). «En cas de nuisances répétées et qui s’installent dans la durée, la copropriété peut attaquer pour trouble anormal du voisinage», assure Eric Audineau, avocat spécialisé en copropriété. Jusque-là, la notion de «trouble anormal de voisinage» était présente dans des décisions de justice, notamment de la Cour de cassation, mais absente des codes juridiques. La loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels a fait entrer ce principe dans le Code civil (nouvel art. 1253).
Il y est ainsi indiqué qu’un propriétaire, locataire ou occupant à l’origine d’un trouble comme du bruit (mais cela peut également être des odeurs) excédant les inconvénients normaux du voisinage est responsable de plein droit du dommage provoqué. Cependant, la loi du 15 avril 2024 prévoit que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage ne peut pas être retenue si l’activité en question préexistait à l’installation de la personne qui s’estime lésée. Cette mesure est conforme à la législation et à la réglementation et se poursuit dans les mêmes conditions qu’avant, ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal.
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Penser à la médiation
Autre alternative à une action en justice incertaine et longue, faire intervenir un médiateur est une possibilité. En cas de conflit de voisinage, il est d’ailleurs obligatoire de faire une médiation avant toute action en justice depuis le 1er octobre 2023 (art. 750-1 du Code de procédure civile). Indépendamment de l’obligation, cela permet de rétablir un dialogue apaisé.
«Les médiateurs sont de plus en plus amenés à intervenir en copropriété pour trouver des solutions durables», observe Romain Carayol, président de la Fédération française des centres de médiation (FFCM). Pour trouver un médiateur, on peut consulter le site ffcmediation.org, cnpm-mediation.org
ou encore médiateurseuropéens.org. Pour être aidé d’un médiateur, il faut compter entre 150 et 300 euros par heure et il faut entre trois et cinq heures au minimum selon les besoins estime Romain Carayol. Il est également possible de trouver un conciliateur de justice qui est gratuit mais sa mission est généralement plus succincte. Il s’agit généralement de bénévoles retraités qui assument ce rôle ; il est possible de trouver un de ces interlocuteurs sur le site conciliateurs.fr.
Si les nuisances ne se règlent pas, il faudra agir en justice après un vote en assemblée générale. Chaque voisin, propriétaire ou locataire peut d’ailleurs agir individuellement indépendamment de l’assemblée.
Par ailleurs, en cas de nuisances, il ne faut pas négliger de faire appel au maire. Ce dernier, en vertu de ses pouvoirs de police générale (art. L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales), peut constater au cas par cas les troubles sonores dont les administrés se plaignent. Il peut faire enregistrer les nuisances et dresser des procès-verbaux. La sollicitation du maire peut être particulièrement indiquée lorsque les nuisances sont produites par des terrasses de restaurant, des bars à proximité ou des regroupements sur l’espace public. Même si n’importe quel particulier peut écrire au maire, mieux vaut que la demande soit réalisée par l’intermédiaire du syndic qui, de fait, représente un collectif plus efficace que la demande d’une seule personne.
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Faire des travaux d’isolation
Enfin, il peut être intéressant de faire des travaux d’isolation phonique. Ces travaux peuvent être intégrés dans un chantier plus large de rénovation thermique dans lequel l’acoustique est pris en compte. Sonergia qui accompagne les particuliers dans ce domaine évoque plusieurs solutions, à commencer par le doublage collé. Cela consiste à poser des panneaux isolants en deux couches sur la paroi existante. Dans ce cas, la couche orientée vers la pièce de vie est faite d’une épaisseur de plâtre qu’on peut ensuite peindre. L’usage de cette technique suppose que le mur ne présente pas d’irrégularités ni de problèmes d’humidité car ces derniers risquent de s’accentuer. Si le mur n’est pas en bon état, il est nécessaire de le réparer ou de le lisser au préalable. De plus, comme tout doublage, cela nécessite tout de même des travaux de peinture et aussi d’électricité pour que les prises de courant soient de nouveau accessibles. On peut compter sur une réduction du bruit de l’ordre de 25 à 30 décibels en moins grâce à cette technique, sachant qu’une rue animée se situe aux alentours de 60 décibels.
Une autre solution pour isoler consiste à fixer une ossature métallique sur le mur pour recevoir un isolant sous forme de panneaux et une plaque de plâtre vient ensuite recouvrir le tout. Cela permet d’absorber les sons plus efficacement, de l’ordre de 65 % environ. Il est également possible de créer une cloison neuve séparée du mur existant par une lame d’air de quelques centimètres. Cela permet de souffler de l’isolant en vrac dans l’intervalle. Le cloison peut être en briquette ou en carreaux de plâtre. En guise de finition, un enduit de plâtre est appliqué sur la nouvelle cloison. Des travaux de peinture et d’électricité sont également nécessaires et toutes ces solutions présentent l’inconvénient d’empiéter et donc de diminuer sur la surface habitable.
L’encombrement de l’isolation représente une dizaine de centimètres en dépit des efforts récents réalisés par les fabricants. On perd par exemple 1,6 m2 pour une pièce de 10 m2. C’est donc une contrainte importante qui nécessite une réflexion. En matière de matériaux isolants, le choix est large : laine de verre ou de roche, ouate de cellulose, fibre de bois ou même le liège peuvent être utilisés.
Pour choisir le meilleur isolant, il faut regarder quel est le coefficient d’affaiblissement acoustique. Plus cet indicateur est élevé, plus l’isolant est performant. Le fabriquant Isover annonce un coefficient d’affaiblissement acoustique pouvant aller jusqu’à 42 décibels. Le coût de ces travaux n’est pas négligeable :
Il faut compter entre 120 et 270 euros/m2 pour ces isolations. Des aides existent si les travaux ont pour but principal de limiter les déperditions thermiques (la principale est MaPrimeRénov’ copropriété). L’acoustique seule n’est prise en compte que dans de rares situations notamment dans le cas de la proximité d’aéroports.
Plafonds et sols isolés
Si les bruits proviennent de l’appartement du dessus, qu’il s’agisse de bruits aériens comme les voix ou bien les bruits sourds liés à des chocs, il faut créer un faux plafond permettant de poser un isolant semblable à ceux qui existent pour les murs. Lorsqu’on change un revêtement de sol, il faut penser à installer une sous-couche acoustique, notamment lorsqu’on remplace la moquette par du carrelage ou du parquet afin de ne pas dégrader le confort acoustique de l’appartement du dessous.
Il est d’ailleurs parfois interdit par les règlements de copropriété de changer la nature du revêtement de sol. Si les voisins du dessous voient leur confort modifié par le nouveau revêtement de sol, ils peuvent faire reconnaitre en justice que le bruit excède les inconvénients normaux du voisinage et le copropriétaire pourrait être condamné à réaliser des travaux d’isolation. Par ailleurs, Qualitel rappelle que le bruit en copropriété peut passer par les conduits de cheminée, les gaines techniques, des conduites traversant l’appartement. Des évacuations d’eau usées peuvent, par exemple, être très bruyantes. Dans ce cas, il est nécessaire d’entourer les conduites isolantes par un coffrage pour obtenir un impact significatif sur le niveau de bruit du logement.
Le bruit passe également souvent par les fenêtres lorsqu’il s’agit de simple vitrage et tous les double-vitrages ne protègent pas de la même façon. Avant de changer des vitrages, il faut vérifier le coefficient d’affaiblissement acoustique par rapport à un son aigu ou les bruits routiers. Comme pour les isolants muraux, plus ce coefficient est important, plus l’isolation phonique est performante.
Il est également nécessaire de prêter attention aux bouches d’aération installées sur les fenêtres pour assurer la ventilation du logement. Dans ce cas, il faut choisir une bouche d’aération acoustique qui permette de mieux isoler le logement. Même chose si le bruit pénètre par les volets roulants : il faut alors isoler les coffres de ces volets.
En copropriété, le bruit peut également passer depuis les parties communes (escaliers, paliers, …) vers les portes d’entrées des appartements. Il est alors possible de choisir des portes isolantes de l’ordre de 25 et 33 décibels. Une porte à double paroi ou même une double porte lorsque c’est techniquement possible, permet une bonne isolation phonique.
Le bruit étant un élément complexe à identifier et à régler, il est conseillé de faire appel à un acousticien. Le site bruit.fr donne la liste des bureaux d’études pouvant aider la copropriété. Il est d’autant plus important de faire attention qu’une isolation extérieure aura pour conséquence de rendre beaucoup plus audibles les bruits intérieurs. En fonction des recommandations de l’acousticien, le diagnostic technique global (DTG) de l’immeuble peut en tenir compte, dans un second temps, cela permet de voter des travaux nécessaires dans le plan pluriannuel de travaux (PPT).
Enfin, même la meilleure isolation phonique ne permet pas de supprimer totalement les nuisances sonores si les occupants de l’immeuble ne font pas attention à leur comportement. La prévention reste donc d’actualité même une fois les travaux réalisés.
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