De nouvelles obligations s’appliquent aux copropriétés afin que celles-ci fassent le point sur les travaux à réaliser dans les dix ans à venir. Des nouveaux outils, parfois complexes, ont été mis en place.
Explications.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 705 de janvier/février 2025
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Assurer la conservation de l’immeuble ainsi qu’un niveau correct de confort et de sécurité pour tous les occupants mais aussi réduire la consommation énergétique des immeubles préoccupe depuis quelques années les professionnels du logement et les pouvoirs publics. Ces derniers ont légiféré à différentes reprises et mis en place des outils et des obligations pour que les copropriétés fassent le point sur les travaux à venir et, si possible, les réalisent. L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) rappelle que les deux-tiers des immeubles ont été construits entre la seconde guerre mondiale et le choc pétrolier de 1973. Pour moderniser les immeubles notamment sur le plan des performances énergétiques, la Confédération des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) estime qu’il faut prévoir un investissement qui peut dépasser 20 000 euros par appartement.
Pourtant, les travaux sont devenus indispensables : sur les 9,7 millions de logements en copropriété, environ 15 % d’entre eux sont classés F ou G dans la note attribuée par le diagnostic de performance énergétique réalisés lors de la vente ou de la location du logement. Outre des factures d’énergie parfois difficilement soutenables, depuis le 1er janvier 2025, les appartements dont la note est G ne sont plus considérés comme décents. En théorie ils ne peuvent pas être reloués en cas de départ du locataire ou de reconduction du bail.
Le ministère du logement estime que 8 % des logements du parc privé sont classés G, 10,5 % sont classés F, dont une bonne partie en copropriété. La rénovation énergétique est donc indispensable. Or, le rythme de ces dernières est particulièrement lent en copropriété. L’Anah indique avoir aidé à rénover 623 790 logements en 2023 (derniers chiffres disponibles sur une année) mais seulement 51 000 logements en copropriété ont été rénovés en 2023.
Une partie des copropriétaires espère que cette réforme sera enterrée par un gouvernement qui détricoterait les contraintes. Pour l’instant, Valérie Létard, la ministre du logement nouvellement nommée, a exclu tout aménagement ou moratoire après avoir évoqué l’idée de délais plus longs pour les copropriétés. Pour l’instant, en l’état actuel de la loi du Climat et résilience du 22 août 2021, les logements F seront à leur tour interdits à la location en 2028 et ceux portant l’étiquette E le seront en 2034. Dans dix ans, tout le parc de logements devrait donc atteindre au moins l’étiquette D.
Le plan pluriannuel de travaux (PPT)
Pour répondre à tous ces enjeux, la loi Climat et résilience a prévu l’élaboration d’un Plan pluriannuel de travaux (PPT). Entamer des démarches pour réaliser un PPT a été rendu obligatoire pour les copropriétés de plus de 200 lots depuis le 1er janvier 2023. Cela concerne les immeubles entre 50 et 200 lots à partir du 1er janvier 2024 et, enfin, depuis le 1er janvier 2025, toutes les copropriétés jusqu’à 50 lots doivent élaborer un DPE.
Le PPT est un document élaboré par un professionnel (bureau d’étude, diagnostiqueur, thermicien) permettant de lister les travaux pendant les dix ans à venir dans le but de sauvegarder le bâtiment et d’assurer son bon entretien. Les propositions du PPT peuvent être aussi variées qu’un ravalement, le changement des conduites d’eau usées ou du mode de chauffage. Il doit être réactualisé tous les dix ans et tous les immeubles construits depuis plus de quinze ans, doivent en être dotés. Il doit également s’agir d’immeubles à destination partielle ou totale d’habitation, les commerces ou immeubles de bureaux ne sont pas concernés.
Le PPT doit donner une estimation du niveau de performance énergétique du bâtiment, les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre du bâtiment et les économies d’énergie que les travaux permettent d’atteindre. Le PPT doit répondre à une question cruciale : quel sera le coût des travaux ?
Ce plan hiérarchise les travaux, propose un échéancier. Mais, en fonction des priorités de chaque immeuble, les copropriétaires sont libres de choisir tout ou partie des travaux. Reste que si les appartements de la copropriété sont classés en F ou G, il va être difficile de faire l’impasse sur des travaux d’isolation. Pour valider ce PPT, les copropriétaires doivent le voter.
Le syndic commence donc par inscrire un devis pour l’élaboration du PPT à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Il est voté à la majorité de l’article 24 (copropriétaires présents et représentés). Lors d’une assemblée ultérieure, le PPT peut être adopté à la majorité de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires de l’immeuble).
Les travaux à réaliser sont ensuite votés l’un après l’autre suivant le calendrier préconisé ainsi que la décision sur leur financement et sur le montant des honoraires à percevoir par le syndic. Mais les copropriétaires vont-ils réellement voter les travaux ? Le risque est que les copropriétaires valident le devis pour établir un PPT et être en conformité avec la réglementation mais voyant le coût des travaux décident de ne pas le voter.
Pour éviter cette situation, les pouvoirs publics ont instauré des gardes fous : tout d’abord, l’article L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoit que le PPT doit figurer dans les documents annexés à la promesse de vente ou, à défaut, à l’acte authentique de vente. Le but est que l’acquéreur soit pleinement informé des travaux qui doivent être réalisés et qu’il puisse en prévoir le budget.
Autrement dit, en théorie, une vente pourrait être bloquée si le PPT n’est pas réalisé. En pratique, le simple fait de s’être lancé dans le processus pourrait exonérer la copropriété car le CCH ne donne pas de délai clair pour l’élaboration du PPT. Il faut d’ailleurs parfois deux à trois ans pour l’élaborer. Un goulot d’étranglement s’est, en effet, créé avec la forte demande.
En revanche, ces dernières années, les banques sont de plus en plus attentives aux travaux à venir et donc à financer lors de la souscription du crédit. Elles le vérifient tout particulièrement si le logement est étiqueté F ou G, elles demandent des informations précises et peuvent réclamer la communication du PPT.
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Un garde-fou du syndic et un droit de regard de la collectivité
Autre garde-fou : si l’assemblée n’a pas adopté tout ou partie du projet de PPT ou si la mise en œuvre de l’échéancier est incertaine, le syndic devra inscrire la question à l’ordre du jour de chaque assemblée générale appelée à approuver les comptes. Les copropriétaires devront donc chaque année se repositionner sur les travaux avec peut-être finalement une acceptation.
Enfin, les pouvoirs publics ont un moyen de contrôle : le maire, le préfet ou encore le président de l’établissement public intercommunal peuvent demander au syndic de lui transmettre le PPT adopté pour vérifier que les travaux programmés permettent bien de garantir la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité des occupants. Si les travaux ne semblent pas suffisants au regard de l’état du bâtiment et de la sécurité des occupants, la collectivité locale peut élaborer et actualiser le contenu à la place et aux frais des copropriétaires.
Les cas seront sans doute rares et concerneront les immeubles les plus en difficulté. Pour autant, cette menace pèse sur la tête des copropriétaires. Dans le cas où les pouvoirs publics ont repris le PPT en main, le syndic doit convoquer une assemblée générale pour se prononcer sur la question de l’adoption de tout ou partie de ce projet de plan. Face à cette pression des pouvoirs publics, les copropriétaires pourront-ils continuer à refuser de voter les travaux ?
Pour l’instant, la question ne s’est pas posée et, en théorie, les copropriétaires peuvent toujours refuser mais cela parait difficile en pratique car la collectivité dispose d’autres outils plus coercitifs si elle le souhaite.
La collectivité peut aussi apporter de l’aide pour les copropriétés en difficulté car voter un PPT a une incidence financière non négligeable : lorsque l’immeuble a voté un PPT, le montant de la cotisation annuelle du fonds travaux ne peut être inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan adopté et à 5 % du budget prévisionnel. Portant sur les travaux nécessaires pour les dix ans à venir, le budget pour le PPT sera sans doute beaucoup plus important que les 5 % du fonds travaux qui porte sur le budget annuel.
Partir d’un DPE ou d’un DTG
Pour réaliser son PPT, la première solution est de partir d’un diagnostic de performance énergétique collectif. Ce DPE collectif n’est pas nouveau : il avait été rendu obligatoire par Grenelle 2 mais peu d’immeubles avaient réellement effectué la démarche. La loi Climat et résilience l’a rétabli pour toutes les copropriétés supérieures à 50 lots depuis le 1er janvier 2025. Il le sera ensuite pour toutes les copropriétés le 1er janvier 2026.
Le problème est que les dates fixées pour l’obligation de ce DPE sont prévues après celles instaurées pour le PPT. Cette incohérence n’a pas été corrigée par le législateur obligeant les copropriétés à anticiper un peu leurs obligations.
Le DPE se compose d’une description de l’état initial de la copropriété avec les caractéristiques du bâtiment, des systèmes de chauffage, de production d’eau chaude. Il doit évaluer la quantité d’énergie consommée ou estimée ainsi que la quantité des émissions de gaz à effet de serre de l’immeuble et donne une étiquette allant de A à G. Une évaluation des conditions d’aération et de ventilation du bâtiment ont également été prévues ainsi que des recommandations visant à améliorer la performance énergétique de l’immeuble et une estimation de leur coût.
Pour réaliser un DPE collectif, le syndic doit inscrire une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires. Cette résolution permet également de choisir le prestataire. La décision doit être votée à la majorité des voix exprimées par les copropriétaires présents et représentés (art. 24). Le syndic devra ensuite fournir à ses frais tout document dont le diagnostiqueur peut avoir besoin.
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Le diagnostiqueur
Le diagnostiqueur, qui doit obligatoirement être certifié Cofrac, effectue des relevés sur place en visitant des logements. Ce professionnel transmet ensuite le rapport de diagnostic au syndic à l’Agence de la transition écologique à des fin statistiques. Enfin, le syndic de copropriété inscrit la présentation du DPE à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires qui suit sa réalisation et, sur la base des travaux proposés par ce DPE, il doit mettre en place le PPT. Le diagnostiqueur choisi peut tout à fait réaliser le PPT. En choisissant ce professionnel, il faut vérifier qu’il est en mesure de réaliser le PPT.
Si la copropriété veut aller plus loin qu’un DPE, qui est axé essentiellement sur les travaux d’économie d’énergie, il faut mener une étude plus avancée et mener un diagnostic technique global (DTG). Ce diagnostic examine tous les travaux qui s’avèrent nécessaires dans les dix ans à venir pour assurer la conservation de l’immeuble et sa mise aux normes.
Le PPT sera ensuite la formalisation de ce DTG en un échéancier. Pour les immeubles, très rares, pour lesquels le DTG montre qu’il n’y a pas de travaux à réaliser dans les dix ans, il n’est pas nécessaire de mettre un PPT à l’ordre du jour. Il s’agit essentiellement des immeubles neufs.
Le DTG analyse l’état apparent des parties communes et des équipements communs de l’immeuble comme l’ascenseur, la chaudière etc. Il analyse l’état technique de l’immeuble au regard des obligations légales et réglementaires au titre de la construction, établit une analyse des améliorations possibles de la gestion technique et patrimoniale de l’immeuble.
L’Agence parisienne pour le climat (APC) (apc-paris.com) a mis en place un référentiel permettant de vérifier si le DTG réalisé est sérieux. Ce document est consultable même si la copropriété n’est pas parisienne. En effet, le risque est de s’adjoindre un professionnel attiré par l’effet d’aubaine lié aux obligations des copropriétés. En cas de doute, mieux veut s’adresser à la plateforme France Rénov qui donne des coordonnées de professionnels réalisant des DPE et des DTG fiables.
Enfin, rappelons que l’audit énergétique que beaucoup connaissent est supprimé depuis la loi Climat et résilience. Il était jusqu’à présent obligatoire pour les copropriétés en chauffage collectif de plus de 50 lots. En revanche, certains DTG l’incluent encore dans leur façon d’analyser les performances énergétiques du bâtiment. L’audit reste cependant obligatoire pour les maisons individuelles énergivores lors de leur mise en vente.
Pour les copropriétaires, le coût d’un DPE comme d’un DTG n’est pas neutre notamment si le professionnel formalise un PPT dans sa mission. Pour un DPE il faut compter entre 3 000 et 5 000 euros en fonction de la taille de l’immeuble mais il faut prévoir entre 8 000 et 15 000 pour un DTG. L’APC indique une moyenne de 9102 euros par copropriété, soit 442 euros par logement en augmentation de 4 à 6 % depuis 2020. Rappelons que les copropriétés peuvent bénéficier d’aides qui sont variables en fonction des régions. France Rénov a mis en place des simulateurs pour savoir de quelles aides les immeubles peuvent disposer.
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