[N° 564] - Géothermie : Une énergie “terrienne“ inépuisable

par Paul TURENNE
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Utilisée par l’homme depuis 20 000 ans, puis délaissée au profit des énergies fossiles (charbon, gaz ou pétrole), la géothermie opère un retour en force ces dernières années. Focus sur une énergie qui a tout pour elle.

Paul TURENNE

D’ici à 2020, la production d’énergie issue de la géothermie devrait être multipliée par 6,  selon les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement. Afin d’y parvenir, un Comité national de la géothermie présidé par Philippe Vesseron, président d’honneur du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), a été créé en juillet dernier par Jean-Louis Borloo, ex-ministre d’Etat. Ce comité de 35 personnes travaille actuellement à la simplification administrative et à la qualité dans ce secteur, à la formation des personnels, mais aussi à la diffusion de l’information vers chacune des parties intéressées. Un dossier dont s’est désormais emparée Nathalie Kosciusko-Morizet, nouvelle ministre de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (MEDDTL). Parmi les moyens utilisés : la relance à grande échelle des programmes de géothermie en Ile-de-France, en Alsace, en Aquitaine, Midi-Pyrénées, et Centre, et l’équipement de 2 millions de foyers en pompes à chaleur.  Soit un investissement total compris entre 15 et 20 milliards d’euros.


Une énergie compétitive

Comment expliquer cet engouement pour une énergie jusqu’alors peu prise en compte ces dernières années ?
Tout d’abord, par la nécessité de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre, auxquelles les énergies fossiles «traditionnelles» contribuent pour une large part. Ensuite, du fait de l’épuisement progressif des réserves de ces mêmes énergies qui contribue à les rendre de plus en plus coûteuses.
Le surcoût initial d’une installation géothermique - principalement à cause du coût des forages - par  rapport à une installation au fioul ou au gaz, par exemple, a donc tendance à devenir de moins en moins rédhibitoire pour les copropriétés. D’autant, que la géothermie se révèle particulièrement bon marché à l’usage, les coûts d’exploitation pouvant être divisés par deux ou par trois par rapport à une installation au gaz ou au fioul.
La chaleur contenue dans le sous-sol provenant à 90 % de la désintégration d’éléments radioactifs naturellement présents dans les roches, cette énergie est, en effet, inépuisable à l’échelle humaine et présente partout. Les régions sédimentaires, comme le Bassin parisien, sont toutefois plus propices que d’autres car elles contiennent d’importantes ressources de géothermie basse énergie, propices aux utilisations pour le chauffage collectif.
Enfin, la géothermie produit de la chaleur avec d’excellents rendements. Elle permet ainsi d’atteindre des coefficients de performance (COP) pouvant aller jusqu’à 5.
En clair, pour 1 kWh d’énergie électrique consommée, l’installation produira 5 kWh de chaleur. Sans oublier la possibilité de refroidir les appartements en été par échangeurs à plaque ou avec une pompe à chaleur (PAC) réversible.


Profondeur du forage

Plusieurs types de géothermie à destination de bâtiments collectifs coexistent : géothermie sur sonde, sur nappe phréatique, pieux énergétiques, ou bien encore, fondations énergétiques pour le neuf (cf. encadré Différentes techniques possibles). En rénovation, les meilleurs rendements pourront être obtenus par des forages sur la nappe phréatique, à condition bien sûr, que nappe il y ait, qu’elle soit accessible et d’un volume suffisamment important.
Quant à la profondeur, les professionnels estiment qu’il faut tabler sur un mètre de forage par m² chauffé. De manière générale, plus les forages seront profonds, plus l’efficacité augmentera... de même que le coût des travaux ! Ainsi, un forage dans des terrains cristallins, de type granitique par exemple, reviendra à environ 50 euros par mètre. Une somme qui pourra quasiment doubler dans des terrains sédimentaires présentant plus de difficultés.
Par ailleurs, la réalisation d’un forage est encadrée par le Code de l’environnement (loi sur l’eau) et par le Code minier. Ce dernier implique la déclaration de tout forage supérieur à 10 m de profondeur. Une autorisation, nécessitant une enquête publique avec établissement d’un document d’incidence, sera même exigée pour tout ouvrage supérieur à 100 m de profondeur.
Dans le cas d’une rénovation, l’ancienne chaudière pourra parfois être conservée et fonctionner, dans les périodes les plus froides, en relève de la PAC. Le rendement de cette dernière diminue, en effet, proportionnellement à la baisse des températures. A l’intérieur du bâtiment, les principaux types d’émetteurs de chaleur utilisés avec la géothermie sont en premier lieu les planchers chauffants basse température qui assurent une répartition idéale de la chaleur. Viennent ensuite les radiateurs basse température, les ventilo-convecteurs, et la distribution de chaleur bitube ou monotube. Dans le cadre d’une rénovation avec la présence de radiateurs à eau, la mise en place d’émetteurs de grande surface est plus que recommandée afin d’abaisser les températures d’émission. Reste que cette solution ne permet pas s’assurer la réversibilité.


Les réseaux de chaleur géothermiques

En zones urbaines, les installations de géothermie profonde avec réseaux de chaleur permettent d’alimenter au minimum 4000 à 5000 logements. En deçà, l’investissement ne peut être rentabilisé.
À la clé, de substantielles économies pour le consommateur final : si le réseau est convenablement géré et si l’emprunt contracté pour financer les travaux reste raisonnable, la facture annuelle peut être allégée de 20 à 30 % par rapport à celle d’un chauffage au gaz. D’autant qu’elle sera établie avec une TVA réduite à 5,5 % à la condition que 60 % de la chaleur produite par le réseau le soit à partir d’une énergie renouvelable.
Comme mentionné ci-dessus, le bassin parisien reste l’une des zones françaises les plus propices à l’exploitation d’installations géothermales. Les ressources géologiques y sont, en effet, propices à la géothermie basse énergie et la demande en chauffage collectif y est particulièrement élevée, du fait de la densité des zones urbaines. La principale nappe d’eau exploitée, le Dogger, s’étend sous l’ensemble de la région Île-de-France à une profondeur comprise entre 1600 et 2000 m, avec une température variant de 56 à 85°C.
34 installations géothermales fonctionnent ainsi grâce à ce réservoir, en Île-de-France, ce qui en fait le parc d’installations le plus dense d’Europe.
À cette profondeur, l’eau saumâtre étant corrosive, il est interdit de la rejeter en surface. D’autant qu’elle transporte également des gaz dissous comme le sulfure d’hydrogène, particulièrement dangereux pour la grande majorité des êtres vivants. Un doublet géothermique s’impose donc, à savoir, le forage d’un second puits pour réinjecter l’eau dans l’aquifère originel, en plus du puits de production.
D’autres régions de terrains sédimentaires, telles que le Jura ou le bassin aquitain disposent également de veines d’eau chaude propices à la géothermie profonde.


Quel coût pour une installation géothermique en copropriété ?

S’il est difficile de donner un prix moyen, le coût des forages variant en fonction de la nature du terrain (comme indiqué précédemment), il est toutefois possible de s’appuyer sur un exemple concret.
Ainsi, à Barcarès en Languedoc-Roussillon, 38 logements d’une résidence en copropriété, répartis sur deux immeubles de 1 000 m2 et un troisième de 730 m2, sont désormais chauffés et climatisés grâce à la géothermie. Huit forages de 85 mètres de profondeur ont été réalisés devant la résidence, permettant des échanges de chaleur avec le sol à 18,5°C l’été et 14°C l’hiver, grâce à 20 sondes géothermiques verticales, sans pompage de l’eau dans le sous-sol. Chacun des trois bâtiments comporte deux pompes à chaleur installées en cascade (quatre générateurs Isara de 31 kW et deux générateurs Isara de 16 kW). La distribution de chaleur s’effectue par l’intermédiaire de ventilo-convecteurs réversibles. Le tout pour un coût total de 285 000 euros, forage inclus, soit 7 500 euros par appartement. Un montant qui représente environ un surcoût d’environ 1 000 euros par rapport à un chauffage classique. Le retour sur investissement est prévu sur cinq ans.

 

 

 

 

 


Différentes techniques possibles

Les pompes à chaleur (PAC) géothermiques à capteurs verticaux
Les sondes géothermiques installées dans un forage sont scellées par du ciment. La profondeur peut atteindre jusqu’à 200 m où la température du sol est stable tout au long de l’année. De l’eau additionnée de liquide antigel (fluide caloporteur) circule en circuit fermé.

Les PAC aquathermiques
Ces PAC puisent la chaleur contenue dans l’eau, le plus souvent, dans les nappes phréatiques, l’eau possédant une température de 7 à 12 °C constante. Il est également possible d’utiliser l’eau d’une rivière ou d’un lac. Les PAC sur eau de nappe nécessitent un ou deux forages de 30 à 100 m de profondeur. Ce type de captage est réglementé et doit faire l’objet d’une déclaration préalable.
(dessin 1)

Les fondations thermoactives ou pieux géothermiques
Les fondations, qui peuvent être des pieux en béton, assurent la stabilité de certains bâtiments en reportant leur poids dans les profondeurs du sol. On parle de fondations thermoactives lorsqu’on y intègre un système de captage de l’énergie. Celui-ci est constitué d’un réseau de tubes en polyéthylène noyé dans le pieu, renforcé par une armature en fer, et dans lequel il est possible de faire circuler en circuit fermé un fluide caloporteur (de l’eau additionnée de glycol). Ce système de captage de l’énergie est ensuite connecté à une pompe à chaleur qui fournit au bâtiment de la chaleur ou du froid avec des rendements plus qu’excellents.
(dessin 2)

 

 


Une majorité fonction de la durée d’amortissement

Les travaux destinés à économiser l’énergie dans les immeubles bâtis relevant du statut de la copropriété et qui sont amortissables sur une période de dix ans, sont votés à la majorité absolue de l’article 25. Ils peuvent porter sur l’isolation thermique du bâtiment, le renouvellement de l’air, le système de chauffage, la production d’eau chaude, etc. Si le temps d’amortissement estimé est supérieur à 10 ans, alors il est nécessaire d’obtenir la double majorité (article 26) en assemblée générale.

Test de réponse thermique : un préalable indispensable !

Le principe du test de réponse thermique consiste, après une étude préalable du sol, à faire circuler un fluide avec une température constante dans les sondes et d’en mesurer l’évolution. Cette mesure permet alors de déterminer la conductivité effective du sol et donc de confirmer le dimensionnement des installations à l’aide d’outils de simulation. Le nombre de forages est ainsi déterminé avec précision, de façon à garantir la performance de l’installation future.


Ce qu’il faut retenir :

Les différentes étapes d’un projet de géothermie verticale

1 - Etude des besoins et des solutions énergétiques
2 - Diagnostic de sol, étude de faisabilité
3 - Enveloppe budgétaire, calcul du retour sur investissement, étude de rentabilité
4 - Modélisation de la réponse du sol, dimensionnement des installations
5 - Cahiers des charges
6 - Solutions de financement, montage du dossier de subventions, demandes d’autorisation
7 - Tests de réponse thermique
8 - Forages
9 - Mise en place des sondes, des collecteurs et des pompes
10 - Fourniture et pose des matériels, mise en service, Dossier des ouvrages exécutés (DOE)
11 - Entretien et maintenance

Source : Géothermie Professionnelle