[N° 569] - Quelles solutions pour les lots inoccupés ?

par Paul TURENNE
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Problèmes de vacances structurelles, locaux commerciaux ne trouvant pas preneur, appartements désertés à la mort de leur propriétaire… La présence de locaux vides est toujours un point négatif à surveiller afin d’éviter les problèmes de dégradation, de squat et, in fine, la fragilisation de l’ensemble de la copropriété. Focus sur les points à surveiller et les stratégies à adopter quand il est trop tard.

Paul TURENNE

Que faire lorsqu’un appartement ou un local commercial reste désert pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois faute de locataires ? Car, outre les pertes financières entraînées par ce vide, se pose la question de la responsabilité du copropriétaire bailleur. Ainsi, nombre d’entre eux s’estiment suffisamment couverts par le contrat d’assurance de l’immeuble, qui couvre non seulement les constructions (gros oeuvre, planchers, cloisons) mais aussi toutes les parties immobilières par destination, y compris à l’intérieur des parties privatives. En revanche, ce type de contrat n’inclut pas forcément la responsabilité du copropriétaire non occupant lorsque lorsque le locataire n’est plus assuré ou… lorsque les locaux sont inoccupés. Dès lors, un sinistre peut revenir cher, comme, par exemple, un incendie provoqué par une installation électrique abandonnée ou un dégât des eaux causé par la rupture d’une canalisation dans un logement vacant. Ainsi, faute d’avoir souscrit une assurance propriétaire non-occupant (PNO), le propriétaire se verra dans l’obligation de régler la note. Sans parler des cas où le logement est squatté.


Les mesures à prendre pour faire cesser le squat…

En cas de squat d’un local à usage d’habitation principale, la procédure ne sera pas tellement différente de celle prise par un bailleur à l’encontre d’un locataire défaillant qu’il souhaite expulser (cf. focus “Comment gérer les impayés ?“ p.36) A noter que la procédure va être similaire pour les locaux commerciaux squattés qui vont être requalifiés en locaux à usage d’habitation, la destination du local étant alors la même que pour un appartement classique.

Pour initier la procédure, il convient avant tout de faire procéder à un constat d’occupation des lieux par un huissier de justice. Ce dernier, muni de l’acte de propriété, va constater la présence illégale d’occupants de l’appartement. Ce constat va être fait sur ordonnance judiciaire, afin que l’huissier soit autorisé à pénétrer dans les lieux, en présence ou non des squatteurs, en vue d’obtenir l’identité des occupants, avec le concours de la force public, si nécessaire. L’huissier peut également procéder, sans ordonnance, à une sommation interpellative, en demandant directement aux squatteurs leur identité. Ces derniers sont alors cependant libres de refuser de la lui donner, ce qui arrive de temps en temps.

Une fois l’identité du ou des squatteurs connue, il va falloir assigner directement et demander la condamnation à des indemnités d’occupation, éventuellement des dommages et intérêts en fonction des préjudices subis et, pour finir, un jugement d’expulsion. Il faut par ailleurs bien penser à demander au magistrat de supprimer un certain nombre de délais auxquels ne peuvent prétendre les «personnes entrées par voie de fait» dans le local. Cette suppression concerne la trêve hivernale, ainsi que le délai de deux mois qui suit le commandement de quitter les lieux. Certains avocats oublient parfois de réclamer la suppression de ces deux mesures qui ne sont pas automatiques. «En cas de squat, on ne cherche pas tant à procéder au recouvrement des sommes dues qu’à stopper l’hémorragie en faisant en sorte que les locaux soient libérés le plus vite possible», souligne Maître Suissa, huissier de justice à Rosny-sous-Bois. «Il faut, en effet, bien avoir conscience que dans la très grande majorité des cas, les personnes qui occupent indûment un logement sont indigentes. Vouloir récupérer des meubles ou de l’argent sur un compte bancaire est donc illusoire la plupart du temps.»


…ou en cas d’abandon du logement loué

Tout aussi problématique que le squat, l’abandon d’un appartement par un locataire sans que ce dernier n’ait mis fin au bail et remis les clés au copropriétaire, exigeait jusqu’à présent une procédure très longue pour récupérer le logement. Le bailleur qui devait saisir le tribunal était, en effet, contraint de respecter les procédures de résiliation de bail et d’expulsion. Ainsi, lorsqu’un propriétaire disposait d’indices concordants prouvant que le logement avait été abandonné, il était tout de même obligé assigner le locataire, d’obtenir une décision de justice ordonnant l’expulsion, de faire signifier cette décision de justice par un huissier et de faire un commandement de quitter. C’est seulement à ce moment là que la loi permettait à l’huissier de rentrer dans les lieux pour vérifier et attester qu’il n’y avait plus personne à l’intérieur. D’où une absence de loyers, pendant un temps indéterminé, particulièrement pénalisante.

La loi Béteille du 22 décembre 2010, en son article 4, modifie la loi du 6 Juillet 1989 en instaurant une procédure de reprise des logements abandonnés (Art. 14-1 loi du 6 juillet 1989). Elle favorise ainsi le règlement «amiable» des litiges et permet de gagner six mois environ. «Désormais, lorsque tout laisse à penser que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut, par acte d’huissier, mettre en demeure son locataire de justifier qu’il occupe le logement», explique Maître Suissa. «Faute de réponse dans un délai d’un mois, l’huissier de justice peut alors pénétrer dans les lieux en vue de constater l’abandon du logement et de dresser un procès-verbal». Un juge sera alors à même de procéder à la résiliation du bail, sachant qu’un décret d’application devrait préciser d’ici peu de temps les modalités de saisine du magistrat pour obtenir cette résiliation.

Il convient par ailleurs de noter que la loi Béteille consolide la force probante du procès-verbal de constat dressé par l’huissier de justice. L’accès aux renseignements de l’huissier, porteur d’un titre exécutoire, est également renforcé, les recherches s’étendant non seulement à l’adresse du débiteur, à l’identité et à l’adresse de son employeur mais aussi à la composition de son patrimoine immobilier.

(ci-contre : Les assurances ne couvrent pas systématiquement les locaux)


ENCADRE : Quelles couvertures pour un contrat PNO* ?

- Incendie, explosion et risques annexes

- Vandalisme à l’extérieur des bâtiments

- Responsabilité civile du propriétaire après sinistre

- Dégâts des eaux - Catastrophes naturelles et technologiques

- Tempêtes, grêle et poids de la neige - Bris de glaces, sauf sur vérandas

- Vol, tentative de vol, vandalisme à l’intérieur des bâtiments

- Assurance des biens mobiliers (généralement en option)

- Assurance défense pénale et recours.

Comptez de 80 à 120 euros par an environ pour un appartement.

* Assurance de Propriétaire Non Occupant


ENCADRE : Transformation d’une loge de concierge inoccupée en garage à meubles

En 2009, un syndicat d’une copropriété datant de 1951 située dans le 6ème arrondissement de Lyon à proximité du parc de la Tête d’Or et des berges du Rhône, a franchi le pas en transformant définitivement l’ancienne loge de concierge inoccupée depuis cinq ans environ, en local à vélo. Plusieurs facteurs ont motivé cette prise de décision. A commencer par le profil des propriétaires occupants des 20 lots de l’immeuble : du fait d’un important renouvellement, les résidents étaient, pour la plupart, de jeunes couples avec des enfants. Par ailleurs, le quartier était desservi par plusieurs pistes cyclables. D’autre part, le local inoccupé, d’une petite superficie, ne correspondait plus vraiment aux attentes de confort actuel d’un couple, ce qui rendait difficile sa vente. Enfin, la certitude que ce local apporterait une plus value aux logements en cas de revente, alors qu’un local vide aurait été amené à se dégrader, a fini de convaincre les plus réticents.

La loge faisant partie des parties communes, la transformation du local a été votée en assemblée générale en 2008 avec la suppression du poste de concierge et le changement de destination en local à vélo. Un support de 12 crochets pour vélos suspendus a été installé ainsi qu’un râtelier au sol pour 10 places et un porte-manteau pour casques. L’espace restant permet de garer 10 vélos sur béquilles. Au final, 32 emplacements de vélo ont donc pu être mis en place sur 22 m2 pour un coût total de près de 800 euros TTC. Une densité qui nécessite cependant de la discipline de la part des copropriétaires afin d’éviter l’anarchie, et qui n’est donc pas forcément transposable à toutes les copropriétés.


ENCADRE : Locaux en déshérence : la généalogie à la rescousse

Depuis la loi du 5 juin 2006 concernant les “successions et libéralités“, les administrateurs de biens peuvent faire directement appel à une étude généalogique, ayant désormais un «intérêt direct et légitime» à la mandater. C’est notamment le cas, lorsqu’un local se trouve abandonné, faute d’héritiers connus ou existants. De quoi éviter l’appropriation des lieux par des squatteurs, ou de recouvrer rapidement d’éventuelles créances une fois la succession réglée devant notaire pour le compte des héritiers. Les charges dues à la copropriété sont alors inscrites au passif de la succession du défunt et récupérée par celle-ci après la liquidation de l’actif, notamment par la vente des biens immobiliers. (cf. Inf. Rap. Copr. n° 563, p. 44)


ENCADRE : Témoignage Marc Rumeau, président de Sitex, fabricant de systèmes de sécurité

Quels sont les risques à craindre avec des logements vacants, ou des locaux vides ?
Le premier risque est l’intrusion à des fins de vol, démontage, accaparement des biens contenus dans ces locaux vides comme les métaux, les résistances en cuivre dans les chauffe-eau, les radiateurs en fonte ou en aluminium… Sans oublier, bien sûr, l’occupation illégale des lieux. Si vous n’êtes pas prêt et protégé – étant entendu que toute protection n’est qu’un retardant – vous devrez faire face au viol de votre territoire privatif, avec ce que cela peut comporter de traumatismes ou conséquences financières.

En quoi la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires peut-elle être engagée ?
Si la propriété individuelle existe en France, cela n’empêche pas qu’un propriétaire soit condamné au civil, voire au pénal, s’il ne peut prouver qu’il a bien protégé ses locaux contre l’intrusion, et qu’un individu s’est blessé, électrocuté ou tué en y pénétrant. Selon la loi française, l’auteur de l’intrusion peut être poursuivi pour effraction, et le propriétaire pour mise en danger de la vie d’autrui par négligence. On peut noter qu’en Allemagne, par exemple, la réglementation est beaucoup plus stricte qu’en France. Un propriétaire risque quasiment la prison, s’il arrive quelque chose à une personne qui n’avait pas à rentrer chez lui. En revanche, les procédures d’expulsion ne durent que deux mois maximum, et si la police est contactée du fait de la présence d’un squatteur, elle a obligation de l’expulser. En France, c’est impossible, sauf dans les 48 premières heures du constat du squat.

Ce phénomène est-il courant et pose t-il véritablement problème ?
Le squat d’un ou plusieurs logements préfigure bien souvent deux ans de rodéo judiciaire. Il faut par ailleurs savoir que sur environ 100 000 jugements d’expulsions en France, 10 000, au mieux, sont effectivement exécutées avec l’aide la force publique. Cela vaut donc le coup de s’en protéger, d’autant plus que les squatteurs d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que ceux d’hier. Si certains d’entre eux, s’introduisent dans un logement pour éviter de se retrouver à la rue, il existe aujourd’hui du squat «dur», idéologique.
Le squat peut aussi être destiné à gagner de l’argent sur le dos de personnes précaires, voire à abriter des trafics. On passe alors dans un autre registre. La lutte contre cette catégorie de squat représente aujourd’hui 50 % de notre chiffre d’affaires. C’est ce qui se passe notamment dans les immeubles voués à la démolition.

Toutes les zones sont-elles concernées ?
Les beaux quartiers ne sont pas épargnés. Certains enfants qui ne s’étaient pas occupés tout de suite de l’appartement dont ils avaient hérité à la mort de leurs parents, se sont retrouvés avec des squatteurs quand ils ont voulu le récupérer. Se pose également le problème des biens en déshérence, où les héritiers ne sont pas connus ou ne peuvent s’acquitter des frais de successions. On se retrouve alors dans des situations très difficiles sans véritables possibilités de sortie.

Quelles solutions peuvent être mises en place ?
On peut protéger les locaux inoccupés avec des portes blindées spéciales, des panneaux métalliques anti intrusion. Idéalement, il faut doubler cette protection avec une alarme électronique et un système vidéo ou audio permettant une levée de doute en cas d’intrusion, ce qui oblige ainsi les forces de l’ordre à intervenir. Par ailleurs, une discipline collective et individuelle est indispensable. On ne prête pas les clés à n’importe qui, on ne donne pas le code de l’alarme.

Protection métalliques : quel coût prévoir ?
Le coût de la location est fonction de la durée et du nombre de protections posées. Pour un marché public en collectif, celui-ci peut aller de 80 à 150 euros par protection et par mois.