2. Seconde option : le report de la seule date de l’assemblée générale à l’issue des mesures de confinement.
Rappel : l’hypothèse est celle dans laquelle l’assemblée générale a été régulièrement convoquée avant le 12 mars mais n’a pu se tenir à raison de l’épidémie de Covid-19.
En lieu et place d’une seconde convocation, est-il envisageable de ne déplacer que la date et le lieu de l’assemblée générale en considérant qu’elle n’a pu se tenir par l’effet de la force majeure ? Autrement dit, l’épidémie du virus COVID-19 constitue-t-elle un cas de force majeure empêchant la tenue des assemblées générales convoquées antérieurement à ses manifestations ?
Pour répondre à cette interrogation il convient au premier chef de répondre à une question préalable : l’épidémie de Covid-19 constitue-t-elle un cas de force majeure au sens de l’article 1218 du Code civil ? (A). Puis, il conviendra d’en déduire les conséquences sur la tenue de l’assemblée générale au-delà des mesures de confinement (B).
A. L’épidémie de COVID-19 : cas de force majeure ?
Pour que l’épidémie de COVID-19 soit considérée comme un cas de force majeure, il faut :
- qu’elle réponde à la définition de l’article 1218 du Code civil ;
- qu’elle ait empêché l’assemblée générale de se tenir.
- L’épidémie de COVID-19 : cas de force majeure
Selon l’article 1218 du Code civil, « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ».
Il convient de déterminer si l’épidémie du virus COVID-19 empêche l’exécution par le syndic de ses obligations, particulièrement concernant la tenue d’une assemblée générale (pour la convocation en période d’épidémie du virus COVID-19, voir infra)
Il est acquis que l’épidémie actuelle était objectivement imprévisible à la date de conclusion du mandat de syndic et totalement extérieure aux parties au mandat de syndic.
Seule peut demeurer, a priori, une interrogation sur le caractère irrésistible de la pandémie : en cette période d’épidémie du virus COVID-19, le syndic peut-il tenir une assemblée générale conforme aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et à son décret d'application en prenant les mesures appropriées ?
Pour répondre à cette question, il convient d’additionner les dispositions prises par le gouvernement depuis le début de la crise pour déterminer si elles sont irrésistibles et particulièrement :
- Les textes réglementaires restreignant toute réunion et notamment l’arrêté du 14 mars 2020 (modifié puis abrogé et remplacé par le décret n° 2020-293 du 23 mars) portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 ayant pour objet notamment :
- La fermeture des lieux, accueillant du public, non indispensables à la vie de la Nation y compris, au titre de la catégorie L, les “Salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple sauf pour les salles d'audience des juridictions” (article 1 de l’arrêté puis article 8 du décret).
- L’interdiction des réunions de plus de 100 personnes (article 2 de l’arrêté puis article 7 du décret)
En conséquence, cette première vague de dispositions est de nature à empêcher de manière irrésistible la tenue des assemblées générales dont les convocations ne répondent pas aux nouvelles conditions (tenue prévue dans un établissement recevant du public faisant l’objet d’une fermeture administrative et/ou assemblée générale réunissant plus de 100 personnes présentes)
- Les textes réglementaires restreignant la faculté de se déplacer hors de son domicile et notamment les décrets des 16 mars et n° 2020-293 du 23 mars 2020.
Le dernier texte en vigueur, l’article 3 I du décret du 23 mars 2020 modifié, prévoit un principe d’interdiction de tout déplacement de personne “hors de son domicile” à l’exception d’un certain nombre de déplacements pour des motifs identifiés.
A priori, on pourrait penser que le 1° de l’article 3 I du décret du 23 mars 2020 qui permet les trajets entre le domicile et le ou les lieux d'exercice de l'activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d'être différés n’interdit pas la tenue d’une assemblée générale convoquée. En effet, en ce qu’il s’adresse au syndic, celui-ci semble pouvoir se rendre sur les lieux (par exemple l’immeuble en copropriété).
Mais, le motif “professionnel” ne concerne que le syndic professionnel et non les copropriétaires qui ne peuvent donc sortir de leur domicile pour se rendre à une assemblée générale de copropriété. Aucun motif valable de déplacement ne correspond à la tenue d’une assemblée générale de copropriété, à l’exception, de façon très exceptionnelle, des administrateurs de biens ou des gérants de société pour des lots à usage commercial ou de bureau
Encore pourrait-on s’interroger sur le point de savoir si une assemblée générale ne pourrait pas être tenue dans l’immeuble en copropriété. En tout état de cause l’article 3 I du décret du 23 mars 2020 dispose en outre que les déplacements pour les motifs autorisés doivent éviter “tout regroupement de personnes”.
Bien que la notion de « regroupement de personnes » ne soit pas définie, il n’en demeure pas moins qu’une assemblée générale en présentiel semble bien correspondre à cette définition : il s’agit d’un regroupement de personnes.
En conséquence, aux caractères imprévisible et extérieure de l’épidémie de Covid-19, semble bien pouvoir s’ajouter son caractère irrésistible pour le syndic de réunir effectivement une assemblée générale dans les termes de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d’application.
Au regard des éléments ci-dessus analysés, l’épidémie de COVD-19 peut avoir constitué un évènement de force majeure.
Pour qu’il soit pris en considération, l'événement de force majeure doit avoir empêché l’exécution de son (ou ses) obligation (s) par le syndic pour produire ses effets définis par l’article 1218, alinéa 2, du Code civil.
- L’événement de force majeure, l’épidémie de COVID-19 a-t-il empêché l'exécution par le syndic de ses obligations relatives à la tenue de l’assemblée générale ?
S’il est certain que le syndic a l’obligation de convoquer l’assemblée générale (article 7 du décret du 17 mars 1967), ni l’article 18 de la loi ni le décret ne créent à proprement parler d’obligations relatives à la tenue des assemblées générales. Tout au plus peut-on découvrir certaines missions qui, de facto, sont à la charge du syndic préalablement et au cours de l’assemblée générale.
Mais, précisément, ces missions prennent logiquement la forme d’obligations dans le contrat type de syndic professionnel. Il y est prévu que le syndic se charge de la tenue de l’assemblée générale (choix de la salle, préparation des documents, le plus souvent il assure le secrétariat) comme cela est précisé à l’article 7.1.2 du contrat type mentionnant la présence du syndic ou d’un préposé. L’obligation est également prévue au niveau de l’annexe au contrat de syndic au I 3° a, b, c.
In fine, il apparaît que le syndic a pu être empêché d’exécuter ses obligations contractuelles relatives à la tenue de l’assemblée générale, préalablement et régulièrement convoquée, par la survenance de l’épidémie de COVID-19, dès lors qu’il est établi que celle-ci peut réunir les caractères de la force majeure : un évènement imprévisible, extérieur et irrésistible.
B. La tenue de l’assemblée générale
En vertu de l’alinéa 2, de l’article 1218 du Code civil qui prévoit que : “si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 » , le cas de l’épidémie du COVID-19 constitue un empêchement temporaire qui conduit donc à suspendre l’exécution de l’obligation du syndic d’organiser la tenue de l’assemblée générale dans les termes et les conditions du contrat type de syndic professionnel.
Alors que l’assemblée générale a été convoquée, il n’a pu exécuter ses obligations relatives à la tenue de celle-ci.
Ces obligations sont donc suspendues tant que durera l'empêchement de force majeure, qui se caractérise pour l’essentiel désormais par les restrictions contenues dans le décret du 23 mars 2020 (art. 7 et 8) et qui devraient prendre fin le 11 mai 2020 (décret du 23 mars 2020, art. 7 et 8).
Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que le syndic pourra alors exécuter son obligation contractuelle de tenir l’assemblée générale, si l'événement de force majeure a bien cessé (il conviendra de s’assurer que tout empêchement à la tenue d’une réunion d’une assemblée générale aura cessé au jour où l’assemblée générale doit se tenir).
Pour ce faire, le syndic devra procéder à un certain nombre d’actes matériels (fixation d’une nouvelle date, éventuellement location d’une salle, etc…).
Néanmoins, et contrairement à la première situation où le choix a été fait de convoquer à nouveau (voir supra 1), il ne sera pas nécessaire ici de convoquer à nouveau les copropriétaires qui ont été régulièrement convoqués dans les termes du décret, un événement de force majeure, l’épidémie de COVID-19, ayant seulement suspendu la tenue de l’assemblée générale.
Mais, conformément à son obligation contractuelle relative à la tenue de l’assemblée générale, le syndic devra notifier aux copropriétaires le lieu, le date et l’heure de la tenue de l’assemblée générale, de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adresse de leur domicile. Il s’agit seulement d’un report de date de la réunion de l’assemblée générale antérieurement convoquée.
Conclusion du GRECCO sur la seconde option Cette solution, qui emprunte au droit commun des obligations, présente un avantage : s’agissant de la convocation de la même assemblée (dont la tenue a été simplement suspendue), il ne serait pas nécessaire de notifier à nouveau les documents de l’article 11 lors de l’information donnée aux copropriétaires de la date et du lieu de la tenue de l’assemblée générale. Il s’agit de la seule notification d’un report de date. Néanmoins, il n’est pas possible d’exclure totalement un risque de la requalification ultérieure par un juge de l’information sur la date, le lieu et l’heure de la tenue de l’assemblée générale envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception à chaque copropriétaire en “convocation” au sens du décret de 1967. Comme telle, ne respectant pas le formalisme de la convocation, elle serait irrégulière et emporterait la nullité de l’assemblée générale. |