La paie des employés est un des domaines les plus complexes de la gestion d’une copropriété et c’est aussi un sujet sensible pouvant entraîner des litiges, au point que beaucoup de syndics sous-traitent cette tâche à un cabinet comptable spécialisé. Mais cette solution n’est pas forcément à la portée de tous les syndics, en particulier des syndics bénévoles.
Un logiciel de paie généraliste permet de produire les documents réglementaires (bulletins de paie, attestations, registres, DSN) mais demande à être correctement configuré et mis à jour, en fonction des évolutions légales. Un module de paie spécialisé, intégré à un logiciel de gestion et de comptabilité de copropriété, a l'avantage d'être pré-configuré et mis à jour plus ou moins automatiquement.
Une alternative est le service TESE (Titre emploi service entreprise, ou l'équivalent Chèque emploi associatif pour les ASL), logiciel de paie généraliste simplifié mis à disposition gratuitement par l'URSSAF sur internet. Il permet via une simple déclaration mensuelle de générer l'édition du bulletin de paie, la déclaration des cotisations et leur transmission via DSN aux organismes concernés (URSSAF, retraite complémentaire, santé/prévoyance) et le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, et de les centraliser en un seul prélèvement mensuel. De plus, l'adhésion à ce service dispense de la DPAE (embauche) et de la DADS (déclaration annuelle). Mais là aussi, une attention particulière doit être portée à la configuration et à sa mise à jour en fonction des évolutions réglementaires. Le TESE est une option intéressante dans le cas d'un module de paie spécialisé n'intégrant pas la DSN.
Dans tous les cas, le syndic, et le conseil syndical qui contrôle sa gestion, doivent maîtriser les règles de rémunération des employés et être vigilants sur leur application, en particulier dans le paramétrage du logiciel de paie et/ou du TESE. L'objet de cet article est de présenter à ces différents acteurs, une synthèse des informations réglementaires requises pour exercer ce contrôle.
Préambule
Rappelons en préambule que les employés d'un syndicat des copropriétaires (ou d'une ASL) sont soumis à la Convention collective nationale (CCN) des gardiens, concierges et employés d'immeuble (IDCC n° 1043), sauf s'ils dépendent d'une autre CCN (ce qui est très rare). L'article 18 de la CCN définit deux catégories de salariés :
- catégorie A : régime de droit commun, défini dans un cadre horaire (151,67 heures mensuelles représentant un temps complet)
- catégorie B : régime dérogatoire défini par les articles L. 7211-1 et suivants du Code du travail, excluant toute référence à un horaire de travail, leur taux d'emploi étant déterminé par l'application du barème d'évaluation des tâches en unités de valeur (UV) constituant l'annexe I de la CCN. Ces salariés sont obligatoirement logés par l'employeur.
Pour tout contrat de travail, est établie une classification du poste selon 6 critères (cf. art. 21 de la CCN), qui permet d'obtenir un coefficient hiérarchique “coef” utilisé dans le calcul du salaire minimum conventionnel. Tous les contrats de travail ont dû être mis à jour par avenant au plus tard le 1er juin 2017 pour prendre en compte cette nouvelle classification des postes [Lire Gardiens, concierges : la nouvelle classification, avenant n° 86 du 12 février 2015, IRC, n° 621, sept. 2016.
La CCN est mise à jour régulièrement par des avenants, en particulier sur la grille de salaires. Le dernier avenant "salaires" n° 95 est entré en vigueur le 1er janvier 2019. A noter : certains avenants départementaux (06, 44, 69) peuvent avoir une influence sur la rémunération.
1- Éléments de rémunération brute
Bulletin de paie mensuel
Le bulletin de paie peut être divisé en 3 grandes rubriques (voir ci-contre)
La prise en compte des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) pose une difficulté car, en général, ces indemnités ne sont pas versées dans le mois auquel elle se rapportent, contrairement au maintien de salaire brut, d'où la nécessité de les estimer dans le mois concerné par l'arrêt de travail ou de re-générer le bulletin de paie de ce mois a posteriori lors de la réception des IJSS...
En fin de contrat s'ajoutent, selon les cas : indemnité légale de fin de CDD, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de départ à la retraite, et éventuellement indemnité conventionnelle de remplacement de courte durée (moins de deux mois).
2- Cotisations
Les cotisations salariales (part employé) sont déduites du salaire brut pour établir le salaire net. Les cotisations patronales (part employeur) figurent pour information sur le bulletin de paie. L'employeur verse aux organismes sociaux la somme de ces cotisations.
La CCN impose des calculs particuliers différents du régime général :
- répartition spécifique employé/employeur pour la cotisation retraite complémentaire ;
- accord spécifique de branche pour les cotisations complémentaires santé/prévoyance ;
- cotisation accident du travail (selon code risque 703CB) ;
- taux particuliers en Alsace-Moselle pour les cotisations maladie, accident du travail et santé/prévoyance ;
- exonération des cotisations AGS.
A noter : pour les employés de catégorie B, le nombre d’UV au-delà de 10 000 est considéré comme des heures supplémentaires (rapporté à 151,67 h pour 10 000 UV) dans le calcul de la déduction forfaitaire des cotisations patronales (1,50 € par heure), de la réduction des charges salariales et de l’exonération d’impôt.
L'accord de branche du 6 juin 2013 prévoit que les cotisations complémentaires santé/prévoyance obligatoires sont réparties à 50 % entre employé et employeur. Toutefois, l'employeur peut décider de prendre en charge une part plus importante (voire 100 %), auquel cas il faut bien vérifier cette répartition dans la configuration des taux de cotisation, et son impact sur le calcul de la CSG (dont l'assiette inclut la part patronale des cotisations complémentaires santé/prévoyance obligatoires !) et sur le net imposable (qui inclut la part patronale de la cotisation complémentaire santé).
3- Éléments impactant le salaire net
Les avantages en nature (AN) logement et accessoires (cf. art. 23 de la CCN) sont déduits du salaire net.
A noter : pour les employés de catégorie A, ils ont été ajoutés au salaire brut (voir rubrique 1 ci-dessus), mais pour les employés de catégorie B, ils sont inclus forfaitairement dans le salaire minimum conventionnel.
L'AN logement est forfaitaire et dépend de la catégorie de la loge (1, 2 ou 3 selon la présence d'une ouverture, de chauffage, WC et/ou d'une salle d'eau) et de la surface du logement. Le barème est réévalué chaque année au 1er janvier selon l'évolution annuelle de l'indice de révision des loyers du 4e trimestre. Au 1er janvier 2019, le barème est le suivant : 3,181 €/m² pour cat. 1 ; 2,511 €/m² pour cat. 2 ; 1,854 €/m² pour cat. 3 ; avec un minimum de 72,40 € et un plafonnement à 60 m².
Les AN accessoires concernent l'électricité, le gaz, le chauffage et l'eau chaude, dans le cas où l'employé ne prend pas directement à sa charge ces contrats de fourniture et en l'absence de compteurs individuels permettant la refacturation. Le montant de ces AN est calculé forfaitairement sur la base d'un prix unitaire du kWh fixé par avenant de la CCN (0,1491 € depuis le 1er juin 2017), ce qui donne :
- électricité (55 kWh), soit 8,20 € ;
- gaz (92 kWh), soit 13,72 € ;
- chauffage (120 kWh), soit 17,89 € ;
- eau chaude (98 kWh), soit 14,61 €.
A noter : lorsque le logement est partagé par un couple d’employés et que les AN figurent dans le contrat de chacun, les montants calculés doivent être divisés par deux.
Le montant des AN conventionnels défini ci-dessus doit être comparé au minimum forfaitaire défini par l'URSSAF (fonction du salaire brut et du nombre de pièces principales, avec abattement de 30 % pour un employé de catégorie B logé par nécessité de service), et s'il est inférieur, le complément doit apparaître sur une ligne spécifique dans les éléments de rémunération brute (rubrique 1) et dans les avantages en nature déduits du salaire net (rubrique 3). Cette situation est fréquente en décembre (à cause de l'augmentation du salaire brut due au 13e mois) et pendant les congés payés (du fait que les AN conventionnels ne sont pas comptabilisés dans cette période).
D'autres éléments peuvent être déduits du salaire net (ou ajoutés), selon le contrat de travail. Exemples : transport domicile-travail (50% de l'abonnement aux transports collectifs ou participation aux frais de transport personnel), remboursement de la taxe d'habitation (départements 06, 44 et 69).
En cas d'arrêt de travail, il faut également porter les IJSS nettes versées par la CPAM (la subrogation de l'employeur est rendue obligatoire par la CCN).
En fin de contrat, peut s'ajouter selon les cas une indemnité non soumise à cotisations pour mise à la retraite, licenciement ou rupture conventionnel.
Enfin ,depuis le 1er janvier 2019, le bulletin de paie fait apparaître le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui comptablement fait partie du salaire net mais n'est pas payé à l'employé (c'est le cas également d'une saisie sur salaire).
Les contrôles liés à la gestion du personnel
La gestion du personnel ne se limite pas à la paie. Comme tout employeur, il faut respecter les formalités d'embauche et de fin de contrat, la tenue des registres obligatoires (registre unique du personnel, document unique d'évaluation des risques), les visites médicales, les entretiens professionnels...
La gestion des congés payés demande une attention importante pour tenir compte des particularités de la CCN : nombre de jours acquis par mois (en tenant compte de l'ancienneté, des enfants à charge, du fractionnement des congés pris, des absences...), congés pour événements exceptionnels, journée de solidarité, report ou non des congés non pris au 31 mai, etc.
La gestion des arrêts de travail est également complexe : déclarations, taux et durée du maintien de salaire, subrogation des IJSS, indemnités de prévoyance, etc.
Il ne faut pas non plus oublier les cotisations annuelles dues par l'employeur au titre de la médecine du travail, de la formation professionnelle et éventuellement de la taxe sur salaires.
Enfin, il faut s'assurer que les salaires et cotisations sont bien reportés du logiciel de paie dans la comptabilité, en appliquant les règles de répartition des charges propres à la copropriété (par exemple une affectation en charges spéciales par bâtiment) ainsi que le calcul des charges récupérables (40 %, 75 % ou 100 % selon les cas).
Ce qu’il faut retenir
La gestion des employés apporte une complexité importante à la gestion d'une copropriété et impose au syndic une vigilance accrue sur :
- la configuration du logiciel de paie ;
- l'établissement des contrats de travail ;
- la prise en compte des événements de chaque mois (congés pris, arrêts de travail et autre absences, heures supplémentaires/complémentaires...) ;
- les évolutions réglementaires (avenants CCN et Code du travail, barèmes annuels).
A ce sujet, prochaine étape : l'avenant n° 98 prévoit une révision de la formule de calcul du salaire minimum, une modification du prix de base du kWh et une prime exceptionnelle. A appliquer dès le mois suivant la parution au J.O. de l'arrêté d'extension... Evolution dont il sera fait mention dans notre page mensuelle consacrée aux indices.