[N° 608] - Compteurs : Mesurer pour économiser

par Paul TURENNE
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Index de l'article

Quarante millions de répartiteurs de chauffages à installer potentiellement, 35 millions de compteurs électriques d’ores et déjà en fonctionnement dans toute la France... La comptabilisation des consommations représente un enjeu majeur dans l’habitat collectif. Le point sur les obligations légales en matière de comptage des fluides et de l’énergie en copropriété. © Crédit Sensus

 


“Répartiteurs” de frais de chauffage : une obligation sous conditions d'ici 2017

Disposant d'une autonomie élevée d'environ dix années en général, les répartiteurs de frais de chauffage ne sont, ni plus ni moins, que des mini compteurs électroniques qui se fixent sur les radiateurs pour mesurer le nombre de calories consommées. Disposant de deux sondes électroniques – l'une mesurant la température de sur- face du radiateur et l'autre la tempéra- ture ambiante de la pièce – ils calculent la consommation finale en intégrant la différence de température entre les deux sondes dans le temps et en prenant en compte la puissance thermique du radiateur.

L'arrêté du 27 août 2012, relatif à la répartition des frais de chauffage dans les immeubles collectifs à usage princi- pal d'habitation, prévoit que l'ensemble de ces immeubles auront l’obligation d’être équipés, au plus tard le 31 mars 2017, d'un système permettant d'indivi- dualiser les frais de chauffage collectif. Plusieurs conditions doivent cependant être réunies pour que cette obligation s'applique. Le permis de construire de l'immeuble doit être antérieur au 2 juin 2001 ; le mesurage individuel ainsi que la pose d'un appareil de mesure doivent s'avé- rer techniquement possibles ; enfin, les occupants doivent être en capacité de régler individuellement le chauffage de leur logement.

L’obligation d’installer des répartiteurs de frais de chauffage ne s'applique éga- lement qu'à partir d'un certain seuil de
consommation énergétique, afin que le potentiel d’économies d’énergie soit suffisamment important pour que la mesure soit économiquement rentable. Ainsi, les immeubles dont plus de 20 % des radiateurs sont équipés de robinets thermostatiques doivent avoir une consommation d’énergie finale moyenne supérieure à 150 kWh/m2 par an pour être soumis à l’obligation d’individualiser les frais de chauffage. Ceux non équipés de robinets thermos- tatiques - ce qui limite le potentiel d'éco- nomies - doivent en revanche consom- mer plus de 190 kWh/m2 par an d’énergie finale pour y être soumis et installer des appareils permettant de réguler la quantité de chaleur émise dans les logements. Au final, le nombre de répartiteurs à ins- taller est estimé à près de 40 millions en France.

A savoir :
les facteurs de conversion à utiliser pour convertir les unités de consommation en kWh selon l’énergie utilisée sont précisés en annexe de l’arrêté du 27 août 2012.
1ldefioul=10,67kWh 1m3defioul=1067kWh
1 tonne vapeur = 697 kWh
Pour le gaz, se reporter aux kWh indi- qués sur les factures (réels et non estimés)


Des économies réelles mais limitées

Si l’Agence parisienne du climat (APC) estime ainsi que les répartiteurs peuvent être la source de 5 à 15 % d'économies pour l’ensemble d’un immeuble, d'aucuns, dont des associations de consommateurs, se montrent plus sceptiques. Car la part collective de la facture n'est pas négligeable : outre la part fixe abonnement de la facture, il faut intégrer la maintenance de la chaufferie, la consommation d'énergie pour chauffer les parties communes - forfaitisée à 30 % de l’énergie consommée dans l’immeuble - mais aussi celle servant au chauffage de l’eau chaude lorsque celle-ci est produite par la même chaufferie collective.

L'association des responsables de copropriété (ARC) pointe, par ailleurs, les risques d'inégalités dans les immeubles les plus anciens. En effet, les occupants des appartements mal orientés (au-dessus d'un parking, à côté d'un logement vide...), ou mal situés (plein nord) payeront davantage que leurs voisins mieux lotis ; par exemple, ceux situés entre deux appartements chauffés pratiquant involontairement du “vol de calories”.


Des coefficients de pondération pour plus d'équité

L'application de coefficients correcteurs dans les calculs des consommations individuelles permet de compenser, en partie, ces surcoûts pour les logements mal orientés ou mal situés dans l’immeuble.
Ces coefficients dits de pondération, s'ils n'ont rien d'obligatoire, sont recommandés par l'article R. 131-7 – II du Code de la construction. Leur intégration ne peut toutefois se faire que par le prestataire qui loue les répartiteurs. Un travail qui peut se révéler relativement fastidieux, car l’entreprise doit relever l'ensemble des puissances des radiateurs, avant la pose des répartiteurs. Ces puissances notées sur un index avec la nouvelle grille de répartition seront ensuite remises au conseil syndical et au syndic, afin qu'ils puissent s’assurer que le système est cor- rectement mis en place.
Cette nouvelle grille de répartition devra être votée en assemblée générale à la majorité de l’article 25, cette résolution étant une conséquence de celle relative à la décision de poser des répartiteurs, également prise à cette majorité. Un affichage clair des critères ayant justifié l’utilisation des coefficients de pondération ne pourra également que limiter les risques de contestation. Ces coefficients peuvent, par ailleurs, être appliqués à des immeubles entiers, dans le cas de figure où une même chaufferie dessert plusieurs bâtiments ayant des caractéristiques thermiques différentes.
© crédit DR


Compteurs communicants : un marché qui se développe

Capables de recevoir et d’envoyer des données sans intervention humaine pour la mesure et la gestion des flux, les compteurs communicants permettent de suivre en temps réel la consommation énergétique d’un bâtiment.
Tenant compte de l’ensemble des flux gérés dans le bâtiment (électricité, gaz, eau...) dans le cadre d’une approche globale, le comptage intelligent s’appuie, lui, sur la mise en réseau de fonctions clés liées au bâti (ventilation, chauf- fage, fluides, etc.), par la mise en place de capteurs, actionneurs et logiciels.
L’un des avantages majeurs de ces compteurs innovants réside dans la maîtrise de la dépense énergétique avec l’établissement de factures sur la base des consommations réelles et non estimées. De nouvelles offres et de nouveaux services devraient, par ailleurs, être amenés à se développer par le biais des grands énergéticiens, permettant par exemple d’échelonner la consommation. Le comptage intelligent peut également être un outil de contrôle permettant une meilleure maîtrise des flux et donc une limitation des pertes et des pannes de réseau. 
© Crédit DR

L’habitat social également concerné par le comptage individuel de l’eau et du chauffage

Si le décret du 23 avril 2012 imposait déjà le déploiement de compteurs individuels pour le chauffage dans tous les immeubles collectifs d’ici fin 2017, la loi sur la transition énergétique va plus loin, avec l’adoption de l’article 6 ter. Précisant les cas autorisés de dérogation à l’obligation de mise en place de compteurs indivi- duels de consommation d’eau et de chauffage dans les immeubles, celui-ci trans- pose certaines dispositions de la directive européenne de 2012 relative à l’effica- cité énergétique (2012/27/UE). Pour rappel, la directive prévoit que «lorsqu’un bâtiment est alimenté en chaleur et en froid ou en eau chaude par un réseau de chaleur ou par une installation centrale desservant plusieurs bâtiments, un compteur de chaleur ou d’eau chaude est installé sur l’échangeur de chaleur ou au point de livraison.»
La commission des affaires économiques du Sénat avait, fin janvier, exclu les loge- ments sociaux de cette obligation. Une modification finalement rejetée par les sénateurs en séance plénière, le 13 février dernier. Le gouvernement estime le coût de cette mesure pour l’habitat social entre 19 et 32 millions d’euros par an, avec une économie annuelle sur les factures au moins égal à ce surcoût.