• La suppression du droit de vote d’un copropriétaire dans l’intérêt économique du syndicat
La loi ALUR du 24 mars 2014 est venue ajouter à l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 relatif à l’action en référé du syndicat des copropriétaires un dernier alinéa : « si l’assemblée générale vote pour autoriser le syndic à agir en Justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d‘un lot d’un copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat la voix de ce copropriétaire n’est pas pris en compte dans le décompte de la majorité et ce copropriétaire ne peut recevoir mandat pour représenter un autre copropriétaire en application de l’article 22. »
L’objectif louable du législateur est de faciliter la prise de décision pour autoriser le syndic à agir en vue de procéder à la saisie-immobilière du lot du copropriétaire débiteur, afin de sauvegarder l’équilibre financier de la copropriété en facilitant la procédure d’exécution des jugements pris à son encontre.
Pour autant, cette véritable déchéance du droit de vote est un évènement majeur dans le droit de la copropriété, dans le sens où il prive le copropriétaire de son droit de vote sous forme de sanction du fait de ne pas payer les charges de copropriété.
Il s’agit d’une sanction automatique alors que la déchéance du droit de vote est, en principe, une sanction laissée à l’appréciation d’un magistrat, notamment dans le cadre de la privation des droits civiques en matière pénale.
D’aucuns pourront d’ailleurs s’étonner que ce mécanisme de retrait du droit de vote n’ait pas fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel suite au vote de la loi ALUR alors qu’il emporte une véritable privation du droit fondamental d’un copropriétaire. Sans doute, une question prioritaire de constitutionnalité pourrait être déposée à ce sujet.
En tout état de cause, ce mécanisme n’aura d’incidence importante que dans les petites copropriétés où lorsque le syndicat des copropriétaires souffre d’un abstentionnisme très important. Rappelons, en effet, que l’autorisation de saisie sur vente immobilière est votée à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, sur la base des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.
La loi prévoit de ne pas prendre en compte la voix du copropriétaire défaillant mais ne précise pas si elle le prive de son droit de contestation de la résolution autorisant la vente sur saisie immobilière de son lot.
• La suspension du droit de vote pour redresser le syndicat
L’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que dans le cas où l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble, le juge peut désigner un administrateur provisoire du syndicat.
A l’alinéa 2, il est prévu que le juge confie à cet administrateur provisoire tous les pouvoirs du syndic dont le mandat cesse de plein droit sans indemnité et tout ou partie des pouvoirs de l’assemblée générale des copropriétaires à l’exception de ceux prévus aux a) et b) de l’article 26.
Il en résulte une suspension des pouvoirs décisionnels de tous les copropriétaires sur toutes les décisions prises pour le syndicat, exceptées les décisions relevant de l’article 26 a) et b) de la loi du 10 juillet 1965, privant quasiment totalement les copropriétaires de leur droit de vote pendant le temps de la procédure de difficulté prévue par l’article 29-1 de la loi, dont la durée sera d’au moins douze mois.
Compte-tenu des pouvoirs conférés à l’administrateur provisoire dans ce cas, le copropriétaire se retrouve privé de l’exercice de son droit de vote.
Il est à noter que la loi ALUR du 24 mars 2014 fait désormais obligation au copropriétaire vendeur d’informer le potentiel acquéreur de son lot de l’existence d’une procédure dès l’annonce de la vente : article L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation.
Le copropriétaire subit alors une suspension de son droit de vote, outre une dévaluation certaine de la valeur vénale de son lot sur le marché immobilier.
Sans doute, faut-il que les copropriétaires aient une clairvoyance suffisante pour envisager les conséquences potentielles d’une situation de difficultés économiques afin éviter d’en arriver à une privation de leurs droits, même temporaire, ce d’autant plus que la suppression du compte bancaire ou postal séparé placent désormais la copropriété dans une situation d’autonomie totale qui, si elle a le mérite incontestable d’une plus grande transparence, la livre à elle-même face à son banquier et ses créanciers en cas d’insuffisance de trésorerie.
14- CA Paris 23e Ch. B, 4 septembre 2008, Adm. mai 2009, p. 49, obs J.-R. Bouyeure.
15- Cass. 3e civ., 21 juin 2006, Bull. civ III, n° 160.
16- Cass. 3e civ. 6 juillet 1982, Adm. avril 1983, p. 39, note Guillot ; Cass. 3e civ. 9 décembre 1986, Gaz. Pal. 7 avril 1987, pan. n° 11.
17- Cass. 2e civ. 2 juillet 2008, n° 07-14619.
18- Cass. 3e civ. 7 octobre 2009, n° 08-17798.
19- CA Paris 23e Ch. B, 7 octobre 2009, Loyers et copr. 2010, comm. 143, Obs. Vigneron.
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