Si l’objectif de neutralité carbone en 2050 fixé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissante verte (TECV) n’avait pas encore alerté les syndicats des copropriétaires sur la nécessité d’entreprendre une rénovation énergétique performante et globale de leurs immeubles, la guerre en Ukraine et les hausses des prix des carburants devraient les amener à réfléchir sérieusement à la rénovation thermique des bâtiments et à la réduction de leur consommation d’énergie.
D’autant que la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, enfonce le clou. Sauf exception, un mauvais score énergétique sera sanctionné par l’interdiction d’augmentation et d’indexation du loyer dès 2022 et, d’ici à 2028 (2033 pour les copropriétés confrontées à des difficultés spécifiques), par la proscription de la mise en location des logements classés F et G (art. L. 173-2, Code de la construction et de l’habitation).
Des opérateurs peuvent aider les copropriétaires et leurs conseils syndicaux à prendre leurs décisions techniques mais ceux-ci peuvent utilement se poser quelques questions avant de se lancer.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 679 de juin 2022
Chiffres
Le chauffage représente en moyenne 59 % de la consommation totale d’énergie dans l’habitat (SDES, Bilan énergétique de la France, 2021). Les copropriétés représentent 28 % du parc immobilier français (Crédit foncier, 2018).
Quel est l’intérêt d’une isolation thermique par l’extérieur ?
La perte de chaleur résultant de la mauvaise isolation thermique des murs et des toitures est variable en pourcentage selon le vecteur d’échappement, jusqu’à 30 % par la toiture, 20 % par les murs extérieurs et 15 % par les fenêtres. Elle se traduit par des coûts élevés sur la facture d’énergie. Sans même parler des effets positifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) permet de pallier ces déperditions calorifiques et de réduire la consommation de chauffage dans l’immeuble en copropriété. De plus, elle limite les ponts thermiques et assure l’étanchéité des façades contre les infiltrations d’air. Ces travaux d’isolation par l’extérieur d’un immeuble ne nécessitent pas d’intervention dans les logements occupés. Avec une façade d’immeuble ravalée et l’amélioration du confort des occupants, les copropriétaires bénéficient d’une revalorisation patrimoniale de leur bien.
Par quoi commencer ?
Il n’est pas inutile d’analyser la performance énergétique de la copropriété telle qu’elle figure dans les documents obligatoires, à savoir :
- dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif, qui atteste et évalue l’efficacité énergétique de la copropriété (art. L. 126-31, CCH), et fournit son classement énergie et climat - A (le meilleur) à G (le moins bon) - ainsi que des recommandations de travaux. Pour les copropriétés dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013, ce document est rendu obligatoire par la loi Climat et résilience à partir de 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots, de 2025 (entre 50 et 200 lots), de 2026 (moins de 50 lots) et de 2028 pour les copropriétés ultra-marines.
Il est renouvelé ou mis à jour tous les dix ans sauf si un diagnostic réalisé après le 1er juillet 2021 montre que le bâtiment est classé A, B ou C ;
- dans le diagnostic technique global (DTG), obligatoire depuis 2017 lors de la mise en copropriété d’un immeuble, puis tous les dix ans (art. L.731-1, CCH). Pour mémoire, il comprend notamment un état des lieux des obligations légales et réglementaires relatives à la construction et à l’habitation, un bilan énergétique de l’immeuble et l’évaluation sommaire du coût et de la liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble pour les dix années suivantes.
Le syndicat des copropriétaires est renseigné sur les sommes disponibles pour réaliser les travaux d’amélioration énergétique en consultant le solde du fonds de travaux mis en place par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).
Si ces obligations n’ont pas été respectées, il est temps de demander au syndic d’en prévoir les résolutions à proposer au vote de la prochaine assemblée générale. La décision de réaliser le DPE ou le DGT est prise à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965).
Qu’est-ce qu’une rénovation énergétique performante et globale ?
La rénovation énergétique est performante quand elle permet d’atteindre la classe A ou B du DPE et prévoit l’étude de travaux pour l’isolation des murs, des planchers bas et de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées (art. L. 111-1, CCH). Par exception, compte tenu de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales, ou de coûts excédant 50 % de la valeur vénale du bien, la rénovation est performante si elle fait gagner au moins deux classes du DPE, par exemple en passant de E à C. Pour les bâtiments de classe F ou G avant travaux, la rénovation est performante lorsqu’ils atteignent au moins la classe C après travaux (art. R. 112-18, CCH). La rénovation énergétique performante est globale lorsqu’elle est réalisée dans un délai maximal de vingt-quatre mois lorsque le bâtiment comprend au plus cinquante logements et de trente-six mois lorsqu’il comprend plus de cinquante logements. Ce délai court à compter de la date du premier ordre de service délivré pour le démarrage des travaux de rénovation (art. R. 112-19, CCH).
Comment obtenir le vote de l’assemblée générale pour la rénovation énergétique de la copropriété ?
Sauf exception, la décision de procéder à une ITE est votée à la majorité des voix de tous les copropriétaires (majorité absolue) et, si le projet recueille au moins le tiers de ces voix, à la majorité simple dans le cadre d’un second scrutin immédiat (art. 25, 25-1, loi du 10 juillet 1965). Ce vote peut être facilité en informant les copropriétaires, occupants ou bailleurs, de l’existence d’aides publiques versées indépendamment de leurs situations individuelles qui limitent leur engagement financier.
L’aide collective et unique, MaPrimeRénov’ Copropriétés, est versée au syndicat de copropriétaires, si la copropriété, construite il y a plus de quinze ans et immatriculée au registre national des copropriétés, comprend au moins 75 % de résidences principales. Un gain de performance énergétique d’au moins 35 % par rapport à la situation avant travaux doit être réalisé.
Sous ces conditions, la copropriété reçoit :
- une aide socle de 25 % du montant des travaux, plafonnée à 15 000 euros de travaux par logement ;
- un bonus «sortie de passoire énergétique F ou G», de 500 euros par logement ;
- un bonus bâtiment basse consommation (BBC) en cas d’atteinte de l’étiquette A ou B, de 500 € par logement.
Les copropriétaires aux ressources modestes ou très modestes encaissent en complément 750 ou 1 500 euros par logement selon leur situation financière. Les copropriétés fragiles caractérisées par un taux d’impayé supérieur à 8 % et/ou située dans un quartier de rénovation urbaine, perçoivent 3 000 euros supplémentaires par logement.
Le syndic de copropriété peut souscrire un Eco-PTZ Copropriétés pour le compte du syndicat des copropriétaires. Ce prêt sans intérêt finance en partie les travaux d’économies d’énergie réalisés sur les parties communes de la copropriété achevée depuis plus de deux ans ou, sur les parties privatives s’il s’agit de travaux d’intérêt collectif. Son montant est plafonné à 30 000 euros par logement. Un copropriétaire peut demander à titre personnel un Eco-PTZ pour financer d’autres travaux que ceux réalisés par la copropriété dans la limite de ce plafond.
Que faire si l’immeuble de la copropriété présente un mur pignon ou une façade en limite de propriété du fonds voisin ?
Lorsque le débord du matériau isolant et de son revêtement s’effectue sur la voie publique, les plans locaux d’urbanisme peuvent avoir prévu la manière de traiter ce cas.
S’agissant d’un surplomb sur une propriété privée, la loi Climat et résilience a introduit dans le CCH un droit de surplomb du fonds voisin au bénéfice du propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à une ITE (art. L. 113-5-1, CCH). La copropriété négociera avec le voisin les modalités de mise en œuvre de ce droit, notamment les clauses financières de l’accord, qui doit être constaté par acte authentique ou décision de justice en vue de sa publication au fichier immobilier. Trois conditions limitent toutefois largement l’exercice de ce droit, ce qui peut amener à réfléchir à une autre solution technique d’isolation thermique :
- aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou cette autre solution est excessivement complexe ou onéreuse ;
- le surplomb doit être au maximum de 35 cm ;
- l’ouvrage d’isolation doit débuter à 2 mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires sur une hauteur inférieure.
Pour mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux d’ITE, la copropriété bénéficie d’une servitude de tour d’échelle, dont les conditions de mise en œuvre sont contractualisées. L’accès temporaire à l’immeuble voisin est soumis à indemnisation de son propriétaire.
La copropriété représentée par son syndic doit, avant tout travaux, respecter une procédure d’information en notifiant son intention de réaliser un ouvrage d’isolation en surplomb et la nécessité d’accéder à sa propriété au propriétaire voisin. En cas de motif sérieux et légitime ou d’atteinte durable ou excessive à son fonds, celui-ci peut s’opposer au projet ou refuser la mise en place des installations provisoires dans les six mois. Il peut saisir le juge pour fixer le montant de l’indemnité à l’exercice de ces droits.
Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur après la parution d’un décret qui en précisera les modalités.
Comment obliger un copropriétaire à changer ses fenêtres ?
Pour compléter l’ITE, le changement de fenêtres et, le cas échéant, l’installation de volets peuvent apporter une meilleure performance énergétique. Considéré, la plupart du temps, comme des travaux de parties privatives, un changement collectif peut être décidé en assemblée générale, au titre des «travaux d’intérêt collectif sur les parties privatives».
Ces travaux, dont le coût est supporté par chaque copropriétaire, sont votés à la majorité absolue et, si le projet recueille au moins le tiers des voix, à la majorité simple dans le cadre d’un second vote immédiat (art. 25, 25-1, loi du 10 juillet 1965). Ainsi décidé, le changement de fenêtres s’applique à tous les copropriétaires, même ceux qui ont voté contre, à l’exception des copropriétaires ayant réalisé des travaux de nature équivalente depuis moins de dix ans. Chaque copropriétaire devra y procéder dans un délai raisonnable. L’aide MaPrimeRénov’ Copropriétés est mobilisable pour ces travaux indépendamment des aides MaPrimeRénov’ accordées à titre individuel.
Quelles sont les conséquences de travaux de rénovation simple ?
La loi TECV a créé une obligation de réalisation de travaux d’isolation thermique à l’occasion du ravalement ou de la réfection de toiture sur des bâtiments existants à usage d’habitation (art. L. 173-1, CCH). Ces travaux d’isolation thermique embarqués sont obligatoires en cas de :
- réfection de l’enduit existant, remplacement d’un parement existant ou mise en place d’un nouveau parement sur une façade ou un mur constitué à plus de 50 %, hors ouvertures, de terre cuite, de béton, de ciment ou de métal et portant sur des parois de locaux chauffés donnant sur l’extérieur (art. R.173-4, CCH),
- remplacement ou recouvrement d’au moins 50 % de l’ensemble de la couverture, hors ouvertures (art. R. 173-5, CCH). Les travaux d’isolation thermique doivent porter soit sur la toiture, soit sur le plancher haut du dernier niveau occupé ou chauffé.
Toutefois, il est possible de déroger à cette obligation (art. R. 173-6, CCH) en cas de :
- risque technique avéré de pathologie du bâti ;
- non-conformité des travaux d’isolation à certaines dispositions législatives et règlementaires relatives au droit des sols, au droit de propriété ou à l’aspect des façades et à leur implantation ;
- modifications générées par les travaux d’isolation sur des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction dans des secteurs protégés ou sauvegardés ;
- de bâtiment labellisé «intérêt architectural ou technique» ;
- de disproportion manifeste entre le bénéfice de l’isolation et le coût des travaux ;
- de dégradation de la qualité architecturale d’un bâtiment.
Sauf risque de pathologie du bâti, les travaux d’aménagement de combles, d’un garage ou d’une pièce non habitable d’au moins 5 m2, non enterrée ou semi-enterrée, en vue de les rendre habitables donnent également lieu à des travaux d’isolation thermique des parois opaques donnant sur l’extérieur (art. R. 173-8,CCH).
Rendus obligatoires par voie réglementaire, ces travaux sont décidés à la majorité simple.