La première échéance de mise en conformité de la sécurité des ascenseurs approche à grands pas. Le point sur les obligations légales et les conséquences pour les copropriétés.
Paul TURENNE
La chose est désormais entendue : il n’y aura pas de report des dates butoirs de mise en conformité des ascenseurs. Le décret d’application de la loi Boutin votée en mars dernier prévoyait pourtant le report de ces travaux jusqu’en 2018 et 2021. Il ne paraîtra finalement pas. La première tranche dite d’« obligations renforcées » concernant le verrouillage des portes et la protection devra donc bien être réalisée avant le 31 décembre 2010. Quant aux deux autres tranches de mesures techniques, leurs dates butoirs restent respectivement en 2013 et 2018, comme le prévoyait initialement la loi de mise en sécurité des ascenseurs du 2 juillet 2003. Raison invoquée par Benoist Apparu, secrétaire d’Etat chargé du logement et de l’urbanisme, pour expliquer ce retournement ?
94 % des appareils gérés par les syndics seraient mis en conformité dans les temps impartis, selon une étude commandée par le ministère. Un « déni démocratique » pour Bruno Dhont, responsable de l’Association des responsables de copropriété (ARC) qui conteste les résultats de cette étude et avance deux arguments. D’une part, sur un échantillon représentatif de 1 400 syndics, seulement 16 % des cabinets y ont répondu. D’autre part, 20 % des réponses émanent de petits cabinets, alors qu’ils représentent 80 % de l’échantillon, tandis qu’à l’inverse, les réponses des gros cabinets sont sur-représentées. Le taux de 94 % s’expliquerait donc par le fait que les plus gros syndics ont pu plus facilement s’organiser pour permettre le respect des échéances, ce qui fausse les résultats de l’étude.
Plus que quatorze mois
Reste que les conséquences de cette décision pour les copropriétés devraient être importantes, notamment d’un point de vue financier. Car pour arriver à tenir les délais, les ascensoristes incitent les copropriétaires à réaliser en même temps la première et la deuxième tranche des travaux. Un coût qui peut représenter jusqu’à 6000 euros à débourser en une seule fois pour un copropriétaire situé au dernier étage et payant donc le maximum, selon Bruno Dhont, pour qui cette stricte application du calendrier risque également de « provoquer un formidable embouteillage supplémentaire des travaux ».
Le son de cloche est bien sûr différent du côté de la Fédération des ascenseurs (FA). Le syndicat professionnel des ascensoristes qui représente 90% du secteur et regroupe plus de 100 entreprises, s’estime « prête, à mener les travaux dans les délais », moyens humains à l’appui. Et la FA de rappeler aux copropriétaires qu’il ne leur reste plus que quatorze mois pour réaliser les travaux de la première tranche. En clair, cela signifie que les copropriétaires ne peuvent se permettre de ne pas engager les commandes avant la fin de cette année, voire le début de l’année 2010. Le délai moyen entre la commande et la fin d’exécution étant, en effet, de 8 mois en moyenne, ces décisions doivent donc être mises à l’ordre du jour de la prochaine réunion de conseil syndical.
Mauvaise communication
Force est de constater que le message n’est pourtant pas clair pour les copropriétés. Par rapport au 1er semestre 2008, les commandes liés aux travaux de mise en sécurité sont ainsi en baisse d’environ 25%, à en croire les ascensoristes. La FA souligne, par ailleurs, dans un communiqué, que le tiers des appareils concernés par la première tranche des travaux (soit près de 100 000 ascenseurs) ne sont pas encore engagés dans le processus. Un retard dû, sans doute, aux réticences des propriétaires à engager des travaux coûteux et gênant. Une mise en conformité globale peut, il est vrai, immobiliser l’ascenseur deux à trois mois. Mais la confusion générée par les revirements du gouvernement sur les délais à tenir n’y est sans doute pas pour rien. De quoi recréer « la situation d’engorgement connue au début de la mise en oeuvre de la loi » si les propriétaires tardent encore, menace la fédération.
En attendant, ce calendrier serré oblige les copropriétés moins prévoyantes à agir dans l’urgence, avec tous les inconvénients que cela comporte. « Cela ne permettra pas la mise en concurrence de devis comparatifs » estime Fernand Champavier, président de l’Union nationale des associations des responsables de copropriété (Unarc), sans compter, selon lui, le risque que les prestations de maintenance et la qualité des travaux soient négligées. Une inquiétude, somme toute, légitime, puisqu’une baisse de la qualité de la maintenance a déjà été relevée par trois études du ministère*.
* enquête statistique du bureau d’études spécialisé In Numeri ;
étude de l’Union Sociale de l’Habitat qui contrôle 50 000 ascenseurs via ses adhérents ;
étude de la Confédération des Organismes Indépendants de Prévention de Contrôle et d’Inspection (COPREC).
Trois échéances pour sécuriser les ascenseurs
Neuf dispositifs à mettre en œuvre avant le 31 décembre 2010 :
On trouve ainsi la pose de serrures des portes palières, mais aussi de protection contre leur déverrouillage. Pour les portes coulissantes, un dispositif destiné à éviter les chocs latéraux doit être mis en place. Autre dispositif généralement coûteux, la pose d’une clôture de gaîne fermée entièrement et avec un maillage serré empêchant d’y passer des doigts. A un niveau plus technique, signalons la nécessité de disposer d’un parachute de cabine et d’un limiteur de vitesse, ainsi que la pose de gardes pieds de cabine. Enfin, une meilleure protection des intervenants en gaine, un accès facilité aux locaux des machines et un dispositif de verrouillage des portes de visite devront être effectif.
Sept dispositifs avant le 3 juillet 2013 :
A cette échéance, la précision d’arrêt des cabines devra être améliorée, avec un service de téléalarme en cas de panne, sans oublier la présence de portes palières vitrées ou à oculus plus épais. Les ascenseurs hydrauliques devront disposer d’une protection contre la chute libre et la dérive. Pour les intervenants, des protections des points rentrants sur poulies et contre les chocs électriques devront être mis en place, sans compter un meilleur éclairage des locaux de machineries.
Un (voire deux) dispositif(s) avant le 3 juillet 2018 :
Unique dispositif qui devra être mis en place à cette date, une protection contre la vitesse excessive en montée. A noter que pour les ascenseurs postérieurs au 31 décembre 1982, l’amélioration de la précision d’arrêt de la cabine pourra être réalisée avant 2018 et non pas avant 2013.
Attention !
Le propriétaire de l’ascenseur, personne physique ou morale, qui ne mettra pas en place les dispositifs de sécurité ou les mesures équivalentes ; ne fera pas réaliser d’étude technique ; ne souscrira pas un contrat d’entretien ou n’assurera pas l’entretien par ses propres moyens ; ou encore ne fera pas procéder au contrôle technique dans les délais prévus, est passible d’une amende de 450 euros.
En cas d’incident grave, des poursuites pénales pourront également être engagées, puisqu’aux termes de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, texte d’ordre public, un syndicat de copropriétaires est responsable de tout dommage causé aux copropriétaires ou aux tiers par un défaut d’entretien des parties communes. Et ce, que le dommage soit ou non de son fait ou de sa faute. A noter que la vétusté d’une partie commune a été considérée comme défaut d’entretien.
Verrouillage des portes palières (échéance : 31 décembre 2010) - Source : Koné
Pose d’une gaîne grillagée (échéance : 31 décembre 2010) - Source : Koné
Pose d’un limiteur de vitesse et d’un parachute de cabine (échéance : 31 décembre 2010) -Source : Koné
Pose d’un oculus plus épais (échéance : 3 juillet 2013) - Source : Koné
Une loi, trois volets
La loi Urbanisme et Habitat (U&H) sur la sécurité des ascenseurs existants comporte trois volets : un premier sur les travaux de mise en sécurité (cf. encadré : RAPPEL : Trois échéances pour sécuriser les ascenseurs), un deuxième sur les obligations d’entretien, enfin, un troisième concernant le contrôle technique quinquennal.
En ce qui concerne le deuxième volet, il est mentionné que le contrat d’entretien doit obligatoirement comporter des « clauses minimales ». Celles-ci concernent d’une part l’exécution des dispositions minimales d’entretien à l’exception de la réparation ou du remplacement des pièces importantes. D’autre part, elles ont trait aux modalités d’exécution du contrat et aux obligations précises du prestataire. Il s’agit ainsi de la description de l’état initial de l’installation, de la disponibilité et de la fourniture des pièces de rechange avec un délai garanti de remplacement des petites pièces, de la mise à jour du carnet d’entretien, des pénalités en cas de mauvaise exécution du contrat, des assurances du prestataire, de l’encadrement du recours à la sous-traitance, enfin, de la révision du prix. Par ailleurs, l’arrêté « entretien » du 18 novembre 2004 précise que l’écart entre deux visites préventives doit être de six semaines maximum, que les dépannages éventuels doivent avoir lieu 7 jours sur 7, et l’assistance aux personnes bloquées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Enfin, le dernier volet fixe les conditions du contrôle technique réglementaire, obligatoire pour tout ascenseur en service. Il doit avoir lieu obligatoirement tous les cinq ans et a pour objet de vérifier la conformité de l’ascenseur aux règles de sécurité, ainsi que le bon état de fonctionnement et de sécurité en général de l’ascenseur. Le contrôleur technique SAE doit, par ailleurs, être habilité et n’avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance, ni avec le propriétaire qui fait appel à lui, ni avec une entreprise susceptible d’effectuer des travaux sur un ascenseur ou son entretien.
« On constate pour l’heure, que la nouvelle réglementation n’a pas eu l’effet positif escompté sur la sécurité des ascenseurs », déplore cependant Roméo Constantin, ingénieur ascenseurs chez le contrôleur technique Socotec. « De nombreuses pannes et défaillances sont dû à des défaillances d’entretien. Or, le contrôle technique a été un peu occulté par les aspects économiques. »
Autre problème préoccupant : il a pu être mis en évidence lors de contrôles techniques quinquennaux, que certains ascenseurs ayant été déclaré comme mis en conformité ne l’était pas en réalité, ce qui a entraîné la mise à l’arrêt de l’appareil. « Cet aspect là, n’a pas encore fait l’objet d’une attention particulière de la part du ministère ». Méfiance, donc.