[N° 554] - Une fibre nommée désir - Questions à Edouard Barreiro, chargé des nouvelles technologies à l’UFC-Que-Choisir

par Paul TURENNE
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Questions à Edouard Barreiro, chargé des nouvelles technologies à l’UFC-Que-Choisir

4 milliards d’euros dédiés au développement d’un réseau très haut débit en France, la création d’une agence pour le numérique... Les signaux sont plutôt positifs pour l’avenir de la fibre optique.

Il s’agit maintenant de voir comment ces 4 milliards d’euros vont être utilisés. Même si l’enveloppe entière était destinée au développement du numérique en terme d’infrastructures dans les zones blanches ou grises, ce qui n’est pas le cas, cela reste insuffisant. Mais le message est plutôt positif ! Quant à la création de l’agence, reste à voir quelle sera sa mission exacte. Ira t-elle de paire avec l’appel à projet consacré à la couverture du haut débit dans les zones rurale et doté de 30 millions d’euros issus de fonds européens agricole pour le développement rural ?
Le risque est qu’une multitude de structures entraîne une dispersion des investissements. Car rien que le fait de mettre en place une institution ou un organisme destiné à organiser les investissements dans les régions les moins favorisées représente déjà un travail énorme. Il faut s’assurer que cela soit bien organisé, équitable, paritaire, que les solutions mises en place soient les plus pertinentes et que ce ne soit pas les enjeux politiques qui passent en premier.

 

Le risque d’accroissement de la fracture numérique est-il réel ?

Nous sommes dans une période où c’est quitte ou double. On en parle beaucoup, on nous dit que l’on va mettre des moyens. Très bien. Mais à défaut d’agir fortement et rapidement, l’écart va continuer de s’accroître, car la fibre est déjà partie dans les grandes villes et même dans certaines petites villes de
province. Il faut bien voir que, pour les élus, avoir une ville bien équipée numériquement est un critère fondamental de réélection. Celles qui ont les moyens de le faire, partiront toutes seules, à l’image de la petite ville de Gonfreville-l’Orcher, située en Haute-Normandie, et équipée à 100 % en fibre optique depuis 2007.

C’est pourquoi, il est indispensable que la puissance publique cadre ce développement, afin d’éviter que chacun ne parte dans son coin et que l’on se retrouve avec des projets incohérents et des inégalités entre territoires.

Comment organiser le déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire ?

Les zones les plus denses ne posent pas de problème. Les fournisseurs n’auront aucun mal à y investir car ils savent bien que c’est ici qu’ils ont le plus de chance de tirer des revenus importants. Sur les zones peu denses, jouer la concurrence entre les infrastructures est ridicule. L’idée est donc de mettre en place des infrastructures communes, afin de ne pas multiplier les investissements et de dilapider l’argent du contribuable. Ensuite, quel que soit le montage économique (délégations de service public, co-investissement ou appel d’offre), il faut garantir sans faute que cette infrastructure reste toujours ouverte afin que n’importe quel opérateur puisse venir s’y raccorder dans 5, 10 ou 20 ans et dans des conditions transparentes et équitables. Enfin, si la montée en débit doit passer par des investissements ADSL, il convient de privilégier des connexions fibre qui pourront être réutilisées, si un jour on déploie intégralement de la fibre optique jusqu’au consommateur.

Aujourd’hui, peut-on dire qu’il n’y a plus aucun risque pour les copropriétaires à faire fibrer leur immeuble ?

Oui, si toutefois la copropriété utilise bien la convention-type proposée par l’Arcep. Elle est généralement utilisée par les opérateurs, mais n’étant pas imposée par la loi, il faut toujours rester prudent. Le plus simple est d’aller sur le site de l’Arcep, d’imprimer la convention-type et de la faire signer à l’opérateur pour être couvert. Elle sécurise tout ce qui concerne l’installation, la qualité du réseau, les délais et même le fibrage ultérieur car quand un opérateur veut fibrer un immeuble, il doit obligatoirement le déclarer afin que des concurrents puissent éventuellement co-investir. Il faut savoir que les opérateurs n’ont pas l’obligation de raccorder tous les logements, sauf si le consommateur le demande en vue d’un abonnement. En revanche, ils doivent obligatoirement fibrer la colonne montante.

La fibre est-elle vraiment un plus indéniable pour les copropriétaires en terme de service ?

On ne peut pas parler de révolution pour le moment par rapport à une offre classique ADSL. En revanche, nous avons clairement le sentiment que la fibre met les consommateurs sur un pied d’égalité. Aujourd’hui, avec l’ADSL, selon la zone où vous résidez, vous n’aurez pas la même qualité de service. La distance par rapport au répartiteur joue beaucoup, ainsi que l’âge de l’immeuble. Dans un immeuble de 1930, les infrastructures cuivre ont davantage de chance d’être vétustes, donc même en étant situé à côté du répartiteur, le débit sera faible.
Avec la fibre optique, comme toutes les installations sont neuves et que la perte est extrêmement faible, le débit et la qualité de service reste toujours élevé. Si la fibre est proposé au même prix que l’ADSL cela vaut donc vraiment le coup de franchir le pas.