[N° 555] - Qualité de l’air intérieur : un enjeu trop souvent négligé

par Paul TURENNE
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Allergènes, formaldéhydes, monoxyde de carbone,particules fines... La qualité de l’air intérieur d’un logement mal ventilé peut parfois se révéler catastrophique pour ses occupants. Etat des lieux des solutions et gestes simples à mettre en oeuvre dès à présent.

Paul TURENNE

Les chiffres parlent d’eux-même : nous passons 80 à 90 % du temps en intérieur ! Dès lors, nul besoin d’être grand clerc pour saisir l’intérêt de disposer dans son logement d’un air plus sain qu’à l’extérieur.

Pourtant, c’est malheureusement bien souvent l’inverse qui se produit, faute d’un renouvellement d’air suffisant.
« Tout dépend en fait de ce que l’on mesure » précise Frédéric Taché, consultant au sein de l’activité chimie, matériaux et énergie de la société de conseil Alcimed. « Mais il est clair que le cocktail de polluants en intérieur est plus varié et que les concentrations peuvent atteindre des niveaux élevés dans certaines conditions. »
(cf. tableau « Descriptif et effets de quelques substances présentes dans l’air intérieur ») Odeurs, somnolence, irritation des yeux et de la peau : les effets sur le confort et la santé se font alors sentir, pouvant aller jusqu’à l’aggravation ou le développement de pathologies comme des allergies respiratoires.
Preuve que le problème n’est désormais plus pris à la légère par les pouvoirs publics après des années de laisser-faire, un observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a vu le jour en 2001, dans le but de mieux connaître les origines et les dangers de la pollution intérieure. Sa principale mission reste toutefois de mettre au point des recommandations et de diffuser les bonnes pratiques pour améliorer la qualité de l’air au sein des bâtiments.
Un rôle de sensibilisation non négligeable, mais qui ne se suffit pas à lui-même, selon Vincent Pessey, responsable du pôle nanotechnologies de l’activité chimie, matériaux et énergie d’Alcimed : « S’il est nécessaire d’établir des messages de prévention simple, comme le fait l’OQAI, il faut en revanche éviter les conclusions simplistes. » Car de nombreuses variables interagissent entre-elles, complexifiant d’autant les mécanismes influant sur la qualité de l’air. Ainsi, le type de sources, la nature de polluants, la conception du bâtiment, les comportements humains, et enfin, les symptômes qui en résultent, rendent encore plus difficile l’évaluation et la hiérarchisation des risques.


Cocktail de polluants intérieurs

Afin de mieux répertorier les divers polluants et sources présents en intérieur, puis de déterminer leur impact sur la santé, plusieurs dizaines d’experts (médecins, chimistes, biologistes ou bien encore physiciens du bâtiment) ont mutualisé leurs compétences dans le cadre du projet européen EnVIE.
Ce travail encyclopédique a permis de mettre en évidence le taux de morbidité particulièrement élevé de l’air extérieur pollué, suivi de l’humidité et des moisissures, susceptibles de créer des risques de maladies respiratoires. Autres sources à surveiller : les appareils à combustion qui  produisent des oxydes d’azote et de carbone. Sans oublier, bien sûr, la fumée de tabac, non prise en compte dans ce classement, mais qui constitue un problème majeur à elle seule, du fait des innombrables polluants et cancérigènes qu’elle contient. Au vu de ces résultats, il apparaît donc que les moyens d’action ne doivent pas se focaliser sur les émissions de substances chimiques à la source, mais passer également par une meilleure gestion de l’humidité et une bonne ventilation de l’habitat.
S’il est facile d’intégrer ces données pour des bâtiments neufs par exemple, en jouant sur le rôle protecteur de l’enveloppe extérieure pour les particules fines, ou en installant d’origine une ventilation mécanique contrôlée (VMC) performante, en revanche, dans l’ancien, les solutions sont plus délicates à mettre en œuvre. Reste qu’avec une rénovation bien pensée et bien menée, les résultats seront au rendez-vous, sous réserve de ne pas négliger la maintenance. Car l’état des installations de VMC est bien souvent désastreux : mauvaise qualité de fabrication, ventilations mal installées et mal entretenues, voire obstruées par les habitants eux-mêmes... Les performances d’un grand nombre de systèmes restent encore médiocres.
(cf. encadré « Etat de la ventilation dans les logements français : peut mieux faire ! »)


Diverses technologies

Dans les bâtiments construits avant 1969, le renouvellement de l’air intérieur est assuré par des grilles de ventilation, l’ouverture des fenêtres, ainsi que par les défauts d’étanchéité de l’enveloppe.
Au delà de cette date, les immeubles bénéficient, soit, d’une installation de ventilation naturelle, soit, d’une ventilation mécanique contrôlée pour les habitations les plus récentes. A noter que des grilles acoustiques permettent d’atténuer le bruit extérieur pouvant pénétrer par les entrées d’air.
La ventilation naturelle implique de laisser l’air du logement se renouveler de lui-même sans aide mécanique. Mais ce type de ventilation rudimentaire reste difficile à réguler et ne permet pas de contrôler le débit d’air renouvelé, donc sa qualité. Il est également à l’origine de déperditions de chaleur importantes et de nuisances dues au bruit extérieur. Qui plus est, il devient totalement inadapté dans les logements rénovés alors plus étanches à l’air, comme par exemple en cas de changement des menuiseries.
Dans les immeubles, cette ventilation peut être améliorée par des conduits d’évacuation à tirage naturel. La circulation de l’air est induite par le tirage thermique, dû aux différences de températures entre l’intérieur et l’extérieur, et les pressions du vent sur l’enveloppe du bâtiment, notamment au débouché de conduit en toiture. Les conduits d’évacuation en question peuvent être soit individuels et ne desservir qu’une pièce de service (conduits shunt),  soit collectifs et desservir plusieurs pièces (cf. schéma 1). Idéalement, chaque pièce de service du logement doit posséder une sortie d’air raccordée à un conduit d’évacuation, et chaque pièce principale être équipée d’un orifice d’entrée d’air neuf. Dans les logements les moins anciens, celui-ci sera de type autoréglable, c’est-à-dire, avec un ajustement de la section de passage de l’air en fonction du vent.

 Schéma 1 : « ventilation avec conduits shunt » Crédit : OQAI

 

Dès lors qu’un dispositif mécanique vient s’ajouter au dispositif d’aération basique, on parle de ventilation mécanique par extraction d’air, ou VMC simple flux par extraction. Là encore, les entrées d’air neuf sont situées dans les pièces principales, les pièces de service accueillant des bouches de sortie d’air vicié reliées à un ventilateur (cf. schéma 2) . Avec un système autoréglable, la VMC fonctionne avec un débit constant quel que soit l’occupation des locaux. Plus efficace que la ventilation naturelle, il entraîne toutefois une surconsommation d’énergie, car il lui faut fonctionner en permanence pour être utile. A contrario, dans le cas d’un système hygroréglable, les bouches d’extraction placées dans les pièces humides s’ajustent au taux d’humidité de la pièce (VMC Hygro A), ce qui permet de réguler le débit d’air en fonction des besoins. Si les entrées d’air sont aussi hygroréglables, il s’agit d’une VMC Hygro B. Le surcoût, qui reste raisonnable, peut être rentabilisé en quelques années grâce aux économies d’électricité réalisées.

Schéma 2 : « VMC simple flux en habitat collectif » Crédit : aldes

 

Enfin, la ventilation de loin la plus efficace reste la VMC double flux à récupération de chaleur.
L’air extrait est alors utilisé pour préchauffer l’air neuf introduit dans le logement (cf. schéma 3). Un échangeur thermique permet de récupérer jusqu’à 80 % de la chaleur de l’air rejeté. Deux réseaux distincts, l’un pour l’extraction et l’autre pour l’arrivée d’air neuf sont toutefois nécessaires, ce qui réserve ce système aux logements les plus récents. Enfin, le prix d’un tel équipement reste encore élevé à l’heure actuelle, ce qui freine sa généralisation.

Schéma 3 : «VMC double flux à récupération de chaleur en habitat collectif» Crédit : aldes
 

 

 

 


Descriptif et effets de quelques substances présentes dans l’air intérieur


Etat de la ventilation dans les logements français : peut mieux faire !

L’observatoire de la qualité de l’air intérieur a publié en juin 2008 un état descriptif de la ventilation dans les logements après avoir collecté des données sur un échantillon de 567 logements représentatif des 24 millions de résidences principales en France métropolitaine.
En ce qui concerne le parc de logements, la moitié a été construit avant 1967, et donc, avant les règlementations sur l’aération des logements instaurant le principe de la ventilation générale et permanente (cf. « Que dit la loi ? » ci-dessous).
Par ailleurs, environ 8% des logements du parc construits avant 1968 ont été réhabilités en installant une VMC, tandis que 20% environ des logements construits après 1975 ne possèdent aucune ventilation partielle, voire aucun système, contrairement aux exigences de la réglementation française.  Ayant quasiment disparu des constructions neuves de logements depuis 1990, la ventilation naturelle n’équipe, de fait, que des logements anciens ou réhabilités, à hauteur de 41% pour les logements collectifs. Au final, près de 70 % des logements sont équipés, soit d’une ventilation naturelle, soit d’une ventilation mécanique contrôlée simple, la VMC double flux ne représentant que 1.1% du parc.
Concernant l’aération en tant que telle, 56% des logements mesurés ont un débit total minimal d’air extraits mesuré non règlementaire. Ainsi, les débits de pointe mesurés en salles de bain, WC, et cuisine sont non conformes dans, respectivement, 63,5 %, 62 % et 84 % des cas.  Sans surprise, les logements construits entre 1969 et 1982 présentant un taux de non conformité plus important que ceux construits à partir de 1982 ainsi que les logements anciens réhabilités en VMC. Cependant, le comportement des occupants joue un rôle déterminant dans l’aération des logements, notamment avec l’ouverture des fenêtres et des portes  y compris en période de chauffage. 


Que dit la loi ?

L’article R.111-9 du Code de la Construction et de l’Habitation précise que « les logements [construits après 1982] doivent bénéficier d’un renouvellement de l’air et d’une évacuation des émanations tels que les taux de pollution de l’air intérieur du local ne constituent aucun danger pour la santé et que puissent être évitées les condensations ». De nombreux arrêtés ont été pris sur le fondement de cet article, tel l’Arrêté du 24 mars 1982 relatif à l’aération des logements qui fixe le débit minimal d’air extrait, exprimé en mètres cubes par heure, en fonction du nombre de pièces des habitations et de leur affectation.


Ce qu’il faut retenir

• Dans un immeuble peu ou pas ventilé, l’ouverture des portes la nuit, et des fenêtres au moins une demi-heure par jour permet d’assurer un bon débit de renouvellement d’air. 
• Un immeuble bien isolé, mais équipé avec un système de ventilation peu performant, laisse échapper plus de 20 % de ses déperditions de chaleur par le renouvellement d’air.
• Le taux optimal d’humidité relative dans l’air d’un logement se situe entre 40 à 70%, pour une température située entre 18 et 22°C.
• La pose d’une VMC nécessite l’intervention d’une entreprise spécialisée qui calculera la puissance du groupe d’extraction nécessaire.
• La plupart des matériaux de construction, enduits et peintures, sans oublier les meubles lamellés-collés, émettent des polluants, particulièrement dans les premiers mois suivant leur installation. Ces émissions sont quasi-nulles pour des produits bio.
• Certains matériaux à effet photocatalytique permettent de réduire la pollution de l’air intérieur, comme l’enduit Airfresh de Maxit ou la peinture StoClimasan de Sto.

Allez plus loin

Le site de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur : www.air-interieur.org
Le site du Comité Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) : www.cstb.fr
Consulter les fiches conseils de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah) : www.anah.fr/nos-conseils-techniques/fiches-techniques/page-tech-fiches.htm