[N°626] - La fermeture de l’immeuble

par Julie HAINAUT
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La question de la fermeture des immeubles en copropriété a fait l’objet d’une importante évolution ces dernières années, en raison notamment de la hausse des actes de violence et de vandalisme. Aujourd’hui, la fermeture de la porte d’entrée de l’immeuble géré en copropriété tend à se généraliser. Pour quel système opter ? Quelles sont les règles à respecter ? Tour d’horizon.

©Picard serrures


Les copropriétaires sont de plus en plus frileux et tendent à protéger l’accès de leur immeuble, afin d’éviter agressions et autres vols tant chez les particuliers que dans leurs boîtes aux lettres. En installant des systèmes de contrôle d’accès à la porte d’entrée de l’immeuble, ils peuvent ainsi filtrer les allées et venues. Mais les habitants, locataires ou propriétaires, ainsi que les prestataires habilités, les éventuelles professions libérales installées dans la copropriété, leurs clients ou patients, doivent pourtant pouvoir entrer et sortir librement. Comment alors concilier sécurité et libre circulation ? Une pléiade de solutions existent aujourd’hui, comprenant chacune leurs avantages et leurs inconvénients, et nécessitant le respect de règles strictes.


Quelle est la majorité requise ?

Celle de l’article 24 pour la maintenance.- Cette majorité des voix exprimées des copropriétaires présents et représentés est nécessaire pour les contrats de maintenance du matériel qui a été installé et les travaux de réparations ou remplacement.

Celle de l’article 25 pour l’installation d’un système de sécurité.- Pour installer un Digicode ou tout autre système de fermeture dans le but de sécuriser l’accès aux parties communes (Vigik® ou interphone par exemple), c’est la majorité de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires) qui est requise. Si la solution envisagée est de fermer totalement la copropriété par un badge électronique et non un Digicode ou un interphone, la décision prise doit être compatible avec l’exercice d’une activité professionnelle autorisée par le règlement de copropriété. Un second vote à la majorité de l’article 24 pourra ensuite avoir lieu si les conditions posées par l’article 25-1 sont remplies.

Celle de l’article 26 pour les jours et horaires d’ouverture.- En cas de fermeture totale de l’accès aux parties communes, et lorsqu’il n’existe pas de système d’ouverture à distance, les copropriétaires peuvent statuer sur les modalités des jours et heures d’ouverture lorsqu’une activité professionnelle est exercée au sein de la copropriété. Cette décision doit être votée à la majorité de l’article 26, c’est-à-dire à la majorité des copropriétaires, réunissant au moins les deux-tiers des voix du syndicat. Un second vote n’est pas possible. Ces modalités d’ouverture, une fois votées, doivent être revotées à chaque nouvelle assemblée générale pour rester applicables.

Si le contrôle d’accès n’est pas obligatoire, il est vivement conseillé. En effet, la responsabilité du propriétaire-bailleur peut être engagée si des locataires sont victimes d’un vol ou d’une agression dans un immeuble dépourvu de contrôle d’accès. En témoigne un arrêt de la Cour de cassation affirmant que le propriétaire n’a pas satisfait à l’obligation de garantir aux locataires la jouissance paisible de leur logement à laquelle il était tenu aux termes du bail (Cass. 3e civ., 29 avril 2009).


Quid des charges ?

Un propriétaire peut-il récupérer les charges auprès de son locataire à la suite de l’installation d’un dispositif d’un contrôle d’accès ? Pour les logements soumis à la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (à savoir ceux loués non meublés à des personnes physiques au titre de leur habitation principale et, le cas échéant, à usage mixte), ces charges sont récupérables. Pour tous les autres locaux (notamment commerciaux ou professionnels), seul le bail fait foi entre les parties. Il convient donc de préciser clairement que ce type de dépense sera soit partiellement soit intégralement récupérable.


Pour quelle solution opter ?

Il en existe de multiples. Mais avant de choisir celle qui sera la mieux adaptée à sa copropriété, il convient de vérifier la solidité des huisseries des accès de l’immeuble en question, de comparer le coût de chaque système de contrôle d’accès et leur résistance au temps. Il ne faut pas oublier non plus qu’un système de contrôle d’accès ne sera réellement efficace que les habitants y soient sensibilisés, vérifient réellement l’identité de la personne souhaitant entrer dans la copropriété et n’ouvrent pas à toute personne en faisant la demande.

Présence humaine.- Le concierge a une mission de surveillance générale de l’immeuble, de prévention des diverses formes de délinquance telles que les actes de vandalismes et détériorations en tous genres, squats et autres trafics, repérage des seringues et indices de trafics de produits illicites. C’est la solution la plus efficace, mais la plus coûteuse pour la copropriété. «Le premier budget conséquent qui permet à l’immeuble de retrouver un peu de trésorerie est celui qui est lié au salaire du gardien d’immeuble» affirme Christophe Adriet, PDG d’AT Patrimoine, acteur incontournable dans la professionnalisation et la valorisation du métier de gardiens et employés d’immeubles.

Digicode.- Classique, il reste un très bon outil de contrôle d’accès pour l’interphone audio ou vidéophone. Il permet d’entrer dans la copropriété sans déranger ses occupants à l’aide d’un simple code. Il est aussi gage de sécurité puisque contrairement ou badge, par exemple, on ne peut pas se faire voler le code ni le perdre. C’est aussi la solution de contrôle d’accès la moins onéreuse.

Il faut veiller à ce que le digicode soit protégé contre les intempéries (et donc qu’il soit en mesure de résister à de gros écarts de température, et être étanche) et les tentatives d’effraction. Ainsi, il peut être encastré dans un mur à l’aide de vis aveugles qui ne peuvent pas être dévissées de l’extérieur. Il convient aussi de créer un code à quatre chiffres (associés à une ou deux lettres) pour éviter le piratage. Le système doit pouvoir permettre un accès aux pompiers et aux services de première urgence.

Vigik®, le badge électronique.- Système élaboré de contrôle d’accès des prestataires de service (distribution du courrier, ascensoristes, entreprises de propreté…) aux parties communes des immeubles d’habitation, Vigik® a été conçu et développé par La Poste. Il s’agit d’une clé électronique sans contact qui permet d’ouvrir la porte d’un immeuble lorsqu’on passe devant un lecteur situé en extérieur. Les copropriétaires disposent de badges numérotés avec un droit d’accès permanent, tandis que les prestataires de services habilités par le gestionnaire d’immeuble ont un droit d’accès limité dans le temps. De plus, la centrale gérant les accès peut constituer un historique : il est alors simple de savoir si telle entreprise ou tel prestataire est bien passé aux horaires convenus.

Ce badge simplifie la gestion : le gestionnaire d’immeuble sélectionne lui-même les prestataires de services autorisés à entrer dans les parties communes des immeubles et peut programmer les horaires d’accès des prestataires de service. Il peut aussi interrompre à tout moment l’autorisation. Et en cas de perte ou de vol, le gestionnaire n’a pas à intervenir, car les badges se désactivent immédiatement après la plage horaire autorisée. Il faut compter en moyenne 1 000 euros pour l’installation, et une petite vingtaine d’euros par badge.
www.vigik.com

©Vigik


Interphones audio ou vidéo

Ils sont généralement utilisés à l’intérieur du hall d’un immeuble, souvent en deuxième dispositif, après le digicode ou Vigik®.

Outre les classiques interphones audio permettant de sonner chez le résident en question qui, sur place, autorise ou non l’accès à la résidence, certains d’entre eux permettent aujourd’hui de joindre l’habitant directement via son téléphone portable, où qu’il soit, et ce même à l’étranger. Il peut ainsi gérer l’accès à la copropriété en tapotant une seule touche de son clavier.

Du côté des visiophones, la technologie est en pleine croissance. Outre les vidéophones classiques qui consistent à voir par écran interposé l’individu souhaitant entrer dans l’immeuble, certains modèles contiennent une mémoire vidéo des personnes s’étant présentées en l’absence de l’occupant de logement. Certains systèmes permettent de visualiser jusqu’à huit photos des visiteurs sur lesquelles figurent l’heure et le jour de la visite. D’autres systèmes donnent aussi l’opportunité au visiteur de laisser un message audio et vidéo. Certains vidéophones permettent aussi d’enregistrer des réponses qui seront automatiquement adressées au visiteur lorsqu’on ne souhaite pas répondre. Aujourd’hui, avec l’avancée des technologies, les systèmes vidéo permettent de grands angles avec éclairage nocturne, parfois même des touches “appel gardien” (une sécurité pour les personnes dépendantes notamment) et des éclairages par Leds garantissant ainsi une faible consommation et une durée de vie plus longue.

Le vidéophone ou tout autre système de vidéo est très réglementé, surtout lorsqu’il filme sur la voie publique. Il convient d’obtenir une autorisation de la préfecture, d’effectuer une déclaration en la CNIL et d’informer le public de la vidéosurveillance. La copropriété est dans l’obligation d’apposer des pancartes visibles et de façon permanente indiquant l’existence du système de vidéosurveillance, ainsi que des coordonnées de l’autorité ou de la personne chargée de l’exploitation du système.

Il est préférable d’opter pour un interphone (audio ou vidéo) filaire, certes plus coûteux mais bien plus performant. Si l’interphone sans fil nécessite moins de travaux et a l’avantage de pouvoir être installé à n’importe quel endroit souhaité, il risque de subir des interférences d’autres ondes radio.

Le coût d’un interphone varie entre 1 000 et 2 500 euros en fonction du nombre de lots. Quant à son installation, le coût peut aller jusqu’à 2 000 euros.

Tous les professionnels s’accordent sur deux points précis. Tout d’abord, un visiophone est plus dissuasif qu’un interphone et un digicode. Ensuite, pour un filtrage le plus efficace possible, la copropriété doit comprendre un premier système de contrôle d’accès (avec digicode ou Vigik®) suivi d’un sas où sont situées les boîtes aux lettres, puis un deuxième système de contrôle d’accès avec interphone ou visiophone.

©Aiphone


Un cas d’immeuble mixte

Dans une affaire opposant des copropriétaires habitant un immeuble à ceux exerçant une activité de médecin, des travaux consistant à installer à l’extérieur de l’immeuble un interphone ne permettant plus l’ouverture de la porte d’entrée mais seulement la conversation avec les visiteurs, et un digicode permettant lui seul d’actionner la gâche électrique de cette nouvelle et unique porte, avaient été envisagés. Les copropriétaires exerçant une activité de médecin s’y sont opposés, considérant que cette résolution était incompatible avec l’exercice de leur activité (pourtant autorisée par le règlement de copropriété), deux d’entre eux en demandant l’annulation en invoquant un abus de majorité. Il leur était impossible de donner à chaque patient les chiffres et lettres du digicode par l’interphone, ceux-ci n’étant pas forcément audibles. Les juges ont décidé de rejeter la demande d’annulation de cette résolution, considérant que «s’il est certain que ce nouveau dispositif rend l’accès aux cabinets médicaux moins aisé, celui-ci demeure tout à fait possible, les patients pouvant se faire communiquer le digicode, soit par téléphone lors de la prise de rendez-vous, soit par l’interphone à l’entrée de l’immeuble» (CA Lyon, 1e c. civ., 24 janvier 2012, lire également l’étude de Guilhem Gil : l'exercice d'une activité médicale en copropriété). «Il semblerait donc que la cour d’appel de Lyon distingue impossibilité et difficulté, seule cette première étant à même de conduire à l’annulation de ce type de résolution. L’argument selon lequel il était impossible que le code soit entendu par les patients à travers l’interphone en raison de l’environnement particulier dans lequel est situé l’immeuble a bien été entendu, mais il est rejeté en raison d’un défaut de preuve : «l’affirmation de l’appelante (…) n’est corroborée par aucune pièce et est formellement contestée par l’intimé». Faut-il alors en déduire que, dans le cas contraire, les juges auraient retenu une solution inverse ? Il est permis d’en douter au regard de l’alternative dont il est question dans les dernières lignes de leur décision. En effet, même si des médecins parvenaient à rapporter la preuve qui faisait ici défaut, il est fort probable qu’ils ne parviendraient pas à prouver que le code ne pouvait être communiqué par téléphone ! Ainsi, bien qu’en apparence les juges restent ouverts à la possibilité d’admettre exceptionnellement la nullité de ce type de résolution lorsqu’il aura été prouvé qu’une telle installation était, concrètement, incompatible avec l’activité professionnelle de certains copropriétaires, il est difficile de concevoir qu’une telle solution puisse un jour être retenue» observe Virginie Pezzella, alors attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Jean Moulin de Lyon.