[N° 566] - Copropriété et travaux : le financement - L’épargne collective

par Paul TURENNE
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L’épargne collective

Le vote d’un “fonds travaux“ peut être un moyen de faire voter plus aisément, en temps voulu, des travaux utiles, mais coûteux. Il est, en effet, plus facile de le faire, que ce soit d’un point de vue financier mais aussi psychologique, dès lors qu’on sait que de l’argent a été provisionné. Cette provision reste, pour l’heure, non obligatoire en France, à la différence d’autres pays. Au Québec, par exemple, la loi institue une obligation d’épargne collective pour gros travaux égale au minimum à 5 % du montant annuel des charges. Sur le vieux continent, l’article 18-5 de la loi du 10 juillet 1965 dispose seulement que «Le syndic est chargé de soumettre, lors de sa première désignation et au moins tous les trois ans, au vote de l’assemblée générale la décision de constituer des provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d’entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d’équipement communs, susceptibles d’être nécessaires dans les trois années à échoir et non encore décidés par l’assemblée générale.» L’assemblée générale peut, par ailleurs, décider du placement des fonds recueillis au profit du syndicat des copropriétaires et de l’affectation des intérêts produits (article 35-1 du décret du 17 mars 1967). Bien que devant être votée à la majorité absolue de l’article 25, c’est-à-dire à la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient ou non présents, cette décision n’est pas souvent choisie par les copropriétaires qui rechignent à épargner collectivement, notamment face à des charges jugées déjà trop importantes. Par ailleurs, les sommes ainsi provisionnées doivent être consommées dans les trois ans qui suivent le vote en assemblée générale, ce qui laisse peu de latitude en terme de durée. Autre écueil d’importance : le propriétaire qui vend son bien récupère, lors de son départ, la totalité de la somme versée au titre de ces provisions spéciales considérées comme des avances. Charge à l’acheteur de la reconstituer à son arrivée dans la copropriété en s’acquittant du paiement des provisions dont la date d’exigibilité est postérieure à la vente (article 45-1 du décret du 17 mars 1967). De quoi décourager le vote d’une telle mesure par crainte de ne plus arriver à vendre son bien à cause de cette somme supplémentaire, potentiellement rédhibitoire pour un acquéreur éventuel. Sans compter le manque de visibilité pour tous les autres copropriétaires.

D’autre part, bon nombre d’administrateurs de biens eux-mêmes préfèrent ne pas mettre en place d’épargne collective, jugée trop contraignante. En effet, si le placement retenu par la copropriété ne prévoit pas de prélèvement libératoire, avec des prélèvements à la source par le banquier lui-même, des impôts attachés aux intérêts perçus, chaque copropriétaire devra les déclarer individuellement une fois par an. Le syndic sera alors obligé d’adresser une attestation à chacun d’entre eux. Une lourdeur administrative qui peut être évitée en utilisant des SICAV de trésorerie ou un livret A d’épargne, pour le coup limité à 76 500 euros et au taux sans doute moins intéressant. Rappelons que ces fonds sont «sanctuarisés» et que le syndic a donc interdiction d’y puiser de la trésorerie pour la gestion courante.