Réforme ELAN: A propos du rôle des associations de copropriétaires

par YS
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David Rodrigues et Thierry Hervé

3 questions posées à David Rodrigues et Thierry Hervé.


Quelle est votre analyse de la délégation donnée au président du conseil syndical d’agir en responsabilité envers le syndic ?


David RODRIGUES
David Rodrigues :

«L’introduction d’une action ut singuli au sein du droit de la copropriété constitue l’une des principales innovations de l’ordonnance de réforme du 30 octobre 2019. En permettant au président du conseil syndical d’être mandaté par l’assemblée générale pour engager, au nom de la copropriété, la responsabilité du syndic en cas de carence ou d’inaction de celui-ci, les pouvoirs publics ont mis fin à une situation pour le moins particulière puisqu’il était auparavant nécessaire de voter une résolution imposant au professionnel de s’auto-assigner. L’action ut singuli est donc intéressante sur ce point. Pour autant, sera-t-elle réellement utilisée ? En pratique, il est difficilement envisageable qu’un syndic se maintienne à son poste s’il voit une telle action être votée par l’assemblée générale. Par ailleurs, la délégation accordée au président du conseil syndical et la désignation du syndic étant toutes deux votées à la majorité de l’article 25, on conçoit difficilement qu’au cours de la même assemblée générale, le syndic soit maintenu à son poste alors même qu’une action en responsabilité engagée à son encontre serait votée dans la foulée.

Pour autant, il était indispensable d’introduire cette mesure dans le domaine de la copropriété. Tout d’abord, pour revenir sur une incohérence, comme cela a été dit. Ensuite, parce qu’il est difficilement concevable que l’on ne puisse engager la responsabilité de son représentant durant son mandat, alors même qu’une procédure analogue existe en droit des sociétés. Enfin, parce qu’elle offre aux copropriétaires un moyen d’action supplémentaire pour montrer au syndic leur mécontentement à l’égard de la gestion d’un dossier et l’inciter ainsi à davantage de rigueur. L’autorisation accordée au président du conseil syndical ferait ainsi office de dernier avertissement avant qu’il ne soit envisagé de se séparer du syndic en place».


Certains articles du contrat type de syndic ont été modifiés par le décret du 2 juillet 2020. Que faut-il en retenir ?

Thierry Hervé

Thierry Hervé :

«Ce décret encadre davantage le contrat type (pénalités de retard pour absence de diffusion de la fiche synthétique de copropriété à un copropriétaire ou de la transmission de pièces au conseil syndical, suppression de la dispense du compte séparé, encadrement de la résiliation du contrat de syndic, tarification des prestations particulières exprimée en HT et TTC…). [Cependant, il reste encore des failles], voici deux exemples constatés localement :

Le montant maximum applicable aux honoraires et frais perçus par le syndic pour l’établissement de l’état daté s’élève à 380 € TTC (Point 9.2 du contrat type). Ce maximum va limiter les nombreux abus observés, jusqu’à 800 € dans notre région ! Encore faut-il que, pour préparer la promesse de vente, les notaires et les agents immobiliers n’envoient pas une demande de «pré-état daté» aux syndics qu’ils factureront au copropriétaire vendeur à prix libre. L’ARCNA alerte de plus en plus fréquemment ses adhérents sur illégalité de ce «pré-état daté». Sans frais et en accord avec l’acquéreur, le copropriétaire vendeur peut chercher dans ses archives, se connecter sur l’intranet de sa copropriété et demander les documents complémentaires à son conseil syndical pour transmettre par courriel à l’acquéreur, au plus tard le jour de la promesse de vente, les documents listés dans l’article L. 721-2 du CCH modifié par l’ordonnance n° 2015-1075 du 27 août 2015.

Sur les modalités de rémunération (Point 7.1.5.), l’ARCNA regrette l’absence de restriction par décret : nous avons reçu, par exemple, des propositions pré-cochées de contrat d’un syndic [local] : rémunération payable : d’avance / à terme échu ; suivant la périodicité suivante : annuelle / trimestrielle / mensuelle.

[Dès lors, le syndic pourrait] empocher ses honoraires de l’année le 1er jour du contrat !»


L’ordonnance a réformé ou crée des passerelles autorisant l’adoption de décisions par l’assemblée générale à des conditions plus favorables. Doit-on y voir nécessairement une amélioration ?

Thierry Hervé

Thierry Hervé :

«Oui, c’est clairement une amélioration : la réforme et la création de nouvelles passerelles vont permettre des prises de décisions sans report à une assemblée générale ultérieure. L’article 25-1 était déjà un net progrès pour lutter contre l’absentéisme chronique dans les assemblées ; la suppression d’exceptions pour son application va en simplifier l’usage.

Il restait une ambiguïté sur l’utilisation dangereuse de deux passerelles en cascade qui aurait pu permettre un vote à l’article 24 d’une résolution soumise à l’article 26 ; cette possibilité vient d’être supprimée par le décret du 2 juillet 2020.

La suppression de l’unanimité serait également souhaitable car elle engendre des situations de blocage liés à l’absence d’un seul copropriétaire.»

 

 

David RODRIGUES

David Rodrigues :

«Les passerelles permettent à la fois de lutter contre l’absentéisme aux assemblées générales tout en mettant en place une certaine graduation dans les majorités, certaines résolutions pouvant bénéficier d’un vote de rattrapage, d’autres non.

Or, la généralisation des passerelles cumulée à la pratique d’abaissement systématique des seuils de majorités lors de chaque réforme législative, participe encore davantage au sentiment qu’il n’existe en fait qu’une seule majorité, celle de l’article 24, et qu’un petit nombre de copropriétaires peut finalement prendre la plupart des décisions concernant la copropriété. Paradoxalement, cette situation pourrait aggraver encore davantage l’absentéisme aux assemblées générales, la participation à ces réunions apparaissant ainsi comme superflue. Un comble alors même qu’en parallèle, des dispositifs favorisant la participation des copropriétaires aux assemblées générales tels que la visio-conférence ou le vote par correspondance, ont été mis en place».

 


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article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020