Copropriété sans syndic : tous responsables - Une responsabilité partagée entre les syndics…

par David Rodrigues - Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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Une responsabilité partagée entre les syndics…

27 septembre 2007 et 23 décembre 2009. Deux dates, deux évènements totalement différents mais dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui et qui peuvent en partie expliquer le sentiment de défiance ressenti à l’encontre des syndics.

Le 27 septembre 2007 est la date du rapport du Conseil national de la consommation portant sur l’amélioration de la transparence tarifaire des syndics. Après les plaintes reçues par la DGCCRF sur les problèmes de distinction par les copropriétaires entre les honoraires de gestion courante et les prestations exceptionnelles, il est mis en place en groupe de travail ayant notamment pour objectif de fixer une liste invariable des prestations devant être comprises dans les honoraires de base. Les discussions aboutiront à un avis, publié également le 27 septembre 2007, négocié en concertation avec les représentants des professionnels et les associations de consommateurs. Le problème n’est pas l’avis en lui-même mais son contexte. Douze ans plus tôt, en novembre 1995, la Commission des clauses abusives rendait une recommandation portant sur les contrats de syndic. À peine deux ans plus tard, en février 1997, le Conseil national de la consommation (déjà lui), rendait également un avis sur précisément, la notion de gestion courante. Le rapport de septembre 2007 est donc le troisième texte portant sur la question des honoraires de syndic en à peine plus d’une décennie…

Il y avait donc très clairement un malaise sur cette question entre professionnels et consommateurs et l’efficacité d’une liste de prestations pourtant déterminées d’un commun accord montrait ses limites. Et là était tout le problème : alors que d’aucuns demandaient à ce qu’un arrêté reprenne le contenu de l’avis, lui conférant ainsi une valeur normative, les syndics s’y sont opposés. Le raisonnement devient alors tortueux : s’il est possible d’appliquer un texte facultatif, pourquoi ne pourrait-on pas appliquer le même texte au prétexte qu’il serait obligatoire ? Le dogmatisme a cédé face au pragmatisme. La suite est connue : un arrêté du 19 mars 2010, dit “arrêté Novelli”, fixe une liste minimale des prestations de gestion courante en reprenant l’avis du Conseil national de la consommation ; texte en vigueur jusqu’à ce que la loi ALUR institue un contrat type avec une rémunération forfaitaire, les prestations exceptionnelles étant alors limitativement énumérées par le décret du 26 mars 2015. Le problème est donc réglé mais on ne peut que regretter ce temps perdu.

La date du 23 décembre 2009 porte sur un tout autre registre. Il s’agit du jour où la Société Générale a porté plainte contre l’administrateur de biens Urbania, révélant ainsi au grand public la pratique des comptes reflets. Concrètement, ce mécanisme permet à un établissement bancaire de verser sur un compte ouvert au nom du syndic une somme d’argent dont le montant correspond à celui qu’il détient sur son compte mandant, c’est-à-dire sur celui où sont versés les fonds des copropriétaires. Une façon donc d’obtenir une avance à court terme. À ceci près que la crise immobilière va passer par là et que le compte mandant va accuser une diminution de 40 millions d’euros. Et la Société Générale d’exiger alors la remise à niveau du compte reflet et donc le remboursement des 40 millions en question, somme qu’Urbania est dans l’incapacité de verser… On découvrira par la suite que cette pratique existait depuis plus d’une dizaine d’années. Les copropriétaires ne seront finalement pas pénalisés, les différentes caisses de garantie jouant leur rôle. Mais au-delà de cela, la mise en place d’un tel dispositif, avec comme garantie les fonds déposés par les mandants, les clients donc, des administrateurs de bien, est bien évidemment intolérable. Que le grand public et une partie de la presse spécialisée découvrent cette pratique à cette occasion est une chose. Mais que la profession et ses organes représentatifs n’en aient pas eu vent n’est nullement crédible. Les conséquences ne tarderont d’ailleurs pas et les pouvoirs publics voudront frapper fort.

Un projet de loi est alors élaboré en 2010. Celui-ci prévoit, notamment, la création d’un code de déontologie, une obligation de formation continue à l’égard des professionnels, la mise en place d’un Conseil de l’entremise et de la gestion immobilières ainsi que d’instances régionales disciplinaires, dénommées Commissions de contrôle, au sein desquelles les professionnels sont minoritaires. Le projet de texte précise, en outre, que la rémunération des syndics est désormais forfaitaire, des prestations particulières pouvant donner lieu à facturation selon des conditions définies par décret. Ce texte ne verra jamais le jour en tant que tel mais, à la suite l’alternance politique de 2012, ses principales dispositions seront reprises par Cécile Duflot dans ce qui deviendra la loi ALUR, à ceci près que la Commission de contrôle, désormais nationale, n’a toujours pas été mise en place.

Deux dates donc, deux évènements bien distincts, mais qui constituent l’aboutissement de pratiques contestables, voire condamnables, et qui expliquent en grande partie cette défiance envers les syndics. Les temps changent et si la situation s’améliore, il appartient aux professionnels d’aller vers le copropriétaire, vers le consommateur, et de ne pas rester dans l’entre-soi. Sur ce point, la récente “affaire Vesta” est intéressante.

Désireuse de montrer que les agents immobiliers constituent une profession règlementée avec des conditions d’exercice précises définies par les textes, la FNAIM a annoncé fin 2019 la création d’un caducée, à l’instar de ceux des autres professions règlementées, notaires et huissiers en tête. Et qui mieux que Vesta, déesse romaine du foyer et équivalente de l’Hestia grecque, sœur ainée de Zeus, pour représenter symboliquement cette profession ? Mais quel était l’objectif de cette annonce ? «C’est un symbole fort d’aptitude, de respect de la réglementation et surtout de reconnaissance d’une profession encadrée par la loi» nous dit la FNAIM. Peut-être. Mais sur ce point, le consommateur a clairement été mis de côté. On pourra toujours indiquer que ce caducée constitue une garantie de compétences et de respect des prescriptions imposées par les textes ; il ne s’agit pas pour autant d’un label ou d’une certification. Autrement dit, quelle valeur ajoutée apporte cet emblème par rapport à un cabinet qui ne s’en est pas doté ? Avec son caducée, la profession se parle à elle-même et il n’y a qu’à voir l’engouement des syndics et autres agents immobiliers faisant suite à cette annonce pour s’en convaincre. Est-ce problématique ? Ce n’est pas ainsi que la question se doit d’être posée : peu importe Vesta ou tout autre emblème dès lors qu’il est également accompagné d’un discours à destination des consommateurs et plus particulièrement des copropriétaires.