[N° 605] - Organisme HLM majoritaire : L’absence de réduction des voix est conforme à la Constitution - I Affirmation de la constitutionnalité de la non-réduction des voix de l’organisme d’HLM copropriétaire majoritaire

par Christelle COUTANT-LAPALUS
Affichages : 11541

Index de l'article

I – Affirmation de la constitutionnalité de la non-réduction des voix de l’organisme d’HLM copropriétaire majoritaire

Si le principe énoncé par la loi du 10 juillet 1965 est celui d’une répartition des voix proportionnelle à l’importance des droits de chaque copropriétaire dans les parties communes de l’immeuble, des exceptions à cette disposition d’ordre public  figurent à l’article 22-I de la loi6. Lorsqu’un copropriétaire dispose de plus de la majorité absolue des voix, le nombre de ses voix est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires présents ou non, représentés ou non7. Toutefois, cette exception est écartée lorsque le copropriétaire majoritaire est un organisme d’HLM. Pour les requérants, cette exception porte une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété des autres copropriétaires. Ils mettent en exergue que l’organisme d’HLM peut alors imposer ses décisions à l’ensemble des autres copropriétaires. Les requérants auraient pu ajouter que cette prédominance des pouvoirs se trouvent renforcée par l’exercice fréquent, par ces organismes, de la fonction de syndic de la copropriété. Le Code de la construction et de l’habitation prévoit qu’en cas de vente d’un logement social par un organisme d’HLM à ses locataires, les fonctions de syndic de copropriété sont assurées, à moins qu’il n’y renonce, par l’organisme vendeur tant qu’il demeure propriétaire d’au moins un logement8.Dans une réponse ministérielle, il avait été indiqué que cette disposition trouvait sa justification dans la volonté d’encourager la vente des logements locatifs sociaux. Les organismes d’HLM peuvent ainsi continuer à gérer un patrimoine qu’ils connaissent9. «Cette différence de traitement s’explique aussi par la nécessité de faire face à une situation spécifique, la cohabitation, dans un même immeuble, de copropriétaires soumis au régime général et de locataires d’un organisme d’HLM dont l’organisme HLM peut, ainsi, défendre les intérêts».

Après avoir rappelé qu’il appartient au législateur de «définir les droits de la copropriété d’un bâti sans porter une atteinte injustifiée aux droits des autres copropriétaires», et réaffirmé ainsi le principe d’un contrôle de la justification des atteintes qui peuvent être portées aux droits des copropriétaires10, le Conseil constitutionnel écarte les arguments avancés à l’encontre de la disposition du Code de la construction et de l’habitation relatif à l’atteinte au droit de propriété. Il souligne, dans son cinquième considérant, que seule est exclue l’application de la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l’article 22 et non la première phrase qui prévoit que chaque copropriétaire dispose d’un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes. Puis, il déclare qu’aucune atteinte n’est portée au droit de propriété lorsque les voix d’un copropriétaire majoritaire ne sont pas réduites lors d’un vote en assemblée générale. Toutefois, le Conseil constitutionnel prend soin de préciser qu’il existe des limites à l’exercice de ses droits par un copropriétaire majoritaire, dès lors que les juges disposent d’outils pour lutter contre les abus de majorité. Ce qui laisse à penser qu’en l’absence de telles dispositions, son analyse serait différente. Enfin, le Conseil constitutionnel se prononce sur la limitation de l’exclusion de la réduction des voix aux seuls organismes d’HLM  et considère que cela n’est ni contraire au principe d’égalité ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

La décision du 11 juillet 2014 est donc claire ; l’alinéa 4 de l’article L. 443-15 du Code de la construction et de l’habitation est conforme à la Constitution. En écartant la règle réduisant les voix du copropriétaire majoritaire, le législateur a concilié les droits des différents copropriétaires et n’a pas porté atteinte au droit de propriété des copropriétaires. Cette solution rassurera sans doute les praticiens qui craignaient qu’à défaut de déclarer cette disposition conforme, la gestion des immeubles d’HLM ne soit plus compliquée11. Elle permettra peut-être aussi d’éviter la dégradation de certains immeubles soumis au statut de la copropriété en raison du refus de certaines copropriétaires d’approuver des travaux de réparation pourtant nécessaires. Les considérants de cette décision imposent cependant d’aller plus loin et conduisent à s’interroger sur la constitutionnalité de la disposition qui réduit le nombre de voix des copropriétaires majoritaires qui n’ont pas la qualité d’organismes d’HLM.


6- Toute clause d’un règlement de copropriété qui prévoit un mode de répartition des voix différent doit dès lors être réputée non écrite.V. en ce sens : CA Paris, 4 mai 1968, Gaz. Pal. 1968, 2, p. 128 ; CA Paris, 31 janvier 2002, Loyers et copr. 2002, comm. 210.
7- Cass. 3e civ., 2 juil. 2008, n° 07-14619, Bull. civ. III, n° 118, Inf. rap. Copr. janv. 2009,p. 17, obs. P. Capoulade, Loyers et copr. 2008, comm. 198.
8- CCH, art. L. 443-15, al. 1er.
9- Rép. min. QE n° 72872, JOAN 29 juin 2010.
10- V. en ce sens : Cons. Const., 20 mars 2014, DC, n° 2014-691, Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, cons. 46.
11- V. en ce sens G. Vigneron, Loyers et copr. 2014, com. 256.