[N° 539] - Confort d’été : Vers une climatisation écologique

par Maud PHILIBERT
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Index de l'article

Comment concilier confort thermique, économies d’énergie tout en respectant l’environnement ?
Pour rafraîchir l’air, quelques solutions de bon sens mais aussi des solutions techniques, architecturales ou de construction existent dans une logique de développement durable.
Réchauffement climatique, pics de canicule, augmentation du coût des énergies… Autant de facteurs dont il faut pouvoir tenir compte alors que le secteur du bâtiment représente 46 % de la consommation énergétique nationale et 25 % des rejets de CO2.

Maud PHILIBERT

 

Rafraîchir sans climatiseur

Les experts climatiques sont unanimes : vers la fin du siècle, plus de la moitié du territoire pourrait subir des températures de plus de 35°C pendant des durées de plus de vingt jours.
La canicule de l’été 2003 n’aura d’ailleurs pas été une catastrophe pour tout le monde.
« Pour les fabricants de climatiseurs, la chaleur de l’été 2003 et la psychose que de tels événements ne se répètent, entre juillet et septembre 2004 a provoqué une hausse des ventes de 30 à 40% selon les professionnels du secteur ».

De plus, la climatisation brûle de l’énergie pour faire du froid ce qui pose deux problèmes principaux :
- Les appareils de climatisation fonctionnent avec des fluides frigorigènes à base d’hydrofluorocarbones (HFC),  des substances à pouvoir de réchauffement 1300 fois plus élevé que celui du CO2,
- Les appareils de climatisation consomment beaucoup d’énergie.

À la maison, comptez 1kWh par heure de fonctionnement pour une pièce “moyenne”. À titre de comparaison, c’est également ce que consomme un frigo moyennement économe par jour... à raison de 10h/jour en été (100 jours), la climatisation d’une seule pièce reviendrait à 150 euros d’électricité.

Il existe plusieurs solutions, pas forcément onéreuses, pour rafraîchir l’habitat même si c’est souvent dès la conception et la construction de son habitation qu’il faut s’en préoccuper.


Stratégie facile à adopter

Pour trouver un confort thermique d’été qui tienne compte des différents paramètres évoqués (coût, environnement…) certains facteurs  saisonniers doivent d’abord être pris en compte :
- La variation de température entre le jour et la nuit
- Le rayonnement solaire ( CIA les surfaces d’échanges de l’enveloppe des bâtiments : toits, murs, volets, vitrages)…
- La chaleur interne dégagée par les occupants par leurs appareils ménagers, l’éclairage électrique…
- Le vent et le taux d’humidité de l’air

« Trouver une solution thermique adaptée implique par conséquent de tirer parti des avantages et désagréments de ces différents facteurs », explique Julien Fontaine, architecte spécialiste HQE à l’Agence Locale de l’énergie.


Techniques ancestrales ou en voie de développement

Parmi les différentes solutions, il existe une technique ancestrale et à coût moyen pour rafraîchir l’habitation : le « puits canadien » ou « provençal ». Le principe est d’une étonnante simplicité puisqu’il « consiste à faire passer, avant qu’il ne pénètre dans la maison, une partie de l’air neuf de renouvellement par des tuyaux enterrés dans le sol, à une profondeur de l’ordre de 1 à 2 mètres ».

En effet, la température du sol, au-delà de 1,5 mètre de profondeur, ne varie que de quelques degrés au cours de l’année. Elle est donc plus chaude ou plus fraîche que la température extérieure en fonction des saisons.

Autre solution ancestrale, le courant d’air. La « climatisation » d’un collège entier, réalisé en 2004 dans les Vosges, fonctionne ainsi sur ce principe, des ventelles dans les façades permettant d’aérer plus ou moins le bâtiment. Autant dire qu’il n’est pas très difficile d’appliquer ce principe pour une maison individuelle. Encore faut-il y penser là encore dès la conception.
Technique plus moderne qui utilise également l’énergie gratuite trouvée dans la terre, la géothermie. Grâce à une pompe à chaleur (PAC) et des collecteurs enterrés ou des sondes, il est possible de ‘pomper’ l’énergie gratuite naturellement présente dans l’eau, l’air ou la terre pour l’utiliser ensuite comme source d’énergie pour chauffer ou rafraîchir un logement.
La régulation de la température est assurée par un mécanisme qui mesure en permanence la température extérieure et la température intérieure du fluide caloporteur circulant dans le plafond ou dans le plancher.

La pompe à chaleur n’est pas la seule solution. Parmi les méthodes modernes, l’isolation renforcée des toitures et des combles contribue à rafraîchir la maison (voir interview de l’agence locale de l’énergie ).
Pour les murs, l’isolation extérieure est conseillée même s’il s’agit d’une pratique particulièrement onéreuse. La verdure peut faire baisser la température des parois jusqu’à 7 degrés en plein soleil.
Quant aux fenêtres, le double vitrage est de rigueur. Enfin, il existe quelques équipements utiles, comme les stores extérieurs, volets ou persiennes ou à défaut des films solaires réfléchissants collés sur le vitrage.


Techniques de demain

Il existe des appareils ou des techniques développés, ou en cours de développement qui tiennent compte de l’enjeu environnemental.

Les méthodes de climatisation à absorption et capteurs solaires permettent de s’orienter vers un nouveau mode de vie lors des périodes chaudes. Encore peu répandu, élaboré par des vignerons pour refroidir leurs caves, le principe est de produire du froid, de le maîtriser, et ce en captant l’énergie du soleil.

De manière vulgarisée, « la technique consiste à transformer la lumière en énergie thermique grâce à un capteur solaire sous vide. La chaleur ainsi recueillie est orientée vers une machine à absorption où est dissociée une solution d’eau et de bromure de lithium par ébullition.
Après refroidissement, la recombinaison des deux composants génère des frigories.

Le froid est ensuite distribué par un réseau d’eau glacée ».

De manière plus générale, le rafraîchissement solaire permet une réduction des pointes sur le réseau électrique, couplée à une protection de l’environnement majeure (réduction des émissions de CO2, de l’emploi de fluides frigorigènes, des nuisances sonores).

D’autres méthodes de rafraîchissement passif sont en cours de développement comme le géocooling. Le concept consiste «  à utiliser la fraîcheur du sous-sol grâce à des sondes géothermiques verticales ou grâce à des systèmes horizontaux, proches du sol, (puits canadiens et apparentés).
Ces techniques ont été utilisées jusqu’à maintenant principalement pour les besoins de chauffage ; pourtant un potentiel important existe en ce qui concerne l’usage estival »
explique Pierre Hollmuller, maître-assistant au Centre d’études de l’Energie de l’Université de Genève1.

1 - ALE Infos, Le confort d’été dans les bâtiments, N°19


Le regard d’un spécialiste de l’énergie 

“L’Agence Locale de l’Energie aide les professionnels et les syndics à se former à la Qualité Environnementale des Bâtiments”

L’Agence Locale de l’Energie peut renseigner toute personne du conseil syndical ou syndic de copropriété décidé à engager des travaux d’amélioration énergétique sur son bâtiment... Nous avons demandé à Aurélie PELADE, Chargée de missions - Habitat / Energies renouvelables de l’Agence Locale de l’Energie de l’agglomération lyonnaise quelques conseils en matière de climatisation écologique.

Comment travaillez-vous avec les cabinets d’études et les architectes à l’amélioration thermique du logement résidentiel? Quelles sont les principales contraintes auxquelles il faut faire face ?

En ce qui concerne les professionnels type Bureau d’étude ou architecte, l’Agence Locale de l’Energie peut les aider à se former à la Qualité Environnementale des Bâtiments. Elle peut apporter des informations et conseils sur les divers champs de la Qualité Environnementale des bâtiments en s’appuyant sur la documentation dont elle dispose et sur les expériences déjà réalisées en la matière sur le territoire du Grand Lyon.
L’ALE peut aider à développer, au sein des structures, des outils et des méthodes permettant d’appliquer des démarches de Qualité Environnementale à l’ensemble des projets. Elle peut aussi  les accompagner dans l’application des référentiels (habitat et tertiaire durable) du territoire du Grand Lyon. 
Pour le domaine de la copropriété, L’Agence Locale de l’Energie peut renseigner toute personne du conseil syndical ou syndic de copropriété. L’ALE aide à la réalisation d’un cahier des charges, la diriger vers les bureaux d’études et autres professionnels du bâtiments compétents, la renseigner sur les diverses aides possibles et l’aider à monter les dossiers de demandes de subvention auprès de la Région Rhône-Alpes et de l’ADEME.

Concrètement, quels sont les conseils que l’on peut donner aux copropriétaires désireux de disposer d’un confort thermique l’été qui soit respectueux de l’environnement ?

Empêcher la chaleur d’entrer est la façon la plus simple de se protéger des surchauffes estivales. Le problème actuel est que beaucoup de bâtiments récents n’ont pas de bonnes protections contre la chaleur, avec des surfaces vitrées surdimensionnées sans aucune  protection solaire comme des stores ou des volets.
Ajouté au fait que les murs n’amortissent pas les variations de température extérieure, tout cela concorde pour mener à un échauffement rapide et important.
Des techniques relevant du bon sens permettent de limiter les effets néfastes des températures estivales. Entre autres, fermer les volets en journée et fermer les fenêtres dès que la température extérieure est supérieure à la température intérieure et lors des fraîcheurs nocturnes, penser à les rouvrir pour évacuer la chaleur stockée par le bâtiment.Un travail d’amélioration des protections solaires et d’isolation du bâtiment doit donc être mené lorsque l’on souffre de surchauffe estivale.

“Beaucoup de bâtiments récents n’ont pas de bonnes protections contre la chaleur, avec des surfaces vitrées surdimensionnées”

On parle beaucoup d’inertie thermique  comme solution à privilégier pour le confort d’été de jour. Pouvez-vous nous expliquer de quoi s’agit-il ?

L’inertie thermique d’un bâtiment est sa capacité à stocker de la chaleur dans ses murs, ses planchers, etc. Plus l’inertie d’un bâtiment est forte, plus il se réchauffe et se refroidit lentement. Plus les murs sont épais et les matériaux lourds (béton, pierre, brique pleine, terre crue, etc.), plus l’inertie est grande. Une forte inertie est un atout pour le confort d’été de jour, en l’absence de climatisation : elle amortit les pics de surchauffe. Une bonne ventilation la nuit devra permettre d’évacuer la chaleur accumulée pendant la journée.

Quelles sont les solutions techniques simples à mettre en œuvre dans l’existant ?

Des alternatives à la climatisation sont possibles lorsque l’on souffre de surchauffe estivale.
Les protections solaires sont les premiers remparts face à la chaleur. La pose de volets (s’ils ne sont pas déjà présents) ou de stores extérieurs peut être envisagée. Cette solution peut tout aussi bien être appliquée en habitat individuel, qu’en collectif, le tout étant de savoir ce qui est réalisable dans votre copropriété en fonction de son règlement.
Ensuite, il est nécessaire d’améliorer l’isolation de votre bâtiment. L’isolation est un facteur qui apportera autant de confort en hiver qu’en été. Une bonne isolation thermique par l’extérieure permettra d’augmenter de manière significative l’inertie de votre bâtiment. L’isolation de la toiture empêchera la chaleur de s’enfuir en hiver et de rentrer en été. En outre, un bon brassage de l’air permet d’améliorer le confort de manière notoire, ce dernier peut se faire grâce à des ventilateurs portables ou des ventilateurs de plafonds. Le puits canadien, système passif permettant de rafraîchir l’air en été peut être mis en place (cf. question suivante).

“L’isolation est un facteur qui apporte autant de confort en hiver qu’en été”

En dernier recours un système de climatisation peut être mis en place.
Les systèmes de climatisation sont des machines frigorifiques. Comme dans un réfrigérateur, ces appareils captent la chaleur d’une pièce pour en faire baisser le niveau et la rejeter vers l’extérieur. Sachez que si les préconisations précédentes sont suivies, le besoin de faire appel à une climatisation ne devrait pas se faire sentir et cela permettra de ne pas augmenter votre consommation électrique estivale.

Les appareils électroménagers participent eux-aussi au réchauffement intérieur, il faut donc veiller à s’équiper d’appareils économes (surtout réfrigérateur et congélateur) en les choisissant grâce à  leur étiquette énergie et à limiter l’utilisation des appareils de cuisson.

Les systèmes type puits canadien sont-ils facilement intégrables par un architecte ? À quel coût ? Les avez-vous déjà expérimentés ?

Le puits canadien, également appelé puits provençal, est un système passif permettant de préchauffer l’air neuf en hiver et de le rafraîchir en été, en utilisant le potentiel thermique du sol : sa température à 2 m de profondeur est d’environ 5°C en hiver et 13°C en été.
Pour cela l’air extérieur circule, à l’aide d’un ventilateur, dans des canalisations enterrées ayant un diamètre et une longueur adaptés, avant d’être insufflé dans le bâtiment. En hiver l’air froid se réchauffe au contact du sol pour atteindre, une température de 2 à 5°C tandis qu’en été l’air extérieur profite de la fraîcheur du sol pour diminuer sa température et arriver dans le bâtiment entre 13 et 20°C.

Cette technique permet de rafraîchir des locaux neufs ou existants situés dans des régions où le climat présente des températures estivales supérieures à 30°C. Ce procédé permet aussi de tenir un bâtiment hors-gel, ce qui est très intéressant pour les résidences secondaires.
Enfin le puits canadien consomme très peu d’électricité, seul le système de ventilation en consomme, participe à la réduction de la consommation d’énergie du bâtiment.

Le coût d’un puits provençal ou canadien dépend essentiellement du coût de terrassement, donc si vous profitez d’autres travaux de terrassement dans le jardin, le surcoût pour creuser une tranchée de 1,50m sur 30m sera de l’ordre de 150 euros. En conséquence nous conseillons vivement que l’installation du puits soit faite pendant les travaux de fondation du bâtiment.

 


Trois objectifs pour une solution thermique d’été

1/ Limiter les apports solaires
2/ Réduire et dissiper l’énergie thermique à l’intérieur du bâtiment
3/ Favoriser les mouvements d’air et contrôler le taux d’humidité

Des gestes simples

Fermez les volets dans la journée et n’ouvrez pas vos fenêtres en plein jour car, généralement, il fait plus frais dedans que dehors.

Posez des bassines d’eau un peu partout.
Si vous le pouvez, offrez-vous un ventilateur de plafond. Si vous n’avez qu’un simple ventilateur, installez-le face à une serviette- éponge installée sur le dossier d’une chaise et dont la partie inférieure trempe dans une bassine d’eau. Vous humidifiez ainsi l’atmosphère qui devient moins chaude et plus respirable !


Sources 

ALE du Grand Lyon, Ateliers sur les solutions innovantes et retours d’expérience & Lettre d’information n°19, le confort d’été dans les bâtiments, avril/mai/juin 2007

« Chaud dehors, frais dedans », le confort d’été, guide de l’Ademe

« Fraîcheur sans clim », Le guide des alternatives écologiques», Thierry Salomon & Claude Aubert, ed. Terre Vivante, 2004, 160 pages, 15x21, 19,50 euros.

« Climatiser sa maison sans climatiseur» : http://www.travaux.com/dossier/construction-ecologique/229/Climatiser-sa-maison-sans-climatiseur.html

« Confort thermique », fiche technique, www.anah.fr