[N° 540] - Immeubles accessibles à tous

par Pascal MAES
Affichages : 18987

Index de l'article

En ce qui concerne des immeubles d’habitation, l’objectif de la loi est de généraliser leur accessibilité en construction neuve et lors de travaux réhabilitation supérieurs à 80 % de la valeur du bâtiment. Les aménageurs et architectes doivent préserver la continuité des déplacements entre l’extérieur et l’intérieur et à l’intérieur des logements et faciliter tous les gestes quotidiens notamment dans les parties communes : ouvrir et fermer la porte d’entrée, prendre l’ascenseur, monter et descendre l’escalier, différencier et utiliser les différents boutons-poussoirs, etc.   Ces précautions vont bénéficier aussi bien aux occupants de
l’immeuble qu’à leurs visiteurs handicapés ou vieillissants. De même, les dimensions recommandées pour l’usage d’un fauteuil roulant seront appréciées dans différentes situations de la vie courante : bagages, poussettes, livraison …. La conception et l’aménagement des abords extérieurs et des parties communes des immeubles vont par conséquent être appréhendés différemment, tout comme l’intérieur des appartements.      

Des abords extérieurs sans obstacle

Tout doit être étudié pour que, quel que soit l’handicap, les personnes puissent aller sans embûches de la rue au hall d’entrée, puis du hall d’entrée à leur appartement et aux locaux de service, et inversement. L’accessibilité concerne donc également la partie privative des abords de l’immeuble. S’il n’est pas possible que le terrain soit de plain-pied et plat, des dispositifs d’accès adaptés à tous les handicaps doivent être prévus. Les personnes doivent pouvoir se localiser, s’orienter et atteindre l’immeuble aisément et sans danger. En cas d’impossibilité d’établir un chemin entre la rue et l’immeuble, un espace de stationnement spécifique (plus large, identifié) doit être prévu à proximité de l’entrée de l’immeuble et relié à celle-ci par une voie appropriée. La largeur du chemin doit être au minimum de 1,20 m et la pente des rampes au maximum de 4% ou des paliers de repos doivent être conçus. Sur le parcours, pour ne pas risquer de bloquer la roue avant du fauteuil roulant, les diamètres et largeurs des trous et fentes doivent être inférieurs à 2 cm et les ressauts avoir une hauteur maximale eux aussi de 2 cm avec un bord arrondi ou un chanfrein.

La distance minimale entre deux ressauts successifs est de 2,50 m et les pentes comportant plusieurs « pas d’âne » sont interdites. Une possibilité de manœuvre et de demi-tour doit être prévue en chaque point où un choix d’itinéraire est donné à l’usager, ainsi que devant les portes d’entrée comportant un système de contrôle d’accès. De même, un espace de manœuvre est nécessaire de part et d’autre de chaque porte ou portillon situé le long du chemin, à l’exception de ceux donnant uniquement sur un escalier. Tout obstacle pouvant entraîner la chute de malvoyants ou de personnes âgées doit être refusé ; de même, le revêtement du chemin doit être non meuble (pas d’allée en graviers), non glissant et non générateur de flaque d’eau. Enfin, une rupture de niveau doit être compensée par un plan incliné n’excédant pas 5% ; si elle excède 40 cm de hauteur une main courante doit être installée ou, encore mieux, une main courante à 70 cm et une main courante à 1 m de hauteur.

Si un escalier mène à la porte d’entrée, une rampe doit bien entendu être prévue en parallèle, ainsi qu’une main courante pour tout escalier de plus de trois marches. A l’entrée de l’immeuble, un espace libre de 2 m par 2,50 m doit être réservé pour permettre à un fauteuil roulant d’effectuer une rotation complète (1,50 m de diamètre). La largeur de la porte d’entrée, s’ouvrant vers l’extérieur pour des raisons de sécurité incendie, doit être au minimum de 90 cm et, en présence de deux ouvrants, l’un au moins doit avoir cette largeur sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir le second.
Un sas doit être suffisamment profond pour laisser un espace libre de 1,50 m en dehors du débattement des portes et la barre de tirage horizontale être placée à 80 cm de hauteur pour rendre possible la man?uvre. Le ressort du ferme-porte doit être réglé de manière à ce que la porte soit facile à ouvrir et la fermeture plus lente. Pour le contrôle d’accès, mieux vaut opter pour un visiophone qu’un interphone, en particulier à l’intention des personnes à déficience visuelle.


Les parties communes à bonne hauteur

Une personne handicapée ou âgée doit pouvoir se repérer et utiliser les boutons du digicode, de l’interphone et de la sonnette …, allumer la lumière, appeler l’ascenseur, prendre son courrier dans la boîte aux lettres, poser son sac poubelle dans le conteneur …. Le hall d’entrée doit être conçu en terme de sécurité et de
facilité d’usage.
Il doit être bien éclairé et doté d’une signalétique claire, simple et à bonne hauteur. Cette dernière doit être conçue pour un repérage et une distinction tant des entrées d’immeubles que des appartements, au moyen de couleurs, relief, dessins, écriteaux ….
Il faut associer un texte simple à une image significative, utiliser des pictogrammes compréhensibles. Dans le hall, le revêtement de sol ne doit pas être glissant et le paillasson n’a plus sa place. Les interrupteurs et boutons d’appel doivent être placés entre 75 et 90 cm de hauteur, les accoudoirs des fauteuils roulants étant entre 70 et 72 cm du sol. La minuterie peut également être asservie à un détecteur de présence. L’escalier doit avoir une largeur minimale de 1,20 m et ses marches une hauteur maximale de 17 cm et une profondeur minimale de 28 cm. Les première et dernière marches doivent être visuellement contrastées pour pouvoir être identifiées facilement et, d’une façon générale, accentuer les contrastes de couleur facilite le repérage des personnes malvoyantes. Le nez des marches est signalé à la descente par une bande de texture différente. Une main courante doit être présente au moins un des deux côtés. La cabine de l’ascenseur doit avoir au minimum des dimensions intérieures de 1,40 par 1,10 m et le palier de chaque étage permettre à un fauteuil roulant de se placer dans l’axe de la cabine (1,50 x 1,50 m). Pour que chacun des boutons d’appels extérieurs et intérieurs puisse être identifié par une personne mal voyante, ils doivent être surdimensionné et le chiffre gravé avec un creux ou un relief suffisant, ou encore réaliser un marquage en braille. L’étage atteint doit être signalé visuellement dans la cabine et/ou vocalement ce qui est plus rare. Le microphone du signal d’alarme doit être positionné à la hauteur naturelle de la bouche d’une personne en fauteuil roulant (1,20 m) et il ne faut plus prescrire de modèles à touches sensitives. Cette même personne en fauteuil roulant doit pouvoir s’approcher de sa boîte aux lettres, l’ouvrir, prendre son courrier. A cet effet, les boîtes aux lettres doivent être placées entre 50 cm et 1,40 m et à plus de 40 cm d’un angle rentrant. Elle doit également pouvoir avoir une approche latérale des trois containers de tri sélectif, via un couloir de circulation d’une largeur entre 90 cm et 1,20 m, ouvrir le couvercle, jeter ses ordures et fermer le couvercle. Enfin, l’alarme incendie  sonore doit être doublée d’une signalisation visuelle dans les parties communes et à
l’intérieur des logements.  


Douches et balcons accessibles

Les logements doivent, quant à eux, être conçus adaptables et transformables ultérieurement sans intervention lourde. Un fauteuil roulant doit pouvoir passer par les portes et circuler à l’intérieur de l’appartement ; il doit pouvoir également avoir accès aux toilettes. A partir de 2010, une douche devra également être accessible, par exemple en posant dès l’origine un siphon de sol afin d’installer une douche à l’italienne. Dans la chambre, un fauteuil doit pouvoir circuler autour des trois côtés du lit et les fenêtres, en particulier celle de la cuisine, doivent être accessibles. Une grande nouveauté pour les immeubles collectifs dont la construction a fait l’objet d’une demande de permis de construire depuis le 1er janvier 2008 concerne l’accessibilité des balcons de plus de 60 cm de large, terrasses ou loggias. Ceux-ci doivent posséder au moins un accès depuis une pièce de vie pour le passage d’une personne en fauteuil roulant, ce qui suppose une absence de seuil ou une hauteur maximale 2 cm. De nouvelles solutions techniques sont à l’étude pour résoudre les problèmes d’étanchéité que cette exigence engendre (dalles sur plots, caillebotis …). Les poignées doivent être situées entre 90 cm et 1,30 m et facilement manoeuvrables debout et assis. Le côté intérieur de la baie vitrée semble plus délicat à traiter ; dans l’attente de solutions généralisables, des équipements mobiliers ou mécaniques vont assurer à moindre coût l’accessibilité vers les espaces privatifs extérieurs.

Textes réglementaires

Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Décret du 17 mai 2006 : permis de construire déposés à partir du 1er janvier 2007 pour des bâtiments d’habitation collectifs neufs doivent assurer l’accessibilité : portes, circulations, cuisine, séjour, chambre, cabinet d’aisance, salle d’eau.  Application aux rénovations lourdes
A partir du 1er janvier 2008 : accessibilité aux balcons
A partir de 2010 : accessibilité aux douches
Arrêté du 1er août 2006 : précisions sur les cheminements extérieurs, stationnement, circulations intérieures des logements ….
Arrêtés du 26 février et 21 mars 2007 : parties communes, espaces privés, circulations, signalisation
Arrêté du 3 décembre 2007 : attestation de respect des règles d’accessibilité délivrée, à la fin du chantier par un contrôleur technique ou un architecte autre que celui qui a conduit l’opération. Sanctions pénales  45 000 euros d’amende à six mois d’emprisonnement.


3 questions à Jean-Yves Colas, directeur Etudes & Recherche de l’Association Qualitel et à Emilie Fledrich, ingénieur Etudes & Recherche

Pourquoi avoir associé une option “accessibilité – habitabilité” à la certification Habitat & Environnement pour les logements neufs ?

Nous voulions donner la possibilité aux maîtres d’ouvrage volontaires d’aller plus loin que les obligations réglementaires sur cet aspect de la conception des logements.
Le but des certifications Qualitel et de leurs options est toujours de tirer les opérations vers le haut. L’option “accessibilité – habitabilité”  obtient la note 3, 4 ou 5 selon le niveau de prestations prescrit. Cependant, le référentiel ne demande pas d’équipements supplémentaires ; il prend en considération les même aspects que ceux de la réglementation en les rendant plus exigentiels ce qui se traduit essentiellement par des adaptations en terme conception.

Quelle différence faites-vous entre accessibilité et habitabilité ?

Au-delà de la volonté de faciliter la vie des personnes handicapées, nous pensons qu’il est indispensable aujourd’hui d’intégrer, à la conception des logements, les aspects de nécessité évolutive de la personne vieillissante pour répondre à une demande forte de maintien à domicile. Dans ce cadre, l’accessibilité concerne le cheminement et les circulations horizontales et verticales, l’habitabilité est la capacité des logements à s’adapter au vieillissement (ou à l’handicap).
Prévoir l’adaptabilité aux personnes âgées et l’accompagnement du vieillissement est une réponse aux besoins réels, actuels et futurs, de la population.

Pouvez-vous donner quelques exemples d’exigences du référentiel Qualitel allant plus loin que la réglementation ?

La largeur des cheminements est plus importante : 1,60 m à l’extérieur et 1,50 m dans les parties communes de manière à ce que deux personnes en fauteuil roulant puissent se croiser. Les rampes doivent comporter une main courante ou un garde-corps. L’escalier de l’immeuble doit présenter un giron supérieur ou égal à 32 cm, une hauteur de marches de 15 cm au lieu de 17 cm, des parties de repos obligatoire en l’absence d’ascenseur …Par ailleurs, 10 à 15 % des places de stationnement doivent être adaptées aux résidents et visiteurs vieillissants ou handicapés. Des recommandations concernent également le mobilier à l’intérieur des logements : hauteur des plans de travail, portes coulissantes pour les placards ….


Accessibilité et patrimoine existant

Dès leur publication en janvier 2006, les certifications Patrimoine Habitat et Patrimoine Habitat & Environnement ont intégré le thème “accessibilité et qualité d’usage”. Pour obtenir la certification, le maître d’ouvrage doit satisfaire un certain nombre de thèmes, tout en sachant que ceux non retenus doivent néanmoins atteindre un niveau de performance minimal. Il peut donc opter pour “accessibilité et qualité d’usage” s’il en a la volonté et si la rénovation s’y prête. Ce thème présente trois niveaux : 3 adaptation des parties communes aux personnes âgées, 4 adaptation aux handicaps sensoriels, 5 adaptation des parties communes et au moins 5 % des logements aux handicaps moteur.