L’élimination des déchets est un véritable enjeu environnemental. En ce début 2024, le tri obligatoire des biodéchets instaure de nouvelles règles du jeu en copropriété. Explications.
Tous les résidents en copropriétés se sont habitués ces dernières années à regarder la couleur du bac avant d’y déposer leurs déchets et à choisir le jaune ou le bleu en fonction de qui est recyclable et de ce qui ne l’est pas. Il faudra sans doute désormais s’habituer à un nouveau bac : le bac brun (parfois orange foncé en fonction des localités) destiné à la collecte des biodéchets.
En effet, le tri des biodéchets est devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2024 pour tous les ménages français avec l’entrée en vigueur de la loi anti-gaspillage du 10 février 2020. «Attention de ne pas confondre compostage et tri des biodéchets. Personne n’est obligé à faire du compostage alors que tous les ménages doivent trier leurs biodéchets», précise Cécile Nlend, juriste chez PAP (de Particulier à Particulier).
©AdobeStock
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 695 de janvier - février 2024
L’Agence pour la transition écologique (ADEME) estime que les déchets organiques représentent un tiers des ordures ménagères et 83 kilogrammes par an et par habitant. A l’heure actuelle, ces déchets sont enfouis ou incinérés. L’objectif est de les valoriser pour les transformer en engrais ou en biogaz pour atteindre la neutralité carbone.
L’organisation de la collecte des biodéchets revient à la collectivité locale. Cette dernière peut mettre à la disposition du public un point de collecte dans la rue ou dans le quartier à 150 mètres maximum du domicile des riverains pour que cela fonctionne. Le nombre d’habitants ne peut pas être trop important : un maximum de 250 habitants pour une benne est le chiffre conseillé par les pouvoirs publics. Il peut également s’agir d’une collecte de porte à porte comme les autres poubelles avec, par exemple, un passage hebdomadaire.
Un retard important dans l’organisation de la collecte
En principe, les copropriétés ont dû recevoir ce fameux bac marron qui prendra place avec les autres ou le recevront sans tarder. Pour autant, dans les faits, un grand nombre de collectivités est en retard. Seulement 40 % des Français seront effectivement équipés de bacs marrons en 2024. En copropriété, cette collecte se heurte à des obstacles supplémentaires : le principal étant celui de la place. Dans les grandes villes et notamment dans les immeubles anciens, les espaces sont trop exigus pour recevoir un nouveau bac. «D’autant qu’il faudrait mettre ce bac marron loin des autres pour éviter les erreurs qui seront certainement nombreuses. En témoignent les difficultés avec le tri des cartons et bouteilles plastiques alors que les poubelles jaunes sont en place depuis des années», regrette Francis Bourriaud, fondateur de ADB conseils qui accompagne les copropriétés dans leur gestion.
Idéalement, il faudrait donc un espace à part pour les bacs marrons, ce qui n’est pas possible dans bien des immeubles. L’ADEME indique que les personnes logeant en habitat collectif trient effectivement deux fois moins qu’en maison individuelle et font aussi plus d’erreurs. La présence de vide-ordure sur le palier dans de nombreux immeubles afin d’éviter à l’occupant de descendre au local poubelle est également un problème car il n’incite pas au tri. Autre frein au tri des biodéchets : les résidents craignent que les odeurs du bac soient trop fortes et que les déchets attirent des insectes ou des rongeurs.
Toutes les copropriétés ne seront donc pas équipées d’un bac marron. La ville de Paris avait ainsi lancé une expérimentation dans les 2e, 12e et 19e arrondissements mais va stopper cette démarche et supprimer les bacs marrons dans les immeubles car les occupants ne les utilisent pas, la collecte étant trop peu abondante. À la place, 500 points de collectes seront installés dans les rues de Paris dans les prochains mois. Mais d’autres villes, comme Lorient, Poitiers ou Montpellier, semblent être plus en avance sur cette démarche. Certaines de ces collectivités ont distribué un bio-seau, c’est-à-dire une petite poubelle de cuisine aérée qui permet de collecter les biodéchets dans l’appartement avant de les jeter dans les bacs marrons. Des sacs biodégradables en papier sont également fournis.
©Stefan Redel / Adobe Stock
Une obligation d’information
Si, toutefois, la copropriété fait partie des endroits où le bac marron est déjà en place, la première chose à faire est d’informer les occupants sur les modalités d’utilisation de ce nouveau mode de tri. Depuis le 1er janvier 2022, le syndic a l’obligation d’informer les résidents sur les règles locales de tri des déchets, leur fournir l’adresse, les horaires et les modalités d’accès à la déchetterie dont dépend la copropriété. Cette information doit être affichée de manière visible dans les espaces affectés à la dépose des ordures ménagères et elle devra être transmise au moins une fois par an aux occupants de l’immeuble et aux copropriétaires (art. 18, L. 10 juillet 1965). Le conseil syndical peut, lui aussi, participer à cette information. En effet, plus les copropriétaires notamment les élus, s’investissent, plus le reste des occupants est entraîné par le mouvement. Si seul le syndic communique, les résidents risquent d’estimer que ce tri ne les concerne que de loin.
Le conseil syndical peut expliquer aux occupants en quoi consistent exactement ces biodéchets, ce que les copropriétaires ne savent pas toujours. Il en existe de deux catégories : ce sont, d’abord, les déchets verts résultant de la tonte de la pelouse, des feuilles mortes ou encore de la taille des haies, par exemple. Seules les copropriétés possédant des espaces verts sont concernées dans ce cas de figure.
Le deuxième type de biodéchets est constitué par les déchets alimentaires qui concernent la totalité des ménages et il s’agit de restes de repas, de produits périmés non consommés (sans leurs emballages), des épluchures de fruits ou de légumes, des coquilles d’œufs, des marcs de café, des sachets de thé... Il peut également s’agir de déchets secs comme les boîtes à œufs ou des rouleaux de papier hygiénique. En revanche, les restes alimentaires cuits avec des matières grasses, les déchets de viande et de poisson ou les plastiques bio dégradables ne peuvent pas être compostés et doivent rester dans les poubelles ordinaires.
Localement, les informations ne sont pas toujours exactement les mêmes en fonction du tri ultérieur prévu par la collectivité. Il faut donc se référer aux informations fournies. Celles-ci peuvent être affichées sur le bac ou bien sur le site internet de la ville ou encore sur un prospectus remis généralement en même temps que le bio-seau ou le bac marron. Sans la présence d’un bac marron, l’information doit porter sur la façon dont les résidents peuvent se rendre à un point de collecte.
Des locaux poubelles aux normes
Les immeubles dotés de ce bac marron ont tout intérêt à profiter de ce changement pour vérifier que leur locaux poubelles respectent bien les règles en vigueur et d’effectuer des travaux si nécessaire. Cela permettra, dans certains cas, de vaincre la résistance des occupants quant à ce nouveau mode de tri, parfois considéré comme un peu répugnant.
S’il s’agit de petits travaux par exemple un coup de peinture ou un nettoyage à fond, cela peut être prévu sur le budget courant de l’immeuble, sinon il faudra un vote en assemblée générale. La responsabilité de cette vérification est celle du syndic de la copropriété, mais aussi du conseil syndical qui contrôle et assiste le syndic.
Les règles, fixées notamment par l’article R. 111-3 du Code de la construction et de l’habitation et une circulaire du 26 avril 1982, indiquent que le local à poubelle doit être clos et ventilé. Il doit être doté de portes permettant une fermeture hermétique, avoir des parois (murs et sols) imperméables et ininflammables et interdire l’intrusion des insectes et des rongeurs. Le local doit être équipé d’un poste de lavage et d’un système d’évacuation des eaux. Il ne doit pas non plus communiquer directement avec les logements ou locaux commerciaux (restaurant ou vente de produits alimentaires).
Les textes indiquent également que si la configuration de l’immeuble ne permet pas la création d’un local à poubelle, les bacs à ordures peuvent être installés à l’emplacement le moins gênant pour les occupants. Cet emplacement ne peut pas être les lieux d’accès à la cage d’escalier. Le local doit être maintenu dans un bon état de propreté, tout comme les bacs à ordures qui y sont installés. L’entretien et le nettoyage du local et des bacs doivent être réalisés de façon à ce qu’aucune odeur ne puisse pénétrer à l’intérieur des logements et locaux commerciaux de l’immeuble. Ces tâches sont assurées par le gardien ou le concierge de la copropriété ou encore par une entreprise mandatée par la copropriété.
Les occupants de l’immeuble doivent avoir accès au local à poubelles (ou aux bacs à ordures s’il n’y a pas de local) chaque jour, y compris si la collecte n’est pas quotidienne. Les bacs destinés à recevoir les déchets doivent être en nombre suffisant pour éviter toute surcharge et être équipés d’un couvercle. Enfin, le règlement de copropriété peut fixer des règles spécifiques d’utilisation et d’accès au local à poubelles comme l’utilisation d’une clé par exemple.
Si le local est source de nuisances notamment parce qu’il ne respecte pas les caractéristiques techniques et sanitaires, les occupants de l’immeuble peuvent contacter le service communal d’hygiène et de santé de la mairie qui pourra prendre des mesures pour la mise en conformité des lieux.
Valoriser au sein de la copropriété
Pour les résidents particulièrement motivés, la collecte et la valorisation des biodéchets peuvent être faites au sein de la copropriété. Pour préparer le projet, il faudra surmonter la réticence ou le manque d’intérêt des occupants. Mais même un petit nombre de personnes suffit pour rendre le projet viable. Il n’y a pas d’obligation d’être membre du conseil syndical pour entamer la démarche. Un copropriétaire motivé peut faire le travail. En revanche, membre du conseil syndical ou pas, il faudra consulter les copropriétaires pour des modifications importantes dans l’organisation du tri des déchets et l’utilisation de l’espace.
Les copropriétés qui se lancent et disposent d’espaces verts pourront valoriser leurs déchets végétaux sur place. Souvent les entreprises chargées du jardinage évacuent les déchets pour les déposer en déchetterie mais, si la copropriété le souhaite, elle peut conserver les déchets et les composter. «La copropriété pourra utiliser le compost pour nourrir ses massifs», propose Francis Bourriaud. Il faut cependant qu’elle dispose de suffisamment de place pour installer cet espace destiné aux déchets végétaux.
Si l’immeuble ne dispose pas d’espaces verts, le compostage sera issu des déchets alimentaires. Et pour l’utilisation du compost produit, il est possible de se mettre d’accord avec des propriétaires de jardins alentours ou d’autres copropriétés. Cela signifie un travail de négociation en amont et il est préférable que l’immeuble ne se situe pas en zone urbaine dense. En effet, en plein Paris ou de manière générale dans un centre-ville, il sera difficile d’écouler le compost à proximité. Dans ce cas, la solution la plus simple est de remettre le compost à la collectivité locale qui pourra le recycler. Il est également possible de vendre son compost à des sociétés qui rachètent les déchets organiques aux collectivités locales comme Sede (groupe Véolia). Il faut prévoir entre 30 et 50 euros la tonne. Il semble donc difficile de compter sur ce type de recette pour diminuer les charges de copropriété, à moins de produire énormément de compost.
Le compostage collectif prend généralement la forme de différents bacs posés côte à côte. Les biodéchets y sont déposés et en les transvasant régulièrement d’un bac à l’autre, cela permet de mélanger régulièrement le contenu des bacs à compost jusqu’à la production de terreau. Rappelons que le compostage implique de mélanger régulièrement les déchets pour faciliter leur dégradation, ce qui nécessite de l’entretien.
Pour les copropriétés qui ne disposent pas d’espace extérieur, il est possible d’installer des vermicomposteurs ou lombricomposteur, c’est-à-dire un composteur prévu pour que les déchets soient décomposés par des verres de terre. Comme ce récipient est fermé et ne produit pas d’odeur, il peut être installé dans un local intérieur mais il peut également s’agir d’une cour ou d’un local de service. La métropole de Montpellier donne, par exemple, le choix aux copropriétés entre un bac à compost classique ou un lombricomposteur. Rappelons que les collectivités locales fournissent généralement des composteurs gratuitement ou à petit prix.
Restera, enfin, à valider le projet d’installation des bacs à compost. Il faudra le voter en assemblée générale, à la majorité de l’article 24, c’est-à-dire la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. Sans convaincre une majorité de copropriétaires, le compostage ne sera pas possible.
©AdobeStock