Copropriété : Comment améliorer l'étiquette énergétique ?

par Nathalie Levray, Journaliste
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Confronté à un blocage de sa copropriété pour entreprendre la rénovation énergétique globale de l’immeuble, un copropriétaire peut imaginer procéder à des travaux individuels dans son logement. Avant cela, il tentera tout pour convaincre ses voisins. A défaut, il se fera épauler par un maître d’œuvre.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 687 d'avril 2023

Interdiction progressive de mise en location des logements étiquetés G, F puis E. Un propriétaire ne peut déjà plus signer un nouveau bail pour un logement considéré «indécent» par le décret du 11 janvier 2021, c’est-à-dire, depuis le 1er janvier 2023, si son logement, situé en France métropolitaine, est étiqueté G+ du diagnostic de performance énergétique (DPE) et consomme plus de 450 kWh/m2 par an d’énergie finale. Et, au 1er janvier 2025, même punition pour les logements ayant obtenu un classement G ; les logements à l’étiquette F seront exclus du marché locatif en 2028, les logements notés E en 2034. Quand l’étiquette énergétique est mauvaise, que peut faire le propriétaire désireux de louer son bien en copropriété ou de le vendre ?

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L’étiquette énergétique

Guide à destination des diagnostiqueurs, Céréma, ministère de la Transition Écologique

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est synthétisé au moyen de deux étiquettes, comportant chacune sept classes de A à G (A correspondant à la meilleure performance, G à la plus mauvaise). L’étiquette énergie renseigne sur la consommation d’énergie primaire, en kWhEP/m²/an ; l’étiquette climat, sur la quantité de gaz à effet de serre associée, en kgéqCO2/m²/an. Le classement énergétique est donc équivalent à un double classement dont l’étiquette finale correspond au plus mauvais des deux classements. Cinq usages sont scrutés : le chauffage, l’eau chaude sanitaire, le refroidissement, l’éclairage et les appareils auxiliaires.

Le DPE recommande les travaux à réaliser et permet d’estimer les charges énergétiques d’un logement. Il est pleinement opposable depuis le 1er juillet 2021. Ainsi toutes les données utilisées pour le réaliser doivent-elles être justifiées par le propriétaire et par le diagnostiqueur lequel fournit l’ensemble des relevés effectués. Conserver les preuves des travaux réalisés à valoriser dans le DPE est ainsi fondamental. Les recommandations de travaux contenues dans le DPE n’ont, elles, qu’une valeur indicative.

Source : Guide à destination des diagnostiqueurs, Céréma, ministère de la Transition Écologique


Embarquer tous les copropriétaires…

«Autant que possible, la solution collective doit être privilégiée dans l’immeuble en copropriété», estime Frédéric Delhommeau, directeur Habitat et rénovation à l’Agence parisienne du climat. «C’est à ce niveau-là que se jouent les pertes énergétiques, sur les murs extérieurs, la toiture, les planchers bas et les huisseries». Si le directeur mentionne l’isolation par l’extérieur [lire IRC, n° 679], il note aussi la nécessité «d’embarquer les autres copropriétaires». Sur ce point, la situation s’est améliorée : l’atteinte du seuil de majorité nécessaire pour le vote est «plus accessible depuis quelques mois», notamment en raison du récent intérêt des copropriétaires-bailleurs. L’architecte Éric Rocher du cabinet Rocher et Amouroux évoque un travail de conviction et de «pédagogie auprès des copropriétaires, à mener par les membres du conseil syndical pour faire avancer la copropriété».

Les travaux d’ITE doivent être évidemment précédés par une étude globale portant sur les autres mesures à prendre : «dès qu’il est question d’isolation, conseille

Frédéric Delhommeau, il faut envisager la question de la ventilation puis de la source et du mode de chauffage». Les immeubles peu isolés construits au cours des trente glorieuses avec une ventilation naturelle peuvent recevoir une installation de ventilation mécanique contrôlée (VMC). «La VMC double flux sera plus efficace, même si elle est souvent complexe à installer», indique-t-il. Quant au système de chauffage [lire IRC, n° 682], le gaz était, il y a encore peu, «la solution évidente». Le réseau de chaleur urbain – quand il est à portée – est aujourd’hui «la solution intéressante grâce à ses prix régulés» d’une part, et, d’autre part, parce qu’il peut devenir «bien plus concurrentiel en faisant évoluer la source de chaleur vers une énergie renouvelable».

En revanche, la mise en œuvre d’une pompe à chaleur (PAC) est plutôt compliquée en collectif. Néanmoins les copropriétés d’importance peuvent trouver avantage à prévoir un captage vertical au-dessus d’une nappe phréatique. L’installation, avec une boucle géothermique et un liquide géo-capteur de chaleur, nécessite des «travaux considérables» mais peu de foncier. La solution technique d’une PAC air-air ou air-eau pose davantage question. En cause, les nuisances sonores ou l’atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble.


… ou faire cavalier seul

A défaut d’accord sur des travaux de rénovation énergétique au sein de la copropriété, un copropriétaire peut vouloir faire cavalier seul pour améliorer l’étiquette énergétique de son logement, quand bien même sa responsabilité pourrait être exclue en cas de refus de travaux par la majorité ou de travaux en cours. Un point restant à valider au moment de la sortie du texte définitif [lire encadré ci-dessus] Laurent Demas, directeur de Vert Durable, cabinet d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’ingénierie financière, principalement en copropriété, fait le lien entre «des demandes très récentes» en ce sens et l’interdiction de louer.

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D’une manière générale, les professionnels sont réticents sur des travaux en solitaire. Frédéric Delhommeau met en garde contre des «travaux individuels contreproductifs», évoquant la rénovation au niveau de l’immeuble comme «l’idéal, avec une performance énergétique globale, techniquement plus logique». De son côté, Éric Rocher s’interroge sur «ce qu’il se passera quand la copropriété lancera par la suite une rénovation énergétique». Le copropriétaire avant-gardiste aura à payer sa part… Laurent Demas relève, en outre, la «difficulté de trouver des artisans sérieux en matière d’isolation intérieure», davantage chasseurs de primes CEE que de Kwh. Un point de vue partagé par Éric Rocher qui souligne «l’incompétence de la plupart des artisans franciliens, qui proposent des travaux peu chers, sans être formés et sans suivre les règles et les normes en vigueur». Leur label RGE ne serait ainsi pas une garantie. «Les travaux individuels n’ont pas de sens sauf en cas d’impossibilité totale de travaux collectifs», tranche Frédéric Colas, secrétaire de Planète copropriété. En copropriété, l’audit énergétique et le diagnostic technique général garantissent en principe une bonne rénovation.

Quoiqu’il en soit, des actions peuvent être entreprises pour améliorer l’étiquette énergétique de son logement. Le ministère de la Transition énergétique indique sur son site qu’«un copropriétaire ayant réalisé des travaux à l’échelle de son logement gardera toujours la possibilité de remplacer [le] DPE généré à partir des données collectives par un DPE individuel plus classique». Après travaux, le copropriétaire devra programmer la visite de son propre logement par un diagnostiqueur agréé afin de valoriser les travaux réalisés et restituer la véritable performance énergétique de l’appartement. L’interface entre étiquette individuelle / collective reste toutefois à caler au plan technique, notamment en raison du manque de recul des thermiciens à cet égard.

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Isolation intérieure, ventilation puis chauffage

Le nec plus ultra pour améliorer efficacement son étiquette énergétique, c’est-à-dire «gagner deux classes» pour Frédéric Colas, est d’offrir au logement une isolation intérieure. Une opération plus facile à mener si l’appartement est vide d’occupants, entre deux baux par exemple. «L’opération oblige à déporter toute l’installation électrique, les prises notamment, et le résultat obtenu reste en-deçà d’une isolation extérieure faute de traiter les ponts thermiques», tempère Éric Rocher. La décoration intérieure sera en outre largement à refaire. Le challenge est coûteux en espèces sonnantes et trébuchantes comme en mètres carrés. Il faut compter «une perte de 20 cm sur chaque mur pour poser l’isolant, prévoir le vide d’air et le parement», prévient Frédéric Delhommeau.

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A moins d’opter pour une isolation sous-vide, techniquement au point, cinq fois plus efficace qu’une laine de verre, offrant un gain d’espace de 5 à 10 % selon l’ADEME (6 cm au sol), mais de l’ordre de 250 €/m2 estime Frédéric Colas, et avec très peu de professionnels sachant la poser. Elle est, en outre, à bannir des logements loués, le propriétaire ne pouvant jamais être assuré que son locataire respectera l’interdiction formelle d’accrocher des objets aux murs, sous peine de percer l’isolant...

Le choix devra alors se porter sur la laine de roche ou de verre, le polyuréthane, le polystyrène extrudé ou des solutions biosourcées, minérales ou synthétiques, fibre de bois, ouate de cellulose, enduit chaux-chanvre ou aérogel. Chaque matériau présente des caractéristiques propres en termes d’isolation thermique ou acoustique, d’écologie et de simplicité de pose. Leur prix et leur performance dépendent de leur résistance thermique, de leur conductivité et évidemment de leur épaisseur.

 

Même si le matériau biosourcé est évidemment mieux pour l’environnement, «le DPE ne prend pas en compte le type de matériau choisi», rappelle Frédéric Delhommeau. Reste qu’il faudra absolument analyser l’efficacité de la solution au regard de l’indispensable ventilation du logement, une mauvaise circulation de l’air conduisant à des problèmes d’humidité. «Faute de conduit de VMC collectif, il faudra prévoir un rejet en façade de l’immeuble», alerte Éric Rocher. Une solution qui requiert un accord de la copropriété…

«Avec un chauffage collectif, le gain est évidemment plus compliqué à atteindre», ajoute-t-il, en raison des faibles possibilités d’action sur ce premier poste de dépenses en copropriété. La taille et l’emplacement du logement, en pignon ou au milieu de l’immeuble, sur la façade nord ou sud, sont en outre des facteurs déterminants pour les économies. «Si le chauffage est individuel, il sera plus facile de s’en sortir». L’architecte met en garde sur l’ordre des travaux et préconise de privilégier l’isolation, «pour avoir le moins besoin de chauffer» avant de s’intéresser au mode de production du chauffage. Remplacer ses vieux radiateurs électriques en mode grille-pain par des radiateurs «chaleur douce», équipés d’électronique pour réguler la température est évidemment la base.

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Fenêtres et équipements

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Le copropriétaire peut aussi mener plusieurs autres types de travaux tels le changement de ses fenêtres pour des modèles à double vitrage, le remplacement de son chauffe-eau, la pose de robinet thermostatique ou d’un programmateur de chauffage, le calorifugeage des tuyaux. Remplacer ses fenêtres est sans doute le plus simple même si «ce choix est plus onéreux en individuel faute de négocier un prix moindre pour un achat groupé au niveau de la copropriété», note Frédéric Delhommeau. Il faut aussi «faire attention à l’aspect et au matériau des huisseries» qui doivent correspondre à ce qu’impose le règlement de copropriété. Si l’appartement est équipé d’un chauffe-eau, «basculer vers la thermodynamie est une bonne option». Les travaux amélioreront sans doute le confort de vie dans le logement, mais il n’est pas certain que ces investissements soient suffisants pour grimper dans l’échelle de la performance thermique.

Pour bien apprécier l’intérêt de la démarche, Frédéric Colas donne cet ultime conseil : «le copropriétaire qui veut se lancer dans des travaux individuels d’amélioration énergétique a tout intérêt à recourir à un maître d’œuvre». Celui-ci saura cerner ses besoins en réalisant l’indispensable étude thermique du logement, définir les travaux à effectuer et les bénéfices à en tirer. Et établir un budget cohérent au regard du projet.

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