Interview de Jean-Luc Detavernier, Président de la commission communication de la Fédération des Ascenseurs
Pourquoi le parc français des ascenseurs est-il décrit comme le plus vétuste d’Europe ?
La France a connu un gros effort de construction dans les années 50, après la 2ème guerre mondiale, et de nombreux ascenseurs datent de cette époque.
Jusqu’à maintenant, il n’existait qu’une obligation de maintenance et non de modernisation et de mise en sécurité (sauf la porte intérieure de la cabine) ; donc, les appareils fonctionnent bien.
On peut les comparer à des voitures de collection bien entretenues par leurs propriétaires mais qui n’ont ni air-bag, ni ceintures de sécurité. Un ascenseur est un moyen de transport comme les autres, mis à la disposition de tout le monde et utilisé par un grand nombre de personnes (100 millions de personnes transportées par jour en France).
Le propriétaire d’une voiture ancienne dotée d’une mauvaise garniture de freins ne va pas prendre l’autoroute, il va encore moins la prêter à un tiers. Par conséquent, une fois les risques identifiés par un homme de l’art, il
est de la responsabilité de la copropriété et du syndic de prendre des décisions en assemblée générale. D’ailleurs, si un accident survient, le juge cherchera à se faire une opinion sur la prise de risques de la copropriété, surtout si ces derniers avaient été identifiés. Comme tout le monde attend le dernier moment pour faire les travaux, la loi était indispensable.
Indispensable mais avec prolongation du délai d’application ?
Il faut reconnaître que, suite aux délais classiques de parution des décrets et de prises de décision dans une copropriété, le temps imparti aux travaux s’était nettement réduit et le planning des ascensoristes vite saturé.
Mais il en va de la sécurité des occupants de ne pas ralentir la dynamique amorcée. En effet, les mécanismes de consultation et de prise de décisions sont longs, en particulier dans les copropriétés, le volume de travaux à effectuer d’ici 2010 demeure conséquent et les plans de charge des entreprises, à l’approche des échéances, vont continuer à s’alourdir même si parallèlement elles ont accéléré la formation et le recrutement des techniciens.
Les commandes passées tardivement risquent de ne pas pouvoir être réalisées dans les délais souhaités. L’objectif est bien entendu d’éviter les accidents, notamment ceux très graves ou mortels d’usagers ou de techniciens (6 à 10 par an pour les 450 000 ascenseurs accessibles aux personnes en France)
mais aussi réduire ceux plus fréquents comme les dames d’un certain âge qui se cassent le col du fémur en trébuchant si la cabine de l’ascenseur ne s’arrête pas exactement au même niveau que le palier. L’enjeu est donc maintenant de faire bon usage de cette prolongation. Une gradation des travaux peut être programmée en fonction des risques identifiés, comme par exemple clôturer la gaine de l’ascenseur sur toute la hauteur, empêcher le démarrage de l’ascenseur si la porte palière n’est pas verrouillée, mais il peut être parfois judicieux d’anticiper les travaux des 2ème et 3ème tranches.
Bon nombre de copropriétés craignent une hausse des prix et un manque de possibilité de mise en concurrence. Qu’en pensez-vous ?
Il ne faut pas confondre la nécessité de mise en sécurité et par conséquent un volume de travaux plus lourds à mettre en œuvre qui pèse sur les charges pour travaux exceptionnels des copropriétaires et une hausse réelle des devis. Une étude, réalisée par un cabinet extérieur et portant sur plus de 30 000 appareils, fait ressortir qu’en 2007 le prix moyen de modernisation par ascenseur a été de 19 000 euros, soit une baisse importante par rapport aux 24 000 à 25 000 euros par appareils observés les années précédentes.
Par ailleurs, si les budgets consacrés à ces travaux sont plus importants que l’estimation initiale correspondant aux seuls risques majeurs, c’est que des copropriétés décident de réaliser des travaux complémentaires aux obligations légales. Ainsi, certaines vont engager la 1ère tranche de travaux, d’autres vont engager deux tranches à la fois, d’autres encore carrément une rénovation plus totale.
En revanche, les prix risquent d’augmenter si on renoue avec l’inflation et si le coût de l’acier, composant majeur de l’ascenseur, connaît encore une hausse. Par ailleurs, la demande de main d’œuvre étant supérieure à l’offre, on pourrait également connaître une hausse de ce côté-là. L’augmentation est par conséquent globale.
Sous quels aspects techniques, la modernisation des ascenseurs participe-t-elle au développement durable et à l’efficacité énergétique ?
Les ascenseurs neufs, environ 12 000 installés chaque année en France, sont conçus avec des techniques de pointe pour plus de confort, de sécurité, de rapidité … et d’économies d’énergie. Remplacer une motorisation
mono-vitesse par un convertisseur de fréquence au rendement supérieur permet par exemple d’économiser de l’énergie.
On peut comparer les ascenseurs aux chaudières, ceux et celles récents consomment 20 à 30 % d’énergie en moins, ce qui entraîne aussi un besoin moindre de puissance de branchement électrique lié à l’ascenseur. Les ascenseurs actuels demandent aussi nettement moins de lubrification. La rénovation des ascenseurs va également offrir une plus grande accessibilité aux personnes âgées et handicapées, un fonctionnement plus silencieux, des chantiers plus propres …
Propos recueuillis par Pascale Maes