[N° 541] - Ascenseurs : un nouveau délai pour leur mise en sécurité

par Pascal MAES
Affichages : 24833

Index de l'article

Le décret du 28 mars 2008 a reporté la date butoir de la première tranche des travaux de mise en sécurité des ascenseurs du 2 juillet 2008 au 31 décembre 2010. L’allongement de ce délai a pour but de permettre aux professionnels de prendre le temps de recruter et de former des techniciens, aux copropriétés de réaliser un diagnostic, de prévoir les travaux éventuels d’un point de vue pratique et financier. En aucun cas, une copropriété ne doit arrêter le processus en cours, sous peine de se retrouver face aux mêmes difficultés dans un ou deux ans.

Pascal MAES


La loi du 2 juillet 2003 sur la mise en sécurité des ascenseurs avait prévu une obligation de travaux sur une période de 10 ans avec trois échéances : 2 juillet 2008, 2 juillet 2013 et 2 juillet 2018. Prenant en compte une
réclamation partagée par l’ensemble des personnes concernées (propriétaires, gestionnaires, entreprises, fédérations et syndicats professionnels, associations de consommateurs, …), les pouvoirs publics ont décidé de reporter la 1ère échéance de travaux. Pour l’instant, les autres échéances de travaux - juillet 2013 et juillet 2018 - ne sont pas modifiées. La Fédération des Ascenseurs incite vivement les copropriétés à poursuivre les démarches en cours et pour celles retardataires à l’engager d’urgence. Freiner le processus, reviendrait en fait à déplacer sur 2010 le « goulot d’étranglement » récemment constaté. En agissant au plus tôt, les copropriétaires pourront améliorer le niveau de sécurité de leur ascenseur dans les conditions optimales d’un point de vue juridique : responsabilité en cas d’accident soit technique (choix des solutions les plus pertinentes), soit économique (mise en concurrence et bénéfice de la TVA réduite en vigueur jusqu’à 2010).


Des travaux de mise en sécurité nécessaires

La France compte 7 millions de logements collectifs en copropriété, dont la moitié est concernée par la gestion d’un ascenseur.
La réglementation datant des années 1950 prévoyait l’entretien des appareils mais sans réelle amélioration, et la modernisation des ascenseurs existants s’avère aujourd’hui indispensable.
La loi prévoit la mise en sécurité des appareils à partir de 17 risques majeurs identifiés par un groupe d’experts Afnor.
Ils correspondent aux accidents les plus fréquents et les plus graves et sont regroupés selon les thèmes suivants :
- ouverture possible des portes palières sur la gaine ;
- absence d’arrêt précis de la cabine à l’étage ;
- choc lié aux portes à l’entrée et sortie de cabine ;
- survitesse en montée ou en descente ;
- dégagement des personnes non sécurisé en cas de blocage ;
- gaine d’ascenseur pas complètement fermée ;
- conditions de sécurité insuffisantes pour le personnel de maintenance.

Suite à un diagnostic, chaque ascenseur doit faire l’objet (ou non) d’un ou plusieurs travaux de mise en sécurité, en fonction de son âge, de l’état de sa technologie, des éventuels travaux de modernisation déjà réalisés. Dès 2006, une augmentation de l’activité des travaux de mise en sécurité a été enregistrée avec des passations de commande en progression de plus de 50 % par rapport à 2005 (contre + 10 % les années précédentes). L’année 2007 a vu cette activité travaux poursuivre sa croissance de l’ordre de 20 %, la modernisation des ascenseurs est engagée sur environ un quart du parc. Plus de la moitié de ces travaux a été passée en regroupant les deux premières échéances (2008/2010 et 2013).
Ces copropriétaires ont en effet jugé opportun d’intégrer les travaux de la 2ème tranche afin d’anticiper et profiter plus rapidement des nouvelles performances de leur ascenseur : sécurité, confort, économie d’énergie, tout en optimisant les coûts et les conditions d’intervention. Dans les cas d’ascenseurs très anciens, certaines copropriétés décident d’aller jusqu’à une rénovation plus globale voire au remplacement de leur appareil.


Entretien et contrôle technique

Outre l’aspect lié aux travaux de mise en sécurité, la loi renforce l’obligation par les copropriétaires de maintenir les appareils en bon état de fonctionnement.
L’arrêté du 11 mars 1977 imposait au prestataire chargé de l’entretien d’un ou plusieurs ascenseurs de proposer deux types de contrats : un contrat de base ou un contrat complet.
La nouvelle loi va plus loin avec de nouvelles dispositions minimales pour assurer l’entretien, dont une visite préventive de l’ascenseur au maximum toutes les six semaines, la réparation ou le remplacement de certaines pièces d’usure, l’assistance aux personnes bloquées 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 ce qui n’était jusqu’alors qu’une option.

Fin 2007, on estimait à 270 000 environ le nombre d’ascenseurs dotés des nouveaux contrats d’entretien, soit 60 % du parc national. L’adaptation du reste des contrats, environ 180 000, devrait s’étaler jusqu’à fin 2009, en sachant qu’elle se pratique au fil des échéances de renouvellement des contrats en cours. Attention, les moyens de maintenance et de dépannage ne doivent pas être détournés vers l’activité de travaux de mise en sécurité relevant de la loi. En effet, les profils et compétences des techniciens pour ces deux domaines, d’une part mise en sécurité, d’autre part entretien et dépannage, sont de nature différente. D’ailleurs, dans la plupart des entreprises, il s’agit de services distincts.

La charge importante des travaux de mise en sécurité ne devrait donc ne pas avoir d’impact sur la capacité de maintenance ou la réactivité en matière de dépannage. Outre l’obligation d’entretien, la loi impose aussi  désormais un contrôle technique tous les cinq ans.

Comme pour les voitures, le bon état de fonctionnement et de sécurité des ascenseurs devra être périodiquement contrôlé par un organisme habilité, indépendant de l’entreprise de maintenance et du syndic. Les occupants des immeubles auront la possibilité de consulter le rapport de ce contrôle technique.


Le temps de se préparer

En France, le secteur des ascensoristes comprend 20 000 salariés, dont 2 500 techniciens de modernisation et 10 000 techniciens de maintenance. Ces entreprises ont prévu d’embaucher 1 500 techniciens par an pendant 10 ans, pour moitié en Ile-de-France. En 2007, plus de 2 000 techniciens ont déjà été recrutés. Dans le domaine de la formation continue (sécurité, évolution technologique,…), l’effort global consacré à la formation représente environ 5 % de la masse salariale. Dès 2003, la profession a travaillé avec le Ministère de l’éducation nationale afin de faire reconnaître le métier et créer un diplôme officiel inexistant jusque-là. En avril 2006, la mention complémentaire « Technicien, Technicienne Ascensoriste - Service et Modernisation » voit le jour. Cette formation, d’une durée d’un an après le bac professionnel de la filière « maintenance des équipements industriels » ou de la filière « électrotechnique », est effectuée en alternance. Depuis la rentrée 2008, plus de 20 lycées professionnels proposent cette formation complémentaire. Parallèlement, diverses structures (AFPA, GRETA,…) ont mis en place en partenariat avec la profession des formations spécifiques d’ascensoristes et les entreprises continuent d’assurer, dans leur centre intégré, les formations complémentaires des jeunes qu’elles recrutent, ainsi que la formation continue de leurs techniciens. La profession essaye également d’impliquer les usagers, estimant que des accidents surviennent parfois faute de réflexes adaptés ou pour des raisons liées à des peurs irrationnelles.
Elle a ainsi conçu un dépliant “l’ascenseur au quotidien… pour des trajets en toute sécurité” qui résume les bonnes pratiques à respecter dans les situations courantes (enfants, poussette, chien, etc.), exceptionnelles
(déménagement, blocage de l’ascenseur, …) ou dans des situations rares et présentant un danger imminent (porte palière déverrouillée sans la présence de la cabine). Le but est de rassurer et d’expliquer les gestes utiles à une plus grande sécurité.
Le dépliant est téléchargeable sur le site de la Fédération des Ascenseurs(www.ascenseurs.fr).

Par ailleurs, cette fois-ci à l’intention des professionnels, la Fédération des Ascenseurs a élaboré une Charte de Bonnes Pratiques répondant aux attentes des différents acteurs concernés : fédérations de syndics, l’Union Sociale de l’Habitat, associations de copropriétaires et de consommateurs. La Charte comporte notamment l’engagement des constructeurs à mettre à disposition de l’ensemble des professionnels de l’ascenseur les outils et instructions nécessaires, afin de permettre à tout ascensoriste, durant la vie des appareils, de réaliser les opérations de maintenance et de dépannage, efficacement et en toute sécurité, quel que soit le constructeur ou l’installateur initial. La Charte engage les professionnels à préciser sur leurs devis ce qui relève des obligations réglementaires et ce qui est recommandé en complément au titre des règles de l’art.


Les travaux à réaliser

Les travaux les plus urgents en termes de sécurité (2010) :

. sécurisation des verrouillages des portes palières
. protection contre les chocs liés à la fermeture brutale des portes
. clôture sur toute la hauteur de la gaine d’ascenseur
. amélioration des dispositifs de limiteur de vitesse et de parachute
. tôle de garde-pieds afin d’empêcher les chutes dans la gaine
. sécurisation des interventions en gaine
. mise en conformité des accès aux locaux techniques.

Les travaux de la seconde phase (2013) :

. contrôle de l’arrêt et du maintien de la cabine à niveau du palier pour les appareils installés avant janvier 1983
. système de téléalarme pour l’assistance aux personnes bloquées
. résistance mécanique suffisante des vitrages de portes palières
. système de prévention des risques de dérive et/ou d’excès de vitesse pour les ascenseurs hydrauliques
. dispositifs de protection pour les personnels
. éclairage du local de machine.

Les travaux de la troisième phase (2018) :

. contrôle de l’arrêt et du maintien à niveau du palier de la cabine pour les appareils installés après le 31 décembre 1982
. système de protection contre les vitesses excessives en montée pour les ascenseurs électriques.
 


Interview de Jean-Luc Detavernier, Président de la commission communication de la Fédération des Ascenseurs

Pourquoi le parc français des ascenseurs est-il décrit comme le plus vétuste d’Europe ?

La France a connu un gros effort de construction dans les années 50, après la 2ème guerre mondiale, et de nombreux ascenseurs datent de cette époque.
Jusqu’à maintenant, il n’existait qu’une obligation de maintenance et non de modernisation et de mise en sécurité (sauf la porte intérieure de la cabine) ; donc, les appareils fonctionnent bien.
On peut les comparer à des voitures de collection bien entretenues par leurs propriétaires mais qui n’ont ni air-bag, ni ceintures de sécurité. Un ascenseur est un moyen de transport comme les autres, mis à la disposition de tout le monde et utilisé par un grand nombre de personnes (100 millions de personnes transportées par jour en France).
Le propriétaire d’une voiture ancienne dotée d’une mauvaise garniture de freins ne va pas prendre l’autoroute, il va encore moins la prêter à un tiers. Par conséquent, une fois les risques identifiés par un homme de l’art, il
est de la responsabilité de la copropriété et du syndic de prendre des décisions en assemblée générale. D’ailleurs, si un accident survient, le juge cherchera à se faire une opinion sur la prise de risques de la copropriété, surtout si ces derniers avaient été identifiés. Comme tout le monde attend le dernier moment pour faire les travaux, la loi était indispensable.

Indispensable mais avec prolongation du délai d’application ?

Il faut reconnaître que, suite aux délais classiques de parution des décrets et de prises de décision dans une copropriété, le temps imparti aux travaux s’était nettement réduit et le planning des ascensoristes vite saturé.
Mais il en va de la sécurité des occupants de ne pas ralentir la dynamique amorcée. En effet, les mécanismes de consultation et de prise de décisions sont longs, en particulier dans les copropriétés, le volume de travaux à effectuer d’ici 2010 demeure conséquent et les plans de charge des entreprises, à l’approche des échéances, vont continuer à s’alourdir même si parallèlement elles ont accéléré la formation et le recrutement des techniciens.
Les commandes passées tardivement risquent de ne pas pouvoir être réalisées dans les délais souhaités. L’objectif est bien entendu d’éviter les accidents, notamment ceux très graves ou mortels d’usagers ou de techniciens (6 à 10 par an pour les 450 000 ascenseurs accessibles aux personnes en France)
mais aussi réduire ceux plus fréquents comme les dames d’un certain âge qui se cassent le col du fémur en trébuchant si la cabine de l’ascenseur ne s’arrête pas exactement au même niveau que le palier. L’enjeu est donc maintenant de faire bon usage de cette prolongation. Une gradation des travaux peut être programmée en fonction des risques identifiés, comme par exemple clôturer la gaine de l’ascenseur sur toute la hauteur, empêcher le démarrage de l’ascenseur si la porte palière n’est pas verrouillée, mais il peut être parfois judicieux d’anticiper les travaux des 2ème et 3ème tranches.

Bon nombre de copropriétés craignent une hausse des prix et un manque de possibilité de mise en concurrence. Qu’en pensez-vous ?

Il ne faut pas confondre la nécessité de mise en sécurité et par conséquent un volume de travaux plus lourds à mettre en œuvre qui pèse sur les charges pour travaux exceptionnels des copropriétaires et une hausse réelle des devis. Une étude, réalisée par un cabinet extérieur et portant sur plus de 30 000 appareils, fait ressortir qu’en 2007 le prix moyen de modernisation par ascenseur a été de 19 000 euros, soit une baisse importante par rapport aux 24 000 à 25 000 euros par appareils observés les années précédentes.

Par ailleurs, si les budgets consacrés à ces travaux sont plus importants que l’estimation initiale correspondant aux seuls risques majeurs, c’est que des copropriétés décident de réaliser des travaux complémentaires aux obligations légales. Ainsi, certaines vont engager la 1ère tranche de travaux, d’autres vont engager deux tranches à la fois, d’autres encore carrément une rénovation plus totale.
En revanche, les prix risquent d’augmenter si on renoue avec l’inflation et si le coût de l’acier, composant majeur de l’ascenseur, connaît encore une hausse. Par ailleurs, la demande de main d’œuvre étant supérieure à l’offre, on pourrait également connaître une hausse de ce côté-là. L’augmentation est par conséquent globale.

Sous quels aspects techniques, la modernisation des ascenseurs participe-t-elle au développement durable et à l’efficacité énergétique ?

Les ascenseurs neufs, environ 12 000 installés chaque année en France, sont conçus avec des techniques de pointe pour plus de confort, de sécurité, de rapidité … et d’économies d’énergie. Remplacer une motorisation
mono-vitesse par un convertisseur de fréquence au rendement supérieur permet par exemple d’économiser de l’énergie.
On peut comparer les ascenseurs aux chaudières, ceux et celles récents consomment 20 à 30 % d’énergie en moins, ce qui entraîne aussi un besoin moindre de puissance de branchement électrique lié à l’ascenseur. Les ascenseurs actuels demandent aussi nettement moins de lubrification. La rénovation des ascenseurs va également offrir une plus grande accessibilité aux personnes âgées et handicapées, un fonctionnement plus silencieux, des chantiers plus propres …     

Propos recueuillis par Pascale Maes


Chiffres clés fin 2007


• 450 000 ascenseurs en France accessibles aux personnes
• quatrième parc européen après l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne.
• 60 % âgés de plus de 20 ans
• environ 150 000 personnes bloquées dans les ascenseurs par an, dont 100 000 en Ile-de-France
• en moyenne 3 à 4 pannes par ascenseur et par an, avec des variations  de 0 à 15-20 par appareil et par an
• 7% à 12% des charges d’un immeuble, loin après le chauffage, l’entretien, l’eau, le nettoyage, les espaces verts, …
• 270 000 ascenseurs sous contrat d’entretien nouvelle formule, soit 60% du parc
• 1/4 des travaux de modernisation engagé
• 150 entreprises pour près de 20 000 emplois et un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros
• répartition du chiffre d’affaires : 70 % en maintenance et modernisation, 15 % en installation, 15% pour l’export, vers les pays d’Europe principalement
• plus de 2 000 techniciens recrutés
• de l’ordre de 1 500 techniciens recrutés et formés par an sur les dix prochaines années, dont 50 % en renouvellement des classes d’âge.
• installation d’environ 12 000 d’appareils neufs, dont 85 % dans des immeubles neufs et 15% dans des immeubles existants.