Copropriété : La rénovation énergétique à l’ordre du jour

par Sophie Michelin-Mazeraux, Journaliste juridique
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copropriétéTrop peu de copropriétés s’engagent dans le parcours des travaux de rénovation énergétique, alors que des aides existent et que de plus en plus d’acteurs se positionnent sur ce marché. Sans oublier la loi Climat et résilience qui vise les quelques cinq millions de passoires thermiques que compte la France.  

Face à un étau législatif qui se resserre autour des logements énergivores, des outils existants ont été transformés, des aides ont été regroupées ou amplifiées en 2022 pour inciter les copropriétés à passer à l’acte. 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 677 d'avril 2022


L’étau se resserre

Un changement de cap se dessine aujourd’hui clairement en faveur de la rénovation énergétique des logements collectifs. La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, organise cette nouvelle ère. Les mesures incitatives ont fait place à des mesures coercitives pour éradiquer progressivement ces logements très mal isolés considérés comme des passoires thermiques.

 

Nouveau DPE.- Pour ce faire, le législateur s’appuie sur l’échelle du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE). Le DPE vient d’être profondément modifié, après quelques couacs de démarrage concernant la révision des méthodes de calcul qui sont désormais basées sur les caractéristiques intrinsèques du logement. Dès à présent, les annonces immobilières de mise en vente ou de location de logements classés F ou G sur l’étiquette du DPE doivent porter l’indication «Logement à consommation énergétique excessive». De plus, elles sont tenues également de mentionner depuis le 1er janvier 2022 l’estimation de la facture théorique énergétique annuelle du bien, quelle que soit leur classe énergétique.


15 % du parc des copropriétés.- Sur les 9,7 millions de logements répartis entre 740 000 copropriétés, 1,5 million de logements sont classés F ou G. La consommation de ces passoires thermiques dépasse les 331 kWh/m2.an (source : ANAH, février 2021).


 

Gel des loyers.- Les propriétaires de logements loués, classés F ou G, ne pourront plus augmenter le loyer à partir du 25 août 2022. Cette interdiction s’appliquait déjà depuis le 1er janvier 2021 à ces mêmes logements mais uniquement à ceux situés dans les vingt-huit agglomérations inscrites en zones tendues. 

 

Interdiction progressive de mise en location.- Pour les nouvelles locations, la loi Climat et résilience renforce par étapes, les exigences en matière de décence énergétique en interdisant la location des logements classés G, F et E, respectivement à partir de 2025, 2028 et 2034.  A défaut, le locataire pourrait saisir le tribunal judiciaire pour faire condamner le bailleur à faire réaliser les travaux nécessaires, à réduire le loyer, voire à lui payer des dommages et intérêts.  

Dans ce contexte, les notaires observent depuis quelques mois des refus de prêts d’établissements bancaires à des investisseurs locatifs qui projettent d’acquérir des logements énergivores. 

A côté de ce tour de vis, de nouveaux dispositifs d’information, d’anticipation et d’incitation sont déployés pour que les logements soient rénovés.  

 


Un guichet unique est créé

La chose est entendue depuis longtemps, la nébuleuse des aides et des acteurs en faveur de la rénovation énergétique n’a pas toujours aidé au fameux «passage à l’acte», a fortiori au sein des copropriétés où s’ajoute la problématique des processus décisionnels. 

 

Un service public unique.- Pour mieux baliser le parcours vers la rénovation énergétique des logements, la loi Climat et résilience a posé le principe d’un service public unique de la rénovation énergétique afin de rendre le dispositif d’ensemble plus intelligible. C’est ainsi qu’est né au 1er janvier 2022, France Rénov’. 

Piloté par l’ANAH, France Rénov’ fusionne les anciens espaces conseils Faire, animés par l’Agence de la transition écologique (ADEME) et les Points rénovation information service (PRIS de l’ANAH) qui fonctionnaient jusqu’alors en parallèle. 

 

Un accompagnement privilégié.- Les nouveaux conseillers France Renov’ sont bien sûr chargés d’apporter des réponses sur les différents aspects d’un projet de rénovation, qu’ils soient techniques, juridiques, financiers, voire sociaux. Mais ils doivent pouvoir aussi orienter les projets de rénovation, de la définition du besoin à la conduite des travaux, en passant par l’accès au financement ou le choix de professionnels qualifiés «reconnus garant de l’environnement» (RGE). L’aide y demeure gratuite, personnalisée et indépendante. 

Ce nouveau point d’entrée unique prend la forme d’une plateforme Internet dédiée, à l’adresse www.france-renov.gouv.fr, d’un numéro d’appel unique (0 808 800 700) et d’un réseau de plus de quatre-cent-cinquante guichets répartis sur l’ensemble du territoire avec le concours des collectivités territoriales en particulier des régions.

Cet effort de simplification de l’information et de l’accompagnement est appelé à soutenir la montée en charge et le déploiement de certaines aides, comme MaPrimRénov’, le nouveau «prêt avance rénovation» [cf. encadré] et les certificats d’économie d’énergie (CEE). 


Le nouveau «prêt avance rénovation».- Le périmètre de garantie apporté par le Fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE) est étendu, via un arrêté du 14 février 2022, au nouveau «prêt avance rénovation», garanti par l’Etat et actuellement distribué par la Banque Postale et le Crédit Mutuel. Ce prêt hypothécaire permet à des ménages modestes ou âgés, pour lesquels l’accès à des crédits classiques peut s’avérer difficile, de rembourser le «reste à charge» de leurs travaux de rénovation lors de la vente de leur logement ou dans le cadre d’une succession.



En 2022, les aides sont renforcées

Parties communes.- Dans le cadre du plan France Relance, le gouvernement a souhaité la création en 2021 de MaPrimRénov’ Copropriété, une extension à toutes les copropriétés peu importe leur taux d’impayés ou leur localisation géographique, du programme préexistant Habiter Mieux Copropriétés. Cette aide collective permet de financer des travaux de rénovation énergétique sur les parties communes des copropriétés, y compris les travaux d’intérêt collectif en parties privatives. Versée au syndicat des copropriétaires, elle subventionne à hauteur de 25 % de la quote-part des travaux les rénovations ambitieuses assorties d’un gain énergétique projeté supérieur ou égal à 30 %.

Une précision importante : ce financement est conditionné à la présence d’un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) entre un opérateur d’AMO et la copropriété. 

Après un démarrage timide, dû vraisemblablement à la crise sanitaire et à la tenue des assemblées générales à distance, cette aide publique pourrait permettre sur 2022 de financer plus de travaux d’isolation, de chauffage ou de ventilation.

 

Parties privatives.- En revanche, les travaux réalisés dans les parties privatives ne sont pas finançables par MaPrimRénov’ Copropriété, mais par sa version individuelle MaPrimRénov’. Cette dernière vient de connaître quelques changements depuis le 1er janvier 2022. Ainsi, le logement doit désormais être achevé depuis plus de quinze ans à la date de début des travaux contre deux ans jusqu’alors. De même, la durée annuelle minimale d’occupation du logement, pour qu’il puisse être qualifié de résidence principale, passe de six à huit mois par an. Côté assouplissement, le délai maximal de réalisation des travaux financés par la prime est porté d’un à deux ans. 

 

Des aides cumulables.- Les primes versées au titre de MaPrimRénov’ Copropriété et de MaPrimRénov’ sont cumulables avec d’autres aides, en particulier les CEE dont la cinquième période (2022-2025) se caractérise par une augmentation de l’obligation de 17 %, soit 2 500 TWhc sur quatre ans, dont près de 30 % au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique [ lire IRC n° 675, Economies d'énergie]. 

Enfin, l’éco-prêt à taux zéro (PTZ) vient d’être renforcé par le gouvernement. Ce prêt, sans intérêt, accordé sans condition de ressources, à des propriétaires en vue de financer des travaux de rénovation énergétique, voit sa durée de remboursement s’allonger de quinze à vingt ans depuis le 1er janvier 2022.  De plus, un décret du 5 février 2022 augmente le montant maximal de l’avance remboursable de 30 000 à 50 000 euros pour des travaux permettant d’atteindre une performance énergétique globale minimale. Cette hausse répond à l’objectif de remédier à la trop faible part des projets de rénovation énergétique globale.

S’agissant de l’éco-PTZ copropriété, ce produit spécifique, malgré des ajustements, demeure insuffisamment distribué par des établissements de crédit, à l’exception notamment de Domofinance. 


Des programmes d’accompagnement CEE.- Le dispositif des CEE comporte deux volets : les primes pour travaux et des programmes d’accompagnement.
En effet, l’article L. 221-7 du Code de l’énergie prévoit que la contribution à des programmes d’information, de formation et d’innovation favorisant les économies d’énergie peut donner lieu à la délivrance de CEE. Ce financement permet à des syndics et à des copropriétaires de participer gratuitement à des programmes qui leur sont dédiés, comme celui de Copro Vertes (ce dispositif de la FNAIM s’achève au 31 mars 2022 est toutefois, appelé à se poursuivre en version payante). Par ail- leurs, un arrêté du 14 décembre 2021 réactive le programme ETEHC (Engager la Transition Energétique dans l’Habitat Collectif Privé) porté par l’ANAH. Il vise à former les acteurs de la gestion immobilière dont les syndics bénévoles et conseils syndicaux à la rénovation énergétique dans le contexte des actions cœur de ville avec l’appui des collectivités.



Anticipez avec de nouveaux outils

Extension du diagnostic de performance énergétique collectif, nouveau plan pluriannuel de travaux et fonds de travaux modifié…, la loi Climat et résilience pose de nouveaux équilibres qui doivent permettre aux copropriétaires d’avoir une meilleure visibilité sur les enjeux d’entretien et de valorisation de leur immeuble, et ainsi de mieux anticiper les travaux à réaliser. 

DPE collectif .- Avant d’engager des travaux de rénovation énergétique, il sera obligatoire de réaliser un DPE collectif pour toutes les copropriétés dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 et non plus uniquement celles dotées d’une installation collective de chauffage. Cette obligation est échelonnée entre le 1er janvier 2024 et le 1er janvier 2026, en fonction du nombre de lots dans la copropriété. 

Les immeubles classés A, B ou C par un DPE postérieur au 1er juillet 2021, soit sous le régime du nouveau DPE, seront exonérés de l’obligation du renouvellement du DPE collectif tous les dix ans. 

 

PPT.- Après avoir été retoquée dans le cadre de la réforme de 2019, l’obligation d’élaborer un plan pluriannuel de travaux (PPT) s’impose finalement pour toutes les copropriétés de plus de quinze ans [lire IRC n° 675, Plan pluriannuel de travaux : Mode d'emploi]. Ce plan peut s’appuyer sur un éventuel DPE ou diagnostic technique global (DTG) déjà réalisés. Il comporte la liste des travaux à réaliser permettant de répondre aux enjeux de salubrité, de sécurité et de performance énergétique, ainsi qu’une estimation des coûts et gains associés (son champ est donc réduit par rapport au DTG). 

Il doit ensuite être actualisé tous les dix ans. Lorsque le PPT fait apparaître la nécessité de réaliser des travaux dans les dix prochaines années, le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires l’adoption de tout ou partie du projet de PPT, qui sera votée à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Cette obligation s’applique de manière progressive, selon la taille des copropriétés, entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025. 

 

Fonds de travaux.- En lien avec le PPT, la loi apporte des retouches au dispositif fonds de travaux. Désormais, le syndicat des copropriétaires est tenu de constituer un fonds de travaux au terme d’une période de dix ans à compter de la date de la réception de l’immeuble. Ce fonds est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire, chaque copropriétaire contribuant au fonds selon les mêmes modalités que celles définies pour le versement du budget prévisionnel. Et le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le PPT adopté et à 5 % du budget prévisionnel annuel. A défaut d’adoption d’un PPT, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 5 % du budget prévisionnel. Là encore, le calendrier d’exécution de cette obligation est prévu entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025. 

Enfin et pour mémoire, parmi les outils, le DTG voit son contenu étoffé.