Copropriété : Rénovation énergétique, un changement de braquet

par Sophie Michelin-Mazeraux, Journaliste juridique
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copropriété travaux rénovationEntre dispositifs incitatifs et coercitifs, le paysage de la rénovation énergétique pour les quelque 10 millions de logements collectifs en France évolue comme jamais.

Que ce soit le nouveau diagnostic de performance énergétique, le retour du plan pluriannuel de travaux, les passerelles pour faciliter les prises de décisions, MaPrimeRénov’ Copropriétés, la fiabilisation du label Reconnu garant de l’environnement ou encore l’interdiction de louer des passoires énergétiques classées G dès 2023, on assiste aujourd’hui à un alignement des planètes pour accélérer la rénovation énergétique des copropriétés.

Encore faut-il que les assemblées générales en présentiel puissent se tenir pour pouvoir voter des travaux de rénovation dont le montant peut parfois s’élever à plusieurs millions d’euros, ce qui se conçoit plus difficilement avec des réunions à distance ou des votes par correspondance. 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 667 d'avril 2021


I.- Anticiper le passage de l’incitation à l’obligation

La pression législative s’accentue en faveur de la rénovation énergétique des logements afin de garantir l’atteinte des objectifs climatiques en France. L’emblématique projet de loi dit Climat et Résilience, issu des travaux de la Convention citoyenne, vient notamment renforcer plusieurs mesures adoptées par la loi énergie-climat de 2019 et pas seulement celles relatives à la lutte contre les passoires thermiques, ces logements dont la consommation énergétique relève des classes F et G.

Ainsi, les phases d’audit et de programmation des travaux d’économies d’énergie en copropriété sont appelées à évoluer.

Pour rappel, l’article 24-4 de la loi du 10 juillet 1965 impose au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée qui suit l’établissement du diagnostic de performance énergétique (immeubles de moins de cinquante lots) ou de l’audit énergétique (immeubles de plus de cinquante lots), la question d’un plan de travaux d’économies d’énergie ou d’un contrat de performance énergétique (CPE).

Le projet de loi Climat et résilience réécrit l’obligation de réaliser un diagnostic de performance énergétique (DPE) dans les bâtiments d’habitation collective pour l’étendre à tous les immeubles, et pas seulement ceux équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement.

Un échelonnement de l’entrée en vigueur de cette disposition est, toutefois, prévu en fonction de la taille des immeubles (1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de deux cents lots, 31 décembre 2024 pour celles de cinquante-et-un à deux cents lots et 31 décembre 2025 pour celles d’au plus cinquante lots).

Cette mesure est à mettre en regard du retour en grâce du plan pluriannuel de travaux, prévu dans l’ordonnance du 30 octobre 2019, mais retoqué par le Conseil d’Etat qui en avait souligné les insuffisances juridiques.

Dans les grandes lignes, le texte prévoit dans les copropriétés de plus de quinze ans l’obligation de faire élaborer et de soumettre à l’assemblée générale des copropriétaires, un projet de plan pluriannuel de travaux et les provisions correspondantes dans le fonds de travaux de la copropriété, en vue de financer notamment des projets de sobriété énergétique. Etant précisé que l’adoption du plan demeure, dans tous les cas, facultative. Les copropriétés ayant déjà réalisé un diagnostic technique global (DTG) concluant à l’absence de nécessité de réaliser des travaux dans les dix années à venir seraient dispensées de cette obligation pour la durée de validité du diagnostic.

Parmi les autres mesures importantes du projet de loi, figure également l’interdiction de la location des passoires thermiques, classées G, à partir de 2028. Et d’ici 2028, il sera interdit d’augmenter le loyer des logements F et G lors du renouvellement du bail ou de la remise en location.

Mieux vaut anticiper les nouvelles obligations à venir car, en copropriété, les décisions nécessitent un temps long (deux à cinq ans en moyenne) entre le vote du diagnostic technique et la réception des travaux.


II.- De nouvelles aides à saisir

Une aide dédiée : MaPrimeRénov’ Copropriété

Face à cette accélération de la rénovation écologique des bâtiments, de nouvelles aides ou le renforcement d’aides existantes s’ouvrent à toutes les copropriétés.

C’est ainsi qu’est née MaPrimeRénov’ Copropriété dans le cadre du plan de relance de septembre 2020, une aide de l’Etat fléchée vers les copropriétés [cf notre dossier paru dans le n° 665 de Janvier-Février, Ma Prim'Rénov : mode d'emploi].

Pour profiter du dispositif, ouvert depuis le 1er janvier 2021 et mobilisable jusqu’au 31 décembre 2022, plusieurs conditions sont requises. Tout d’abord, seules les copropriétés construites depuis plus de quinze ans peuvent y prétendre. Ensuite, l’immeuble doit être immatriculé au registre national des copropriétés et composé d’au moins 75 % de lots d’habitation principale. En outre, un gain énergétique d’au moins 35 % est exigé par rapport à la situation avant travaux. Enfin, la prime est conditionnée à l’intervention d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) et d’entreprises qualifiées RGE.

L’ensemble des travaux de rénovation énergétique, y compris les travaux d’intérêt collectif en parties privatives, sont éligibles. Pour les autres travaux en parties privatives, ils peuvent être financés via des aides individuelles versées directement aux propriétaires (aides des fournisseurs d’énergie, programme «Habiter mieux» de l'ANAH, primes «coup de pouce» pour certains travaux, etc.).

La prime couvre jusqu’à 25 % du montant total des travaux, dans la limite de 15 000 € par logement. Tous les copropriétaires en bénéficient en fonction de leur quote-part. Et un bonus de 500 € par logement est accordé si la copropriété sort des classes énergétiques les plus basses (F et G) ou si elle devient éligible au label BBC, qui correspond aux niveaux A et B de l’étiquette énergie du DPE.

Les copropriétaires aux revenus «modestes» ou «très modestes» (selon les critères de l’ANAH) peuvent bénéficier d’un financement complémentaire, tandis que les copropriétés fragiles, dont le taux d’impayé dépasse les 8 % et/ou si l’immeuble est situé dans un quartier de renouvellement urbain, peuvent demander une aide additionnelle de 3 000 € par logement. Pour ces copropriétés, la valorisation des certificats d’économie d’énergie (CEE) n’est pas possible.

 

Les autres financements

En parallèle, le plan Initiative Copropriétés, lancé en 2018 et dont le but est de rénover des copropriétés dégradées, voit son budget doubler pour l’année 2021, avec 202 millions d’euros mobilisés. L’objectif est d’accélérer la rénovation de ces copropriétés, ainsi l’étau se resserre autour des passoires thermiques.

Il est également possible, pour réduire «le reste à charge» des copropriétaires, de mobiliser les aides des collectivités locales, la TVA au taux réduit de 5,5 % pour les travaux de performance énergétique, l’éco-prêt à taux zéro collectif, les CEE (le projet de décret fixant les obligations de la cinquième période des CEE comprise entre 2022 et 2025 vient d’être dévoilé. Il prévoit une obligation totale de 2 400 TWhc, en hausse de 12,5 % par rapport à la quatrième période du dispositif) ou encore le tiers-financement. L’Etat a d’ailleurs lancé début 2021 une mission sur la massification de la rénovation des passoires thermiques, incluant le développement du tiers-financement, qui montre des réussites, mais demeure sous-utilisé faute de tiers-financeurs.

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Chiffres-clés

• 4,8 millions de passoires thermiques.- Selon une étude publiée en septembre 2020 par le service statistique du ministère de la Transition écologique, la France compte environ 4,8 millions de passoires thermiques dont le coût de chauffage peut être de plusieurs milliers d’euros par an. Par ailleurs, le logement est le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, avec 20 % des émissions nationales.

• 370 000 rénovations complètes par an.- Selon le Haut Conseil pour le Climat, le rythme des rénovations énergétiques globales – en moyenne de 0,2 % par an actuellement – devrait ainsi fortement s’accélérer pour atteindre 1 % par an après 2022 et 1,9 % par an d’ici 2030 (www.hautconseilclimat.fr)


III.- Le vote des travaux facilité

Voter des travaux de rénovation énergétique en assemblée générale constitue une étape sensible, qui doit marquer en réalité l’aboutissement d’un travail de sensibilisation mené en amont par le conseil syndical et le syndic auprès de l’ensemble des copropriétaires. Il s’agit, en effet, de convaincre au préalable une majorité de copropriétaires de l’intérêt du projet, par courriers ou affichages, lors de réunions d’échanges, voire en créant un outil dédié sur smartphone ou sur Internet.

De plus, il convient d’être particulièrement attentif au formalisme et aux règles de majorité attachées au vote des travaux, les enjeux financiers en cause pouvant susciter des actions en annulation.

Tout d’abord, seule la majorité simple de l’article 24 est requise pour la réalisation du diagnostic technique global. Il est d’ailleurs recommandé au professionnel qui a effectué ce diagnostic d’en faire une restitution lors de l’assemblée générale pour en expliquer les tenants et les aboutissants, en vue de faciliter l’adhésion au projet.

Si le programme de travaux est acté, il doit être mis à l’ordre du jour d’une seconde assemblée générale. Le syndic est alors chargé de joindre à la convocation tous les documents permettant d’éclairer les copropriétaires dans leur prise de décision (devis, synthèse des études et/ou des audits réalisés, gains énergétiques et valorisation espérés, plan de financement, etc.).

Les travaux d’économie d’énergie sont désormais votés à la majorité absolue de l’article 25. Lorsqu’ils sont obligatoires (par exemple des travaux embarqués liés à un ravalement de façades ou une réfection de toiture), c’est la majorité simple de l’article 24 qui s’applique.

En vue de faciliter les prises de décision en assemblée générale et, par voie de conséquence, de lutter contre l’immobilisme de certaines copropriétés, l’ordonnance du 30 octobre 2019 réformant le droit de la copropriété a remis à la page le mécanisme des passerelles, qui instaure une sorte de procédure de rattrapage, notamment en faveur des travaux d’amélioration.

Ainsi, si la majorité de l’article 25 n’est pas atteinte pour le vote de travaux d’économies d’énergie, mais que le projet a recueilli au moins un tiers des voix de tous les copropriétaires, il faudra revoter immédiatement à la majorité de l’article 24. Cette passerelle existait déjà, mais l’ordonnance l’a étendue à toutes les résolutions relevant de la majorité absolue et l’a rendue obligatoire (auparavant, il s’agissait d’une possibilité). Autrement dit, si les copropriétaires entendent faire valoir leurs droits d’opposition, ils devront être présents lors de l’assemblée générale.

En complément, le recours à l’emprunt collectif pour financer les travaux relatifs aux parties communes ou les travaux d’intérêt collectifs sur parties privatives est encouragé par l’ordonnance de 2019. L’assemblée générale devra en effet se prononcer, dans le même temps, sur les travaux et la question du recours éventuel à un emprunt collectif destiné à les financer (nouvel article 25-3 de la loi du 10 juillet 1965).

Dernière mesure à signaler, l’ordonnance facilite également le vote des surélévations, devant permettre notamment d’aider au financement de la rénovation énergétique des copropriétés.


De nouvelles normes

Le DPE réformé.- Prévue dans la loi ELAN de 2018, la refonte du DPE entrera en vigueur le 1er juillet 2021, date à laquelle le diagnostic deviendra opposable. Réputé plus fiable, grâce à une méthode de calcul revue et consolidée, il s’appliquera de façon homogène à tous les logements existants. Autre nouveauté : l’évaluation des niveaux de performance énergétique ne dépendra plus uniquement de la consommation d’énergie primaire du logement, mais intègrera une composante climatique en tenant compte des émissions de gaz à effet de serre.

Le label RGE fiabilisé.- Seuls les travaux réalisés par des professionnels détenant le label RGE (Reconnu garant de l’environnement) ouvrent droit à la plupart des aides publiques à la rénovation. Pour renforcer la confiance des ménages dans ce signe de qualité et, par conséquent, susciter davantage de travaux de rénovation énergétique en garantissant un contrôle plus efficace et mieux ciblé sur les travaux les plus sensibles, le dispositif RGE vient d’être réformé. Depuis le 1er janvier 2021, les domaines de travaux sont désormais classés en dix-neuf catégories, contre douze auparavant. Et sur ces dix-neuf catégories, six sont désignées comme «critiques». Cela signifie que ces travaux sont soumis à deux audits obligatoires, au lieu d’un seul jusqu’à présent, durant la période de qualification de l’entreprise. Ces travaux visent l’isolation des combles perdus et des planchers bas, ainsi que les installations ou changement de pompes à chaleur, chauffe-eaux thermodynamiques, chaudières et inserts à bois. De plus, les organismes de qualification mettent en place une procédure de traitement de toute réclamation ou signalement effectué par un particulier en cas de malfaçons, de démarchage abusif ou de publicité mensongère.


En savoir plus

• MaPrimRénov’ copropriété.- Une foire aux questions réalisée par l’ANAH sur le fonctionnement de MaPrimRénov’ Copropriété est disponible sur le site du ministère de la Transition écologique à l’adresse : www.ecologie.gouv.fr

• Copros Vertes.- Lancé en 2019 sous l’égide du ministère de la Transition écologique, le dispositif des «Copros Vertes» est un mouvement national d’information et de formation à la rénovation énergétique dédié gratuitement aux copropriétaires et aux syndics de copropriétés. Compte tenu de la crise sanitaire, cette opération est prolongée jusqu’au 31 décembre 2021 : www.coprosvertes.fr