L’éco-rénovation en copropriété relève d’une dynamique bien spécifique car elle suppose une décision collective des copropriétaires ainsi qu’une approche sur-mesure pour intégrer les spécificités de chaque immeuble. En effet, ce parc se caractérise par sa grande hétérogénéité qu’il s’agisse de l’époque de construction, du système de chauffage, du mode de gestion, de la composition ou encore de la taille de la copropriété. Dans tous les cas, l’éco-rénovation se prépare et implique une stratégie dédiée pour qu’un meilleur confort de vie, une réduction des charges et une valorisation du patrimoine soient bien au rendez-vous. Pourquoi, comment, avec qui et pour quels résultats ? Réponse en quatre temps.
I.- Le paradoxe de l’éco-rénovation en copropriété
Mettre en synergie les bénéfices de l’éco-rénovation avec le passage à l’acte
Nul ne conteste les bénéfices d’une éco-rénovation en copropriété. Elle apporte un meilleur confort de vie aux habitants, tout en diminuant la consommation énergétique de la copropriété et donc les charges. Rénover permet aussi une valorisation de l’immeuble, à capitaliser dans le prix de vente ou de location de chaque logement.
«Une opération globale est généralement plus efficace et moins coûteuse pour chaque copropriétaire qu’une rénovation individuelle», indique Benjamin Rougeyroles, chargé de mission à l’observatoire CoachCopro de la métropole parisienne. Surtout, il existe plusieurs solutions de financement adaptées dont les règles du jeu sont expliquées par les plateformes d’accompagnement des copropriétés, dont CoachCopro porté par l’Agence parisienne du climat (APC), les conseillers FAIRE, les agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) ou encore les Espaces info énergie, sachant que ces services sont gratuits et indépendants.
Enfin, la réforme imminente du dispositif “Reconnu garant de l’environnement” (RGE) devrait raffermir la confiance des copropriétés dans l’expertise des entreprises labélisées, et mieux lutter contre certaines pratiques abusives d’éco-délinquants du bâtiment.
Pourtant, et c’est là que réside le paradoxe de l’éco-rénovation en copropriété : même si les avantages d’une rénovation sont désormais identifiés, même si les aides financières existent à foison, même si l’offre technique et d’ingénierie financière s’étoffe, les travaux demeurent encore trop rarement votés.
Des freins à l’éco-rénovation levés progressivement
Les freins qui empêchent les copropriétés à s’engager en rénovation sont également bien connus.
Tout d’abord, le statut de la copropriété est plutôt tourné vers la gestion quotidienne de l’immeuble avec une assemblée générale par an pour voter les travaux, et non vers la maîtrise d’ouvrage de projets ambitieux, comme une éco-rénovation. Ensuite, la décision de travaux suppose d’obtenir le vote favorable d’une majorité de copropriétaires aux profils socio-économiques variés, avec des intérêts distincts. Cette France miniature à l’échelle d’un immeuble n’avance donc pas toujours dans le même sens.
«C’est une décision engageante qui suscite un fort risque perçu, en dépit de l’appui technique et des financements mobilisables», précise Benjamin Rougeyroles. Résultat : les travaux se font souvent via la contrainte, comme le remplacement d’une chaudière collective obsolète, alors qu’une éco-rénovation repose sur une logique de planification.
Autre problème : les aides financières brillent par leur complexité. Dispersées entre plusieurs organismes, elles sont en outre instables d’une année sur l’autre, alors que la prise de décision s’étale sur plusieurs années.
Toutefois, les copropriétés entrent progressivement dans la rénovation énergétique. «Depuis deux ans, on assiste à un changement d’échelle à la faveur de trois éléments : des pouvoirs publics très engagés sur le chantier de la rénovation des bâtiments avec à la clé des financements renforcés, des professionnels mieux formés avec des solutions éprouvées selon la taille des copropriétés et des retours d’expériences d’éco-rénovation de plus en plus documentés qui convainquent».
Reste que rénover est toujours une aventure sociale collective, à mener pas à pas, qui se déroule dans le temps et implique plusieurs acteurs aux intérêts distincts.
II.- De la prise de décision à l’exécution des travaux
«Les projets d’éco-rénovation en copropriété mettent environ six ans pour aboutir. Ce calendrier incompressible est lié au passage obligé en AG annuelle pour valider les étapes, mais aussi au temps de maturation des copropriétaires vis-à-vis de l’opération». Les déclencheurs de la réflexion pour engager des travaux sont variables et peuvent se cumuler. La dégradation de l’immeuble et de ses équipements (fissures sur les façades, voire chute de matériaux, pannes récurrentes de chaudière, sensations de froid en hiver, etc.) demeure le principal point d’entrée. «Or, la nécessité de faire ces travaux représente une fenêtre de tir pour introduire de l’efficacité énergétique et faire d’une pierre deux coups», commente Benjamin Rougeyroles.
La réalisation d’un audit énergétique, obligatoire dans toute copropriété de plus de cinquante lots, avec chauffage collectif ou de refroidissement et bâtie avant 2001, est naturellement une autre occasion de réflexion sur un plan de travaux. Véritable aide à la décision, cet outil donne une vision globale de l’immeuble et propose des travaux pour améliorer ses performances et son confort. Il existe deux autres diagnostics plus structurants encore, l’audit global et le diagnostic technique global.
L’engagement d’un copropriétaire leader, couplé à l’adhésion du conseil syndical, avec en prime un syndic volontaire, illustre la configuration idéale pour maximiser l’acceptabilité d’un projet d’éco-rénovation par les copropriétaires. Les accompagnateurs jouent également un rôle moteur pour faire adhérer la copropriété (APC, plateformes de la rénovation, ALEC, conseillers FAIRE, etc.).
Surtout, il faut rassurer pour encourager le vote de travaux efficaces en assemblée. Comme l’observe Benjamin Rougeyroles, «une rénovation globale est plus rentable et plus performante que des travaux au coup par coup». Et les différentes aides, notamment les subventions de l’ANAH, ciblent des travaux de rénovation ambitieux.
Les mots d’ordre pour parvenir au vote d’un projet de rénovation globale en assemblée, qui est ici un rituel de validation mais pas un temps de délibération, sont : simplicité et lisibilité de l’opération. L’enjeu est de démontrer l’efficacité d’un bouquet de travaux pour obtenir des gains de confort, d’énergie et d’économie importants, sans oublier l’effectivité des aides mobilisables.
Les arguments économiques sont en effet, à mettre en avant car ils font consensus, mais pas via les temps de retour sur investissement, souvent longs et peu crédibles. Il est donc préférable de communiquer sur le «reste à charge» incluant la quote-part, les aides individuelles et collectives, les économies de charge, la valorisation de l’immeuble, le tout lissé éventuellement sur une durée de prêt.
Une fois le projet (enfin) voté, s’ouvre la phase des travaux avec le suivi du chantier et sa réception. Il reste une dernière étape à ne pas négliger, c’est l’après-travaux, insiste l’Agence parisienne du climat. Le conseil syndical, le syndic et les éventuels accompagnateurs doivent mettre en place un suivi des consommations, former les copropriétaires aux éco-gestes et renégocier éventuellement les contrats de fourniture d’énergie.
III.- Les aides à la rénovation évoluent en 2020
En plus du fonds travaux, souvent sous-dimensionnés, et des appels de fonds auprès des copropriétaires, il existe plusieurs offres de financement, dont certaines ont mué, tel que le CITE.
Depuis le 1er janvier 2020, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et les aides de l’ANAH “Habiter mieux agilité” sont fusionnés pour donner naissance au dispositif MaPrimeRénov (maprimerenov.gouv.fr)
Cette prime, versée par l’ANAH l’année des travaux, cible les ménages les plus modestes et finance les travaux sur les résidences principales dont la construction est achevée depuis au moins deux ans. La mise en place de ce dispositif est progressive : l’aide concerne en 2020 les propriétaires occupants puis en 2021 les propriétaires bailleurs et les syndicats de copropriétaires (cf. chronique fiscale dans ce numéro). La liste des travaux éligibles évolue aussi, et les montants accordés sont fixés non plus en fonction de la dépense effectuée, mais sur la base de forfaits définis par type de dépense.
Pour les mêmes travaux, MaPrimeRénov’ est cumulable avec :
• Les aides versées au titre des CEE dont la 4e période est prolongée jusqu’au 31 décembre 2021 ;
• Les aides des collectivités (chèque audit de 5 000 € à Paris, subvention Tinergie pour les copropriétés de Brest métropole, dispositif Ma Rénov Bordeaux Métropole, etc.) ;
• L’éco-prêt à taux zéro collectif et individuel ;
• La TVA réduite à 5,5 % sur les travaux d’économie d’énergie ;
• Les aides d’Action logement.
En revanche, le cumul est exclu avec l’aide “Habiter Mieux sérénité” de l’ANAH, destinée aux foyers modestes, qui vient d’ailleurs d’être bonifiée pour les logements les plus énergivores en contrepartie d’un gain énergétique substantiel.
Les aides ne manquent donc pas, surtout si l’on y ajoute le dispositif “Habiter Mieux copropriété” de l’ANAH qui finance les travaux permettant un gain énergétique de 35 % minimum dans une copropriété présentant des premiers signes de fragilité, l’emprunt collectif ou encore le tiers financement. Mais plusieurs voix s’élèvent désormais pour décloisonner et clarifier les aides, tout en optimisant leur instruction. «Pour les professionnels comme pour les copropriétaires, les dispositifs existants sont parfois inintelligibles», concède Benjamin Rougeyroles.
Par ailleurs, la création d’un produit bancaire dédié aux copropriétés et la refonte de l’emprunt collectif en copropriété sont pareillement demandées par plusieurs acteurs.
IV.- Deux exemples d’éco-rénovation inspirants
Rénovation globale de 66 logements pour la copropriété «Beccaria»
Sise rue Beccaria (Paris 12e), cette copropriété des années 60 n’avait pas effectué de travaux depuis plus de vingt ans. Par conséquent, la chaufferie était en fin de vie, la façade et d’autres éléments du bâtiment dégradés avec des problèmes d’humidité, et surtout, les charges de chauffage et d’eau chaude exorbitantes. Avec le support de l’APC, la copropriété, emmenée par un conseil syndical moteur, décide de lancer un projet d’éco- rénovation.
L’abandon du fioul et la mise en place de chaudières au gaz naturel constituent la première tranche de travaux entraînant une amélioration du confort et une nette diminution des charges du chauffage. Ces bénéfices ouvrent alors la voie à un projet d’isolation globale, qui va permettre à l’immeuble d’atteindre un résultat exemplaire : 70 % de réduction des charges, un gain de deux étiquettes énergie (de E à B), un confort global amélioré (esthétique du bâtiment, meilleure qualité de l’air, sensation de parois froides neutralisée…), et une valeur patrimoniale des logements augmentée de 5 à 10 %, soit une estimation de 500 à 1 000 €/m².
La réalisation de travaux ambitieux (isolation par l’extérieur des murs, isolation thermique de la toiture, des fenêtres et des parois vitrées ou encore installation d’une VMC) couplée à un travail d’ingénierie financière complexe appellent des compétences spécifiques. Le conseil syndical engage donc une étude de conception avec un groupement porté par la société Île-de-France Energies, associant le savoir-faire d’un maître d’œuvre et d’un bureau d’études thermiques spécialisés, qui assurent la conception du projet, la définition des plans de financements individuels et collectifs et le bon déroulement des travaux.
Le montant total des travaux et prestations intellectuelles s’élève pour cette opération à 1 770 800 €, pour 327 000 € d’aides perçues, c’est-à-dire un coût moyen par logement de 26 800 €, à mettre en regard de la réduction de la facture énergétique.
Gain énergétique de 20 % pour une petite copropriété haussmannienne du XIXe siècle
Construite en 1880, cette copropriété de 28 logements, située rue du Faubourg Saint-Denis (Paris 19e), subit des désordres de plus en plus importants sur ses façades (fissures notamment). La nécessité d’une intervention de travaux offre l’opportunité d’embarquer l’isolation des façades sur cour, qui ne comprennent pas de modénatures, contrairement aux façades sur rue. Avec l’aide de l’APC, la copropriété vote son audit énergétique fin 2016. Neuf mois plus tard, l’audit est restitué, tandis que le vote de la mission de maîtrise d’œuvre, puis des travaux, intervient en 2018. Une isolation thermique par l’extérieur (façade et cour) avec une pose de panneaux en liège ainsi qu’une isolation des combles perdus par projection de ouate de cellulose est réalisée début 2019. Coût total de l’opération : 208 500 €, pour un gain énergétique de 20 %, avec un reste à charge moyen de 6 100 € par logement grâce à l’obtention de différentes aides s’élevant à 70 000 € (CITE, CEE, subventions de la Ville de Paris et de l’ANAH via le programme Eco-rénovons Paris, majorées d’une prime pour l’utilisation de matériaux biosourcés).
Ces deux exemples montrent que l’éco-rénovation d’un immeuble en copropriété est toujours possible, quelles que soient la taille et l’année de construction des bâtiments à rénover, sous réserve d’un conseil syndical moteur et de professionnels compétents. Et c’est tant mieux car ce sont en France près de dix millions de logements qui attendent de monter dans le train de la rénovation.