Comment céder son droit à surélever ?
La surélévation présente de véritables opportunités pour les copropriétés désirant financer les travaux de réhabilitation et d’amélioration de leur bâtiment, notamment celles en difficulté. Elles peuvent ainsi trouver des ressources en cédant leurs droits à surélever à un maître d’ouvrage, généralement un promoteur immobilier. Ce dernier pourra ainsi vendre les lots à créer sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement. Pour ce faire, le bénéficiaire du droit de surélévation sera ainsi chargé de créer de nouveaux volumes à construire, modifier le règlement de copropriété, demander un permis de construire, et effectuer l’ensemble des études techniques.
L’opération offre l’avantage de réduire significativement les coûts financiers pour la copropriété. Elle n’aura ainsi pas à supporter le lourd financement des travaux et percevra l’argent de la cession du droit à construire, une fois le permis de construire devenu définitif (cf. ci-dessous). Autre atout : la responsabilité juridique reposera sur le tiers effectuant les travaux, a priori, un professionnel rompu, contrairement à un syndicat des copropriétaires dont ce n’est pas le rôle.
Les règles classiques du droit de la construction s’appliqueront ainsi, sans que cela ne dégage le syndic de sa responsabilité, dans l’hypothèse où il manquerait à son devoir de conseil. Par exemple, si ce dernier omet de vérifier que l’entreprise chargée de la surélévation de l’immeuble a effectivement souscrit les assurances nécessaires pour garantir la bonne fin des travaux dans l’intérêt du syndicat (Cass. 3e civ., 11 mars 2014, n° 13-10.875).
Une procédure à bien respecter
Après avoir décidé de céder son droit de surélever, le syndicat doit toutefois suivre une procédure bien précise. Ainsi, après une phase d’étude préalable, deux assemblées générales au moins sont nécessaires.
La première assemblée va acter la décision d’entrer en pourparlers sur la cession du droit de surélever, l’évaluation et les modalités de versement du prix, ainsi que l’engagement sur une étude de faisabilité technique réalisée par un bureau d’études. Ce vote se fera à la majorité de l’article 26 ou 25 si l’immeuble se situe dans un périmètre de droit de préemption urbain. Le promoteur sera alors en mesure de lancer les études techniques et de préparer avec le notaire et le géomètre-expert et les documents modificatifs nécessaires pour la cession.
Lors de la seconde assemblée, les copropriétaires vont voter, toujours à la même majorité, la partie technique : le descriptif des travaux, les plans d’architecte ou bien encore l’étude structure. Il s’agira également d’approuver l’acte de cession et les modifications consécutives à l’état descriptif de division et au règlement de copropriété. Le promoteur déposera alors le permis après cette seconde assemblée.
Attention, cependant ! Ce n’est qu’une fois le permis de construire obtenu et purgé de tout recours, et les décisions de l’assemblée générale devenues définitives, que pourront intervenir l’acte de cession, le versement du prix et le commencement des travaux en tant que tels.
Pourquoi un architecte ?
Le recours à un architecte s’avère indispensable afin que, lors de la demande de permis, le maître d’ouvrage puisse se conformer aux prescriptions réglementaires édictées par le Code de la construction et de l’habitation. Le projet de surélévation devra, notamment respecter les modalités de jouissance des copropriétaires ou la destination de l’immeuble, avec éventuellement le versement d’une indemnité compensatrice.
Outre les contraintes techniques notamment concernant la structure portante, les accès par escalier voire par ascenseur, le raccordement et la desserte des réseaux, il faudra également tenir compte des incidences de la surélévation à l’égard des tiers dans le voisinage.
Par ailleurs, la réalisation d’une vue en perspective de la surélévation projetée sera clairement un plus pour que le syndicat puisse visualiser son impact sur l’immeuble et soit plus enclin à voter le projet - que l’architecte aura pris soin d’intégrer au mieux dans l’environnement urbain.
À noter
> Un architecte des bâtiments de France devra impérativement être consulté dans les zones denses intégrées :
- en zone de protection du patrimoine architectural urbanistique et paysager (ZPPAUP) ;
- en zone de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) ;
- dans un périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques.
> les logements créés en rehaussement sur le toit sont soumis aux règles applicables aux constructions neuves (respect de la réglementation thermique, sécurité incendie, accessibilité…). En revanche, pour les copropriétaires du dernier étage ayant un projet de création de duplex en surélévation, les règles qui s’appliqueront seront celles de la réhabilitation, moins contraignantes.
Le dossier technique constitué permettra au maître d’œuvre de se prononcer sur la faisabilité technique et de chiffrer les coûts de construction au vu des propositions des entreprises et de l’avis de l’architecte. Attention à bien intégrer tous les coûts complémentaires pour le chiffrage total du projet de surélévation : assurance (pour la période du chantier, puis pendant la garantie décennale), charge foncière en cas d’achat des droits à construire, TVA immobilière, honoraires de l’architecte maître d’œuvre, coûts de géomètre qui va effectuer des relevés puis élaborer un volume fictif affecté de tantièmes de copropriété correspondant au volume à créer puis à céder, frais de notaire, fris d’un huissier de justice pour constater l’affichage du permis de construire et l’état de l’existant avant travaux, taxes d’urbanisme, mais aussi frais de copropriété pour la tenue d’assemblées générales spécifiques.
Recours : un risque à ne pas négliger
Cinq fois moins dense que le béton, le bois est un matériau couramment employé dans les projets de surélévation pour respecter les contraintes de charge. S’agissant d’une construction sèche n’employant ni ciment ni eau, les risques de nuisances sont donc moindres. Pour autant, les travaux couplés à un ravalement peuvent être sources de désordre, que ce soit sur l’immeuble concerné ou un bâtiment voisin. D’où l’intérêt de bien anticiper pour éviter des recours juridiques, le plus souvent initiés par des copropriétaires occupant le dernier étage n’envisageant pas d’acheter les mètres carrés construits, ou bien des occupants de l’immeuble voisin.
Le recours à un référé préventif peut être un bon moyen de se prémunir des demandes intempestives d’arrêts de travaux, susceptibles de les retarder, voire d’obérer leur finalisation. Nombre de promoteurs choisissent ainsi cette procédure qui consiste à demander au tribunal de grande instance la désignation d’un expert chargé de dresser un état des lieux avant travaux, y compris au regard des bâtiments contigus. Ce dernier devra suivre en direct le chantier et proposer des solutions pour éviter tout préjudice ou le réparer.
À noter
> Une action menée par un occupant d’un immeuble voisin pour perte d’ensoleillement ou de vue consécutives au rehaussement de l’immeuble aura très peu de chance d’aboutir en zone de densification urbaine.