Depuis 2004, les copropriétés ont la possibilité, en tant que personnes morales, de quitter leur opérateur historique d’électricité pour bénéficier des offres de marché et, pourquoi pas, d’un tarif plus avantageux. Un choix qui n’est pas sans risque et nécessite réflexion.
Paul TURENNE
Changer de fournisseur pour un autre moins cher... Voilà a priori le genre de situation sur lequel une copropriété n’hésite pas. Pourtant, l’ouverture du marché de l’électricité n’a pas déclenché une vague de départs des contrats aux tarifs réglementés pour des offres de marché (cf. encadré «Tarifs réglementés ou offres de marché ?»). Or, si depuis le 1er juillet 2007, tous
les consommateurs peuvent choisir librement leur fournisseur d’électricité ou de gaz naturel, les copropriétés avaient déjà la possibilité de le faire depuis 2004, comme pour les professionnels.
En effet, en tant que personnes morales, elles sont considérées comme des sites non résidentiels. Une frilosité qui n’étonne pas Thierry Jacquin, directeur commercial de Gaz Electricité de Grenoble (GEG) : “Cela correspond assez bien au mode de fonctionnement des copropriétés, avec des décisions collégiales importantes et, de fait, une approche prudente et raisonnée du marché”. En tant que fournisseur historique d’électricité, GEG propose à la fois un tarif réglementé et des offres de marché. Une double casquette qui lui permet d’avoir une vision plus large du marché. “Nous avons assez peu de demandes de copropriétés pour passer sur une offre de marché. Cette situation devrait être assez stable jusqu’au 1er juillet 2010”.
Car à partir de cette date, des bouleversements (inflation des prix) sont à attendre sur le marché de l’électricité, avec la fin des tarifs réglementés.
Irréversibilité
La frilosité des copropriétés s’explique aussi, sans doute, par l’impossibilité de revenir au tarif réglementé, une fois réalisé le passage en offre de marché. Tout au plus, les copropriétés peuvent-elles souscrire une offre au Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché (TaRTAM) jusqu’au 30 juin 2010. Ce tarif s’applique de plein droit, à compter de la date de demande auprès du fournisseur et est égal au tarif réglementé de vente hors taxes, majoré de 10 %. Certains copropriétaires, qui n’avaient pourtant engagé aucune démarche pour quitter le tarif réglementé, ont eu la mauvaise surprise de s’apercevoir que leur syndic l’avait fait pour eux.
Une situation dénoncée par l’Association des Responsables de Copropriété (ARC) qui rappelle qu’en aucun cas les syndics ne peuvent changer de fournisseurs d’électricité (et bien sûr de gaz) sans autorisation de l’assemblée générale. Si les syndics en question arrivent à négocier des tarifs attractifs via des contrats de groupe, les copropriétaires perdent, d’une part, la possibilité de revenir au tarif réglementé, mais se retrouvent aussi captifs. En effet, s’il décident de quitter leur syndic, ils ne pourront plus bénéficier de ce tarif
préférentiel. Méfiance, donc. Mieux vaut prévenir que guérir et faire acter en assemblée générale l’obligation de valider, à la majorité de l’article 24 de la loi de 1965, tout changement de fournisseur d’énergie.
Se lancer dans l’aventure...
Changer de fournisseur d’électricité nécessite de bien analyser les différentes offres et de décrypter des tarifs parfois peu lisibles.
Dans le cas contraire, gare aux désillusions !
Première étape, lister tous les opérateurs proposant une offre de marché d’électricité sur votre lieu de résidence. Outre les fournisseurs “nationaux”, il existe parfois d’autres entreprises locales de distribution qui assurent le même service. Pour savoir si vous faites partie des 5 % des consommateurs français qui peuvent en bénéficier, vous avez la possibilité de vous adresser à votre gestionnaire de réseau, dont les coordonnées vous seront communiquées par votre mairie, ou bien effectuer une recherche de distributeurs par code postal sur www.energie-info.fr
Ne reste plus qu’à étudier et comparer l’ensemble des offres que vous aurez pris soin de vous faire adresser. Le plus difficile consiste à évaluer le montant global de votre facture et non pas simplement les éléments de tarification que les opérateurs ont tendance à mettre en avant. Ce montant global est constitué de trois parties : une part fixe, des taxes et une partie variable.
La part fixe ou abonnement est un tarif fixé par l’Etat qui croît en fonction de la puissance nécessaire de 3 à 36 kilo voltampère (kVa). Les taxes incluent, elles, la TVA, la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), sans oublier les taxes locales.
Tout se joue donc sur la partie fourniture de la facture, en comparant les montants “Toutes taxes Comprises” (TTC), en fonction de la consommation d’électricité en kilowattheures (kWh) de la copropriété.
A cela, s’ajoutent divers éléments qu’il convient de prendre en compte avant de foncer tête baissée vers une offre de marché, de prime abord alléchante. Tout d’abord, le prix sera-t-il fixe durant toute la durée du contrat ? En cas de contrat indexé, et donc soumis à évolution, la plus grande prudence s’impose et vous devez impérativement vous renseigner sur la périodicité et les conditions des variations de prix. A ce titre, il faut également se méfier des offres promotionnelles qui courent sur une certaine période à partir de la signature du contrat. Si le prix de départ paraît parfois très intéressant, la facture peut vite s’alourdir avec le retour au “tarif normal”. Surtout en cas d’une durée d’engagement du contrat importante. Autre problématique : le choix ou non d’une option tarification heures creuses. De manière générale, souscrire cette option apparaît peu judicieux pour une copropriété. En effet, cette période court de 23 h à 7 h du matin et prend donc tout son intérêt si la grande majorité des équipements électriques fonctionne souvent et largement en dehors des horaires de bureau. Or, cela est très rarement le cas dans une copropriété, ne serait-ce qu’à cause du fonctionnement des ascenseurs. Et l’on comprend bien qu’avec une majoration comprise entre 40 % et 60 % le reste du temps, le calcul est vite fait... Une fois ces points éclaircis, reste celui des services proposés et de leurs coûts.
Pour ce faire, il s’agit avant tout de distinguer parmi tous ces services, ceux potentiellement utiles de ceux superflus ou, pire, présentés comme gratuits alors qu’ils sont inclus dans les obligations du fournisseur. Modifier la puissance de son compteur, bénéficier d’un diagnostic énergétique ou d’un bilan annuel de la consommation électrique sont autant de services qui peuvent ainsi apporter un plus à la copropriété, dans la mesure où ils restent accessibles. Enfin, ne pas oublier de vérifier les conditions de résiliation du contrat. Faut-il apporter des justifications précises ? Quelle est la durée du préavis ? Sans oublier bien sûr, les frais éventuellement applicables.
Intermédiaire énergétique, la solution ?
L’expérience montre que les prix attractifs du kW/h au début de la libéralisation se sont ensuite «envolés». Selon une étude de Nus consulting, parue en 2007, les tarifs réglementés auraient ainsi augmenté de 10,6 % depuis 2002, tandis que les tarifs du secteur libre auraient progressé de 75,6 %.
Une tendance haussière incontestable, liée au investissements nécessaires pour renouveler les capacités de production ainsi qu’aux problématiques environnementales, qui devraient continuer à se confirmer.
Face à ce constat, la société Medes-Intermédiaire Energétique (Medes-IE) a fait le pari de garantir des prix fixes sur une durée pouvant aller de trois à dix ans. “À la fin de chaque mois, les consommateurs qui nous ont mandatés sont réunis dans un appel d’offres. Tous les fournisseurs d’électricité peuvent proposer un prix fixe du kilowatt-heure et de l’abonnement sur une durée déterminée. Nous retenons alors le fournisseur le moins cher”, explique Amaury Fretay, gérant de Medes-IE. Pour autant, le prix fixe ainsi obtenu n’est, en règle générale, pas moins cher que les autres tarifs disponibles sur le marché. L’intérêt de cette formule ? La copropriété qui mandate Medes-IE ne paie rien. “C’est le fournisseur choisi qui nous rémunère, nous permettant ainsi de vérifier tous les mois que les garanties de l’appel d’offres sont respectées. Par ailleurs, ces rémunérations figurent dans les propositions des fournisseurs, afin de garantir la transparence du contrat.” En cas de non-respect avéré de celui-ci, la société a prévu d’exclure des appels d’offres, durant quatre à six mois, le fournisseur fautif. En faisant le pari d’une augmentation continue des prix de l’énergie, cette formule peut s’avérer intéressante sur le long terme. Le prix garanti n’augmentera pas pendant toute la durée contractuelle, alors que les consommateurs «classiques» subiront de très probables hausses, lors des indexations. Pourtant, les copropriétés sont encore frileuses. En cause : la difficulté à obtenir un consensus lors des assemblées générales des copropriétaires car le principe du changement de fournisseur d’énergie doit être adopté à la majorité de l’article 24 de la loi de 1965. “La fin du tarif réglementé en 2010 va sans doute accélérer les choses”, estime Amaury Fretay. Autre frein, une fois l’appel d’offres lancé, la copropriété est obligée d’accepter le contrat proposé par le fournisseur retenu. “Certes, c’est contraignant pour ceux qui craignent d’avoir un prix non choisi, mais ces offres sont obtenues pour un certain nombre de compteurs. Si, au final, leur nombre était revu à la baisse, le fournisseur ne pourrait garantir son tarif initial.”
À noter que Medes-IE propose deux mandats d’électricité verte : un à 50 %, où la moitié de l’électricité consommée est produite à partir d’énergies renouvelables, et un autre à 100 %.
Pour en savoir plus : www.medes-ie.fr
Fournisseurs d’électricité actifs au 31 décembre 2008 proposant des offres au tarif réglementé et/ou de marché, dans au moins 90 % des communes de France métropolitaine raccordées au réseau de l’électricité (hors Corse), pour les petits sites non résidentiels :
Fournisseurs alternatifs d’électricité
Direct Energie 30 99
(appel gratuit depuis une ligne fixe)
www.direct-energie.com
Enercoop - 0 811 093 099
(prix appel local depuis une ligne fixe)
www.enercoop.fr
GDF Suez 0 811 01 3000
(prix appel local depuis une ligne fixe)
www.gazdefrance.fr
Planète Oui 0 874 76 30 19
(prix appel local depuis une ligne fixe)
www.planete-oui.fr
Poweo 30 20
(appel gratuit depuis une ligne fixe)
www.poweo.com
Fournisseurs historiques d’électricité
Alterna 0 810 105 205
(prix appel local depuis une ligne fixe)
www.alterna-energie.fr
EDF 0 810 333 776
(prix appel local depuis une ligne fixe)
www.edf.fr
GEG Source d’Energies 04 76 84 38 00
www.geg.fr
Tarifs réglementés ou offres de marché ?
Depuis le 1er juillet 2004, les clients professionnels (incluant les copropriétés en tant que personne morale) ont la possibilité de souscrire soit :
• une offre au tarif réglementé, dont le prix est fixé par les ministres en charge de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE),
• soit une offre de marché, dont les prix sont à la discrétion de chaque fournisseur et déterminés par un contrat.
Lexique
Entreprise Locale de Distribution (ELD) : distributeur non nationalisé, qui assure la distribution de gaz ou d’électricité sur un territoire déterminé.
Petits sites non résidentiels : sites non résidentiels, dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA. Leur consommation annuelle est en général inférieure à 0,15 Gwh, ce qui est le plus souvent le cas des copropriétés.
Fournisseurs historiques : ils regroupent EDF et les Entreprises Locales de Distribution (ELD), ainsi que les filiales qu’ils contrôlent.
Fournisseurs alternatifs : ils regroupent les fournisseurs qui ne sont pas des fournisseurs historiques. Un fournisseur historique intervenant en dehors de sa zone de desserte
habituelle n’est ainsi pas pour autant considéré comme alternatif.