[N° 601] - Quelles ressources financières pour une copropriété ?

par Marie Hélène MARTIAL
Affichages : 19524

Index de l'article

Les copropriétaires le répètent souvent : leurs charges ne cessent d’augmenter ! Diminuer les dépenses ? Difficile dès lors que les dépenses relèvent souvent de règlementations qui s’imposent… Des ressources, inexploitées, existent pourtant. Mais c’est un autre regard qu’il faut porter sur la copropriété : un potentiel et non une charge…
Avec la loi ALUR, le législateur incite le syndicat à cette réflexion. Ainsi, il facilite la  surélévation des immeubles en répondant aux besoins de densification de l’espace urbain, et aux besoins de financement des copropriétés, notamment en vue de la transition énergétique.
D’autres dispositifs sont également possibles et méritent d’être examinés : temporaires ou définitifs. ©DR

Louer


Les antennes relais
Avec le développement de la téléphonie mobile, depuis les années 1990, les syndicats de copropriété sont régulièrement contactés pour négocier la pose d’une antenne sur leur toit.
En effet, à partir d’un poste émetteur, le signal doit être relayé par des antennes pour assurer une couverture suffisante du réseau. Ces antennes “relais” doivent être installées à des points précis et en hauteur pour éviter tout obstacle affaiblissant la portée du signal.
Le toit d’un immeuble en zone urbaine peut donc répondre à tous ces critères.
Mais la première critique, communément émise, concerne les risques sanitaires éventuellement engendrés par ces installations.
Le dernier rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, d’octobre 2013, émet un certain nombre de recommandations qui portent plus sur l’utilisation du téléphone mobile lui-même (ou appareil similaire) que sur les risques liés aux ondes électromagnétiques émises par des antennes.
Si des garanties peuvent être apportées par l’opérateur sur le plan des risques sanitaires, il faut convaincre un ensemble de personnes : les copropriétaires.
L’autorisation d’installation d’antennes relais en copropriété relève d’une décision d’assemblée générale. D’une part, elle aura à se prononcer sur le contrat liant les deux parties, et d’autre part, elle devra autoriser la réalisation de travaux.

Majorité requise
Une réponse ministérielle du 14 janvier 2002, n° 68412, indiquait que cette installation «se traduit par la réalisation de travaux affectant les parties communes et par la conclusion d’un contrat de location portant sur le toit de l’immeuble» et donc que, «la décision d’installation de l’antenne est prise en assemblée générale par un vote à la double majorité de l’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
Un arrêt définitif de la cour d’appel de Paris en date du 7 avril 2005 n°05-12610, considérant que l’autorisation donnée à un opérateur de téléphonie mobile d’installer une antenne relais sur la terrasse d’un immeuble portait à la fois atteinte à la destination de l’immeuble et aux modalités de jouissance des parties privatives a retenu le principe de l’unanimité. En l’espèce aucune affirmation n’avait été apportée sur l’absence totale de risque sanitaire…En 2009, une nouvelle réponse ministérielle du 8 septembre, précise «le principe de précaution ne trouve pas à s’appliquer dès lors que les risques n’apparaissent pas suffisamment établis et qu’un intérêt public, lié à la nécessité de couverture de l’ensemble du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, justifie que cette activité soit développée.»
La cour d’appel de Paris est revenue sur sa position et, par arrêt du 3 février 2010 (n° 08-09191), retient la validité d’un vote à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 avec la possibilité d’un deuxième vote par le biais de l’article 25-1 de la même loi.
Bien qu’il s’agisse de contrats de longue durée, nécessitant la réalisation de travaux importants, dès lors qu’il n’existe pas de risques sanitaires, c’est donc la majorité de l’article 25 qui serait requise.

Les bâches publicitaires
Autre possibilité pour un syndicat, et celle-ci sans risque sanitaire : la pose d’une bâche publicitaire.
On entend au sens du Code de l’environnement :
• Les bâches de chantier, qui sont des bâches comportant de la publicité, installées sur des échafaudages nécessaires à la réalisation de travaux ;
• Les bâches publicitaires, qui sont des bâches comportant de la publicité autres que les bâches de chantier.
C’est un décret du 30 janvier 2012, en application de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, qui règlemente la publicité extérieure.
Initialement la surface envisagée était de 12 m², plus adaptée à un panneau publicitaire qu’à une bâche… et difficile à amortir pour un annonceur.
En définitive, le décret (art R. 584-54 Code de l’environnement) retient que  l’affichage publicitaire apposé sur une bâche de chantier, ne peut excéder 50 % de la surface totale de la bâche de chantier, soit généralement  la façade concernée.
Toutefois, lorsque les travaux de rénovation projetés doivent permettre à l’immeuble d’obtenir le label «haute performance énergétique rénovation”, dit «BBC rénovation”, l’autorité compétente de police peut autoriser un affichage publicitaire d’une superficie supérieure à ce plafond.
En pratique, sur un immeuble existant composé de copropriétaires particuliers et privés, un tel label est difficilement atteignable.
Bien entendu, la durée de l’affichage publicitaire sur une bâche de chantier ne peut excéder l’utilisation effective des échafaudages pour les travaux.
Mais les bâches publicitaires à proprement parler, peuvent être installées sur les murs aveugles ou ceux comportant des ouvertures d’une surface unitaire inférieure à 0,50 m2 (art R. 581-55, Code de l’environnement), sans aucune restriction de surface ou de durée.
Là encore, c’est une décision d’assemblée générale qui doit autoriser l’affichage publicitaire.
Deux cas de figure pourraient être envisagés :
• S’agissant d’un ravalement, l’affichage publicitaire sur la bâche de chantier sera obligatoirement d’une durée limitée et dans ces conditions, la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, suffisante.
• S’agissant d’une bâche publicitaire sur un mur pignon, donc d’une surface plus importante et surtout d’une durée plus longue, on s’oriente vers la location d’une partie commune.

Précisons que la décision de l’assemblée générale ne peut être donnée que sous réserve de l’autorisation de la collectivité publique compétente et de la conformité avec le règlement local de publicité (RLP).

Les panneaux publicitaires
La location pour la pose de panneaux publicitaires est plus fréquente que pour les bâches publicitaires.
Dans ce cas également, le panneau, généralement «4 par 3», devra respecter la règlementation prévue par le Code de l’environnement en matière d’affichage publicitaire, ainsi que les règlements locaux de publicité.
Pour la majorité requise, un raisonnement identique à celui de la pose de bâche publicitaire peut être retenu.


Aliéner


La surélévation des copropriétés
L’un des buts affichés de la loi ALUR pour lutter l’étalement urbain est la densification des villes. Concrètement, il s’agit d’aller vers la verticalité et donc d’inciter à la surélévation des immeubles.
Pour une copropriété, l’objectif est double puisque cette solution peut également permettre de financer les travaux de rénovation énergétique.
Bien que cette possibilité ait déjà été inscrite dans la loi du 10 juillet 1965, elle a rarement été utilisée.

La loi ALUR assouplit donc les conditions juridiques d’autorisation de surélévation telles que fixées dans l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965. De l’unanimité antérieurement requise, seule la double majorité de l’article 26 (majorité des copropriétaires représentant les 2/3 des voix du syndicat) est aujourd’hui nécessaire.
L’article 35, alinéa 1er, est donc modifié comme suit : «La surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée par les soins du syndicat que si la décision en est prise à la majorité prévue à l’article 26.»
Autre condition révisée : le copropriétaire du dernier niveau perd son droit de veto au bénéfice d’un  droit de priorité sur l’acquisition des lots nouvellement créés.
Préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs lots, le syndic devra notifier à chaque copropriétaire de l’étage supérieur du bâtiment surélevé, l’intention du syndicat de vendre, en indiquant le prix et les conditions de la vente. Une telle notification vaut offre de vente pendant une durée de deux mois à compter de sa notification.
Qu’il s’agisse d’aliéner des lots issus de la surélévation à l’initiative du syndicat ou de céder le droit de surélever par lui-même, les conditions d’autorisation et de majorité sont identiques :
• Autorisation donnée en assemblée générale, par le syndicat, à la double majorité de l’article 26.
• Nécessité d’une assemblée spéciale réunissant les copropriétaires du bâtiment à surélever si le syndicat est composé de différents bâtiments.
Il convient de préciser que lorsque le bâtiment est situé dans un périmètre sur lequel est institué un droit de préemption urbain en application de l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme, la décision d’aliéner le droit de surélever ce bâtiment est prise à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 (majorité absolue des voix du syndicat).

Quelle qu’en soit l’initiative, le projet de surélévation doit comporter :
• Une étude de faisabilité technique, étant rappelé que toute construction nouvelle est soumise à la RT 2012, qui impose des normes énergétiques «basse consommation».
• Un dossier d’autorisation d’urbanisme ;
• Le modificatif au règlement de copropriété résultant de la création de lots et de leur cession, ainsi que la nouvelle répartition des charges qui en découle.
Autre aspect à aborder, celui de l’indemnisation des copropriétaires lésés. En effet, l’article 36 de la loi du 10 juillet 1965 précise : «Les copropriétaires qui subissent, par suite de l’exécution des travaux de surélévation prévus à l’article 35, un préjudice répondant aux conditions fixées à l’article 9 ont droit à une indemnité. Celle-ci, qui est à la charge de l’ensemble des copropriétaires, est répartie selon la proportion initiale des droits de chacun dans les parties communes».
Les copropriétaires subissant une gêne liées aux travaux, ou une atteinte à la jouissance privative de leurs lots, seraient recevables à demander une indemnisation, laquelle est différente du prix de cession du droit de surélévation.
Il est probable que c’est cette hypothèse qui sera le plus souvent retenue, les copropriétaires ne disposant pas eux-même du financement pour les travaux de surélévation.
Le but du législateur étant principalement de faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique, il serait souhaitable que la copropriété ait chiffré ses besoins avant de démarrer la délicate négociation du prix.
En tout état de cause, le projet à présenter à l’assemblée générale devra être le plus précis possible pour sécuriser les copropriétaires.
Il sera alors de l’intérêt du syndicat de s’entourer de toutes les précautions nécessaires, demander un référé préventif avant démarrage des travaux, se faire assister par un maître d’œuvre pour l’étude de la demande d’autorisation et le déroulement du chantier, et surtout obtenir une garantie de bonne fin des travaux dans des délais prédéfinis aux frais du cessionnaire.

Vente de parties communes déjà existantes
Il s’agit du cas le plus courant et le plus facilement négocié qui peut porter sur des combles, des locaux communs «désaffectés», des courettes, des terrasses…La loi du 10 juillet 1965 pose le principe que toute aliénation de partie commune doit recueillir la double majorité de l’article 26, si la vente de ces parties communes ne présente pas d’utilité pour la collectivité des copropriétaires et si elle n’affecte pas les conditions de jouissance des copropriétaires, c’est-à-dire si elle ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble.
Ce cas de figure pourrait s’appliquer aux cessions de WC communs qui ne sont plus d’utilité, dès lors que l’ensemble des logements en sont d’ores et déjà équipés.

Vente de la loge
La vente de la loge de gardien demeure un cas spécifique.
La loi «Boutin» du 25 mars 2009 avait  introduit dans la loi du 10 juillet 1965 la disposition suivante : «la suppression du poste de concierge ou de gardien et l’aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu’il appartient à la copropriété, sous réserve qu’elles ne portent pas atteinte à la destination de l’immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives de l’immeuble» étaient adoptées à la double majorité de l’article 26 précité.
La loi ALUR du 24 mars 2014, vient préciser les conditions de vote. Elle ajoute à la  rédaction de l’article 26 d) : «Les deux questions sont inscrites à l’ordre du jour de la même assemblée générale».
Le but serait d’attirer la vigilance des copropriétaires sur les conséquences de la vente du logement.
Mais, est-ce à dire que si les questions sont posées à deux assemblées différentes, l’unanimité s’appliquerait ?
L’article 26 prévoit également que lorsqu’en application du règlement de copropriété, cette suppression porte atteinte à la destination de l’immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives, l’unanimité est nécessaire.

Dans tous les cas de vente de parties communes ou de droits accessoires, le syndic devra s’atteler à la résolution des questions suivantes :
• Qualifier la parcelle de partie commune à céder : est-elle nécessaire au respect de la destination de l’immeuble ?
• Prévoir de faire établir un modificatif au règlement de copropriété pour identifier le lot nouvellement créé et les tantièmes qui lui sont rattachés ;
• Permettre à l’assemblée de fixer un prix cohérent ;
• Proposer ces points à l’approbation de l’assemblée générale ;
• Signer l’acte authentique et faire publier le modificatif au règlement de copropriété ;
• Répartir le prix.

Crédits © Pyb - Wikipedia, © DR, © Guillaume Hecht, © Gilles Cohen- Fotolia

 


Répartition du prix

Il convient de préciser que le prix de vente se répartit entre les copropriétaires en tantièmes généraux s’il s’agit d’une partie commune générale et tantièmes spéciaux dès lors que c’est une partie commune spéciale à un bâtiment qui a été cédée.

 


Sort du fond de couloir

Des dispositions particulières peuvent exister dans les règlements de copropriété, dites de «fond de couloir». Elles permettent à un copropriétaire qui deviendrait propriétaire de plusieurs lots desservis par un même dégagement de l’utiliser à titre privatif sans autorisation de l’assemblée générale. Cette clause s’applique en l’état si elle n’est pas déclarée illicite par un juge. La jurisprudence est contradictoire sur sa validité.
Mais la prudence pour un syndicat (et son syndic) serait d’obtenir une cession en bonne et due forme et un modificatif au règlement de copropriété à l’appui. Il apparait souhaitable que la propriété soit elle-même transférée au lieu de «l’utilisation à titre privatif».
Enfin si une telle clause n’existait pas, l’aliénation se ferait avec une contrepartie financière, élément indispensable à toute cession partie commune.