[N° 575] - L’humidité : les causes et les solutions techniques - Témoignage «Une fuite peut faire des dégâts considérables sur le bâti et la structure»

par Paul TURENNE
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Témoignage «Une fuite peut faire  des dégâts considérables sur le bâti et la structure»

Claude Arbonna, responsable du développement commercial et technique chez Avipur, spécialiste de la détection non destructive des fuites d’eau.

Quelles sont les origines des fuites d’eau ?
Lorsque l’on évoque les fuites d’eau, on pense le plus souvent aux geysers qui sortent d’une canalisation. Dans un appartement, les choses sont bien différentes. Une fuite d’eau est la plupart du temps sournoise, masquée et bien cachée. Papiers peints qui craquent et se décollent, développement de moisissures, joints de carrelage noirs constituent autant d’indices qui nous mettent sur la voie. En copropriété, les causes des fuites sont multiples. Le plus souvent, il ne s’agit pas de cassures nettes, mais plutôt de micro-fissures ou de soudures qui fuient sur des réseaux d’alimentation en eau potable, d’eaux usées ou bien de chauffage. Par exemple, on constate souvent de mauvais raccords entre des tuyaux en PVC et en acier car les plomberies nouvelles et anciennes se marient mal. Nous sommes également confrontés à un grand nombre de raccordements d’évacuation fuyants. Il peut aussi s’agir d’infiltrations ou de condensation. Or, une fuite que l’on n’arrive pas à identifier va perdurer pendant des années. Pendant ce temps, cette eau qui s’accumule fait des dégâts considérables sur le bâti et la structure. On se retrouve alors avec des parties communes extrêmement dégradées, voire même impraticables dans le pire des cas. Certains parkings inondés depuis la construction n’ont ainsi jamais pu être utilisés, faute d’avoir pu identifier l’origine de la fuite. Pour toutes ces situations de derniers recours qui s’éternisent, nous sommes appelés le plus souvent par des syndics, mais aussi par des assureurs, des professionnels, voire directement par des copropriétaires. Nous intervenons aussi de plus en plus à la demande de plombiers qui n’arrivent pas à gérer ces situations et veulent éviter de tout casser.

Quels sont les moyens techniques à votre disposition ?
Pour retrouver l’origine d’une fuite, plusieurs technologies vont être utilisées et croisées pour plus d’efficacité. A commencer par une caméra thermique infrarouge de haute résolution qui va permettre de rechercher la moindre capillarité, la moindre petite fuite dans le bâti. L’avantage d’une caméra thermique est la possibilité d’identifier précisément les zones les plus humides, ce qu’on ne peut effectuer avec un hygromètre. On visualise alors l’imagerie en la superposant avec une photo existante. Nous utilisons également un système de corrélation acoustique avec une transmission radio afin de rechercher une fréquence de fuite. Autre possibilité : l’installation d’un système d’écoute pour entendre les bruits d’écoulement de la fuite et ainsi pouvoir mieux la localiser. Enfin, nous mettons aussi en œuvre un système de gaz traceur. On injecte ainsi un gaz dans la canalisation et, au niveau de la fuite, les émanations de gaz sont détectées en surface grâce un capteur adapté. L’inspection vidéo et la coloration existent également, mais sont des techniques moins perfectionnées qui ne permettent pas de détecter certaines fuites. C’est en croisant toutes ces technologies que l’on arrive à faire de la recherche de fuites non destructive et à débloquer la plupart des situations (lire p. 25 et 26).

Concrètement, comment procédez-vous ?
Nous intervenons entre le compteur et la partie intérieure de la maison. Le travail est donc difficile car, le plus souvent, on ne dispose pas de plans de réseaux, la configuration des lieux n’est pas évidente et le mobilier intérieur complique également l’intervention. Il s’agit donc d’une enquête technique très pointue qui permet de trouver d’où vient le problème sans tout casser. Pour débuter, il nous faut tout d’abord une vue d’ensemble. Cela commence le plus souvent par un dialogue avec la ou les personnes concernées, afin de bien cerner le contexte. Y a-t-il déjà eu des fuites ? De quand date l’immeuble ? Quels ont été les derniers travaux ? Il faut appréhender le lieu où l’on intervient avant de sortir le matériel et faire en sorte que les techniciens qui interviennent pensent différemment pour pouvoir prendre du recul. Ensuite, on débute le plus souvent en utilisant la caméra thermique afin de détecter visuel­lement les zones humides. Elle va ainsi orienter la recherche dans une première direction. Il est vrai que ce n’est pas la technologie la moins chère, mais c’est celle qui fait le plus avancer la détection et ce, en peu de temps. Il ne reste ensuite plus qu’à affiner jusqu’à trouver l’emplacement précis.
Si la recherche de fuite n’est pas une science exacte et qu’il faut toujours se remettre en cause, à ce jour, on s’approche du 100 % de détection des fuites. Nous cherchons, en effet, au maximum à croiser les informations obtenues par un procédé avec celles d’un autre. C’est une façon d’éviter de partir sur de fausses pistes et d’être certain de l’emplacement d’une fuite avant d’intervenir. Dans ce métier d’analyse et de réflexion, le doute doit être le plus faible possible. C’est tout simplement indispensable quand nous intervenons, par exemple, sur un dossier judiciaire pour une fuite, car les enjeux sont alors considérables !

Pouvez-vous illustrer vos propos par des exemples concrets ?
J’ai en tête l’exemple d’une copropriété de quatre étages, dans laquelle l’appartement du quatrième était inondé. Tous les soubassements et les murs étaient dégradés, la peinture cloquait. Cette situation durait depuis la construction de l’immeuble, sept ans auparavant, sans que quiconque ait pu y remédier. Le plafond de l’appartement du dessous ayant été dégradé par cette fuite, les relations entre les deux copropriétaires étaient devenues extrêmement tendues. Le syndic essayait tant bien que mal de faire l’arbitre, sans trouver de solution. Après être intervenu, nous avons pu déterminer qu’il s’agissait d’une évacuation d’eau usée qui était obstruée par de l’isolant. L’eau chaude, ne pouvant s’évacuer, se condensait autour du tuyau et ce ruissellement d’eau sur toute la hauteur faisait que l’appartement du quatrième était inondé. A l’issue du diagnostic, nous avons assisté quasiment à une réconciliation en direct et dans l’heure qui a suivi, les relations ont été beaucoup plus apaisées entre toutes les parties ! Comme il y avait une assurance ouvrage sur l’immeuble, le syndic a fait jouer l’assurance du constructeur et tout est rentré dans l’ordre.
Un autre exemple est celui d’un plombier qui nous a appelés un jour car il n’arrivait pas à trouver une fuite, qui était, selon lui, sous un bac à douche. Avec l’autorisation de sa cliente, il avait cassé le bac à douche qui venait d’être changé six mois auparavant, sans parvenir à régler le problème. Une fois sur place, nous avons effectué des recherches, principalement, grâce à de l’imagerie thermique. Au final, nous avons trouvé la fuite dans le mur d’un couloir à 3,20 mètres de la douche. Il y avait une fuite sur un petit tuyau cuivre qui alimentait le bac, l’eau coulait dans la gaine qui entourait ce tuyau, inondant ainsi la salle de bain. L’eau coule toujours au point le plus bas, mais ce n’est pas forcément à cet endroit que la fuite est localisée. Il faut parfois chercher ailleurs.