Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X...a été cité devant le tribunal correctionnel pour injure publique à caractère racial pour avoir tenu à M. Dogan Y...les propos suivants «sale bougnoule, vous êtes juste tolérés ici», et ce dans la cour commune de l’immeuble où résident les deux intéressés en qualité de copropriétaires ; que le tribunal a déclaré M. X...coupable de ce délit par un jugement dont le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l’arrêt retient, notamment, que les propos incriminés, également entendus par l’épouse de M. Y..., ont été proférés dans une cour d’immeuble comportant seize appartements et à laquelle le public a accès ;
Attendu qu’en se déterminant par ces motifs, d’où il se déduit que les propos litigieux ont été tenus dans des circonstances traduisant une volonté de leur auteur de les rendre publics, la cour d’appel a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Dans le premier cas, le siège textuel de la répression réside dans les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Malgré son intitulé, cette loi «ne se limite pas, et ne s’est jamais limitée, à la presse écrite»1 et a vocation à s’appliquer à tout propos, écrit ou oral, proféré publiquement et attentatoire à l’honneur de la victime. Ayant comme domaine «la liberté d’expression publique»2, cette loi réprime ainsi la diffamation et l’injure publiques3. En revanche, si les propos attentatoires à l’honneur de la victime n’ont pas été proférés publiquement, ce sont les dispositions du Code pénal relatives à la diffamation4 et l’injure5 non publiques qui ont vocation à fonder la poursuite. La distinction entre les deux types d’infractions est d’importance car, si les abus publics de la liberté d’expression punis par la loi de 1881 revêtent la nature d’un délit, ceux commis en privé et sanctionnés par le Code pénal ne sont que des contraventions.
C’est cette distinction qui était en jeu dans la décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 8 avril 2014 et dont les circonstances intéressent de près le domaine de la copropriété.6 En l’espèce, un copropriétaire avait été condamné par les juges du fond pour avoir proféré des injures à caractère racial envers un autre copropriétaire lors d’une altercation dans la cour de leur immeuble commun. Pour entrer en voie de condamnation, les juges s’étaient fondés sur l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 qui réprime notamment l’injure publique commise «envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.» Cette qualification était remise en question par le pourvoi formé devant la Cour qui faisait valoir que le caractère public des propos faisait défaut dès lors que ceux-ci avaient été tenus dans un cadre restreint, hors la présence de tiers étrangers à ce cadre et au sein de la cour de l’immeuble qui, étant une partie commune d’un immeuble en copropriété, constitue un lieu privé.
Au cœur de l’affaire se trouvait donc l’interprétation de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qui dispose notamment que la publicité est constituée dès lors que sont en cause des «discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunion publics.» Se posait alors la question de savoir si les parties communes sont un lieu public ou privé. A cette interrogation, il convient d’apporter une réponse nuancée. En effet, si les parties communes constituent par principe un lieu privé (I), elles peuvent néanmoins, au sens de la loi sur la presse, devenir le lieu d’expression de propos publics (II).
1- P. Auvret, J.-Cl. Communication, fasc. 3020, Eléments constitutifs des infractions à la loi de 1881, n° 25.
2- P. Auvret, op. cit., loc. cit.
3- Loi 29 juill. 1881, art. 29.
4- Code pénal, art. R. 621-1.
5- Code pénal, art. R. 621-2.
6- Sur les abus de la liberté d’expression au sein de la copropriété, v. notre étude, L’honneur en copropriété : injures et diffamation au sein du syndicat : Inf. Rap. Copr. juill.-août 2009, n° 550, p. 37.