Maître Laurence Guégan-Gélinet
Le nouvel article 209-II est-il un texte impératif ?
Oui, l’obligation de mise en conformité reste entière. L’incertitude de la sanction adossée à une date couperet a amené le législateur à amender son texte pour maintenir l’obligation de mise en conformité tout en écartant expressément les conséquences les plus graves, à savoir le risque de disparition automatique et définitive des droits.
Considérez-vous que la mise en conformité des règlements de copropriété doive se faire au sens des dispositions de l’article 6-4 ?
Paradoxalement en effet, le législateur rend obligatoire la mise en conformité des règlements de copropriété antérieurs au 1er juillet 2022 avec les dispositions d’un article 6-4 de la loi qui est pourtant censé ne pas leur être applicable…
Le syndic doit mettre à l’ordre du jour cette question lors de chaque Assemblée générale si elle n’a pas été traitée auparavant : est-ce une incitation ?
La formulation du texte révèle une obligation impérative, « le syndicat des copropriétaires inscrit à l’ordre du jour », ce qui contraint le syndicat et donc le syndic à l’exécuter.
Il s’agit d’une exigence tout aussi efficace qu’auparavant, le législateur ayant simplement décidé « d’y arriver par l’usure plutôt que par la force » comme cela a pu être très justement résumé.
Malgré leur absence de mention dans le RCP, les parties communes existent-elles toujours juridiquement ?
Oui, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative ne devraient plus risquer d’être privées automatiquement d’existence au lendemain du 23 novembre 2021. C’est bien le but affiché par cette réforme.
Quel est le champ d’application de l’article 209-II qui prévoit que « L’absence d’une telle mention dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ces parties communes » ?
Par cette phrase le législateur a entendu déjouer le risque d’une sanction disproportionnée qui pourrait résulter des termes malheureux de l’article 6-4 de la loi, subordonnant l’existence des droits concernant les parties communes à leur mention dans le règlement de copropriété.
On ne peut que s’en féliciter.
Mais si l’article 6.4 de la loi du 10 juillet 1965 ne s’applique plus aux règlements antérieurs au 1er juillet 2022, ce n’est pas le cas d’autres dispositions issues de la loi Elan du 23 novembre 2018 ou de l’ordonnance du 30 octobre 2019, entrées en vigueur dans l’intervalle.
A titre d’exemple, les articles 6-2 et 6-3 de la loi précisent que la création de parties communes spéciales est indissociable de l’établissement de charges spéciales à chacune d’elles et que le droit de jouissance ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot.
De même, l’article 8, prévoit que le règlement de copropriété « énumère, s’il y a lieu, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative ».
A défaut d’une mise en conformité qui serait effectuée au sens le plus large, c’est-à-dire en englobant également la mise à jour du règlement de copropriété à la majorité de l’article 24 f de la loi du 10 juillet 1965, certains droits pourraient, à tort ou à raison, se voir contestés.
Pouvez-vous décrire les conséquences de l’absence de mise en conformité des RCP à l’aune du nouveau texte ?
Le syndic représentant le syndicat qui n’aurait pas inscrit cette question à l’ordre du jour engagerait sa responsabilité en cas de préjudice résultant de cette carence.
Il en serait de même en cas de refus non justifié du syndicat des copropriétaires, alors que la question lui a été soumise, de mentionner dans le règlement de copropriété les parties communes spéciales, celles à jouissance privative ou la consistance des lots transitoires.
Dans le cadre d’un droit de jouissance, quel serait en réalité le préjudice qui pourrait être subi par les copropriétaires ou le syndicat ?
Les copropriétaires de certains lots assortis de droits de jouissance privative pourraient éprouver éventuellement des difficultés à les céder tant que ces droits ne seraient pas mentionnés dans le règlement de copropriété.
Quelle méthode appliquer ?
La rédaction d’un rapport établi par un professionnel devrait précéder cette mise en conformité pour, soit la préconiser, soit l’écarter si elle n’apparaissait pas nécessaire.
Le syndic ne peut lui-même effectuer un travail qui s’apparente à une expertise et qui doit être réalisé par des professionnels spécialisés comme les avocats ou les notaires. Il doit procéder le plus rapidement possible à l’inscription à l’ordre du jour de la mise en conformité des règlements de copropriété antérieurs au 1er juillet 2022.
Pour conclure, dans l’ignorance de la jurisprudence à venir, il est impératif d’inclure la mention des parties communes spéciales et celles à jouissance privatives dans le règlement de copropriété, de même que la consistance des lots transitoires. Du reste, c’est précisément l’obligation mise en place par le législateur.
*Article publié sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engageant pas les rédactions des Informations Rapides de la Copropriété