L’étude du contentieux de la copropriété montre que le recouvrement des charges demeure la principale source de litiges.
Le dispositif mis en place par la loi de 2018 et l’ordonnance de 2019 va-t-il dans le bon sens selon vous ?
Marine Parmentier :
«Le dispositif va en en effet dans le bon sens. Il inscrit dans la loi la possibilité qu’a le syndic, sans autorisation préalable d’assemblée générale, de faire inscrire une hypothèque légale au bénéfice du syndicat sur les lots d’un copropriétaire défaillant afin de protéger le syndicat contre son éventuelle insolvabilité.
Il étend l’assiette du privilège mobilier du syndicat aux loyers que percevraient le copropriétaire défaillant.
De même, il étend l’assiette du privilège immobilier spécial du syndicat aux créances de toute nature sur un copropriétaire défaillant.
Enfin, le dispositif permet de déduire les sommes exigibles par le syndicat de la part du prix de vente de parties communes revenant à chaque copropriétaire.»
Charline Bedded-Garnier :
«La réforme ELAN est sur ce point tout à fait efficace : à défaut d’un règlement du solde de charges dû dans les trente jours après mise en demeure, le président du tribunal judiciaire peut condamner le copropriétaire à payer les provisions de charges courantes présentes et à venir y compris celles relatives aux travaux. Le recouvrement est donc facilité pour les syndicats car l’arme procédurale est globale (résultat total qu’elle permet d’obtenir) et efficace (pas besoin de décision d’AG pour lancer la procédure, condamnation sur le fond). La procédure est présentée comme rapide, mais elle reste contradictoire et les échanges de conclusions des parties peuvent prendre du temps. Les tribunaux sont aussi, après le confinement, face à un retard certain : la démarche peut donc aisément durer plus de six mois. Ensuite, le recouvrement effectif passe souvent par une exécution forcée par huissier : en moyenne, il faut compter un à deux ans avant de pouvoir créditer la condamnation sur le compte du syndicat, sans compter les recours en contestation ouverts sur les procédures-même d’exécution. L’efficacité certaine du dispositif légal reste donc à relativiser avec la réalité du fonctionnement de l’institution judiciaire. Mais réjouissons-nous d’avoir déjà un principe rapide et ferme.»
Olivier Douek :
«C’est indiscutable. En étendant le champ d’application de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 initialement limité aux charges du budget prévisionnel de l’exercice en cours aux provisions pour travaux, mais également et surtout aux appels de fonds impayés des exercices antérieurs pour lesquels les comptes ont été approuvés, le législateur dote le syndicat des copropriétaires d’une arme désormais efficace pour lutter contre les impayés. Il n’est pas douteux que la procédure de recouvrement accélérée au fond qui entraîne la déchéance du terme après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, va désormais constituer la mesure privilégiée de recouvrement des arriérés de charges au regard de sa rapidité et de sa simplicité, comparée aux procédures classiques devant le tribunal judiciaire et le pôle de proximité.
À cela, l’ordonnance du 30 octobre 2019 - en modifiant l’article 19 de la loi du 10 juillet 1965 - ajoute de nouvelles garanties au syndicat des copropriétaires que constitue le privilège mobilier du bailleur de l’article 2332 1° du Code civil qui porte sur les meubles garnissant les lieux appartenant au copropriétaire débiteur, mais aussi sur les sommes dus par son locataire.»