[N°633] - Charivari en assemblée : Comment prévenir ou gérer les conflits ?

par Nathalie BROCARD, juriste
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Le microcosme de la copropriété est un point de rencontre entre des intérêts privés et l’intérêt collectif. Si l’on y ajoute la perversité de l’engeance humaine, on devrait être prêt pour affronter l’expression de certaines forces contraires lors des assemblées générales. Mais, comment déjouer le piège de la réunion houleuse et ne pas sombrer dans le énième conflit judiciaire tant recherché par certains ? Les idées qui suivent compilent des retours d’expériences, car dans ce domaine, comme dans d’autres, qui n’a pas été à la mine ne connaît pas le soleil. ©DR





Le principe de précaution


Les écrits

Le règlement de copropriété devrait clarifier la destination de l’immeuble (habitation, commercial, etc.), la nature des parties de l’immeuble (privatives, communes, communes en jouissance privative ou spéciales) ou les règles de fonctionnement propres à la résidence (organes, délai de convocation en urgence, périodicité des appels de fonds, etc.). Sa lecture attentive évitera des confusions et des prises de positions conflictuelles lors des assemblées. La mise à jour de ce contrat préviendrait aussi bien des errements, en particulier sur les règles de majorité à suivre (art. 24-II f de la loi du 10 juillet 1965).

En fonction de la composition des syndicats (copropriétaires occupants, présence de locataires résidents ou saisonniers), des rappels de règles sous de multiples supports pourraient couper court à des débats tumultueux reportés aux questions diverses en fin d’assemblée. Il pourrait s’agir d’un «règlement intérieur» à distribuer à tout nouvel arrivant et consignant les extraits importants du règlement de copropriété (notamment sur la tranquillité de l’immeuble), ou pour les règles de sécurité et d’hygiène, d’un tableau d’affichage installé dans les parties communes (hall d’immeuble, pool house, local vélo, local poubelle, etc.), ou encore dans certaines grandes copropriétés, d’une lettre interne établie par le conseil syndical afin de relayer les actualités de la résidence.


Côté syndic

Le syndic professionnel doit user de son expertise et de sa diplomatie pour maintenir de bonnes relations avec les membres du conseil syndical, en particulier le président avec lequel il est régulièrement en contact. Le droit de la copropriété étant très sensible aux évolutions législatives, règlementaires et jurisprudentielles, il est essentiel que les syndics et leurs collaborateurs suivent des formations afin de  pouvoir immédiatement mettre en œuvre les dernières règles en vigueur et rassurer les syndicats par leur savoir-faire. Certains cabinets publient des lettres d’information et proposent des conférences. Cet effort pédagogique peut désamorcer les remarques désobligeantes en assemblée à l’égard du syndic qui soumet au vote de nouvelles résolutions obligatoires.


Côté conseil syndical

Le syndic établit l’ordre du jour de l’assemblée générale en concertation avec le conseil syndical (art. 26, d. al.X, du décret du 17 mars 1967). C’est l’occasion de trier les questions afin d’éviter que la réunion d’assemblée ne s’éternise et ne dégénère. Il faut aussi vérifier que le syndic dispose de toutes les pièces à joindre à la convocation de l’assemblée pour freiner la vacuité des débats et briser toute menace de contestation (art. 11 du décret).

Le contrôle régulier des comptes par le conseil syndical lui permettra de neutraliser toute question imprévue (pour cette tâche, il peut se faire assister d’un tiers de son choix ; art. 27 du décret). S’il fait un bilan annuel négatif, son compte-rendu d’exécution devrait néanmoins comprendre des éléments positifs afin de provoquer un impact moins anxiogène sur l’assemblée dès le commencement de la réunion.

Lorsque, d’évidence, certaines questions sont épineuses, il est important que le conseil syndical dialogue avant l’assemblée avec l’ensemble des copropriétaires, par exemple, au cours d’une réunion préparatoire informelle, en présence éventuellement d’un professionnel, futur intervenant pressenti dans la copropriété. Cela atténue tout effet de surprise en assemblée et allège les débats.

Dans les grandes copropriétés, des commissions peuvent être constituées pour travailler sur des sujets particuliers (économies d’énergie, espaces verts, etc.). Lors de l’assemblée, un rapporteur devrait être en mesure de recenser les actions accomplies par chacune. Ceci renforcera l’idée d’une gestion saine et active de la résidence.
Un conseil syndical soudé donne confiance aux autres copropriétaires. Pour cela, il est indispensable que des réunions régulières soient organisées (avec ou sans le syndic) ; sur le long terme, en effet, de seuls échanges de courriels ou appels téléphoniques ôteraient l’objectivité de décisions prises sous l’influence d’une personnalité dominatrice au sein de cet organe.

Inviter en assemblée au renouvellement des membres du conseil syndical en intégrant des copropriétaires présents, permet à chacun de se sentir concerné ; une liste préétablie, imposée et immuable, irait à l’encontre du débat démocratique nécessaire à la désignation des membres.


 


Pendant et après l’assemblée


Pour éviter des lenteurs dès le départ, il faut s’assurer que tout le matériel nécessaire au déroulement de l’assemblée sera disponible sur le lieu de la réunion (prises, câbles, etc.).

Aucun copropriétaire ne peut se voir interdire de participer à une réunion d’assemblée.  Si l’assemblée s’annonce troublée, le recours à un tiers de confiance peut introduire de l’objectivité et dépassionner les débats. Mais pour intervenir (et voter), il est indispensable qu’il ait reçu le mandat de l’un des copropriétaires (art. 22, al. 2, de la loi de 1965). À défaut, le président de l’assemblée pourrait soumettre au vote la présence d’un étranger lors de la réunion (David Rodrigues, La participation aux assemblée générales, Inf. rap. copr. n° 632, octobre 2017). Dans tous les cas, un tiers mandaté ne peut pas être désigné comme président de séance (Cass. 3e civ., 13 novembre 2013, n° 12-25.682). Ce dernier joue, en effet, un rôle déterminant lors de la réunion : il anime les débats, rétablit éventuellement l’ordre, propose le cas échéant de réagencer l’ordre des résolutions. Les réunions trop longues épuisent et ravivent les tensions ; il lui revient donc de faire preuve de maîtrise pour dérouler l’ordre du jour avec vigueur et courtoisie. L’horaire de la réunion n’est pas sans conséquence sur l’humeur des participants, il faut donc savoir abréger certaines questions. Le président de séance certifie exacte la feuille de présence à la fin de la réunion ; les autres copropriétaires non membres du bureau de l’assemblée n’ont, en conséquence, pas à interrompre la séance pour la vérifier.

Si les hostilités persistent, avant l’ultime recours à une décision de justice, la voie de la médiation conventionnelle ou judiciaire peut opportunément permettre de dégager une solution amiable consentie entre les parties. Caroline Jaffuel souligne le rôle bénéfique du médiateur judiciaire pour trouver des solutions pérennes en copropriété, là où le magistrat n’est pas toujours en mesure d’apaiser toutes les tensions en tranchant selon les règles de droit (La médiation judiciaire et les litiges de copropriété, Inf. rap. copr. n° 585, janvier/février 2013).

Ces humbles conseils ne feront pas obstacle aux Shere Kahn des assemblées. Mais, certains l’ont dit avant nous : dans toute situation difficile, il ne faut jamais renoncer à espérer.

©DR