A la suite à des impayés de charges d’un ou plusieurs copropriétaires, le syndic se doit de réagir sans tarder, afin que ces dernières ne soient pas in fine supportées par l’ensemble de la copropriété. Le point sur l’ensemble des possibilités en la matière, des simples relances amiables jusqu’aux actions judiciaires coercitives. ©DR
Face aux impayés de charges, il n’existe pas de remède miracle. A chaque situation sa solution ! Pour choisir la procédure la plus appropriée, le syndic devra ainsi arbitrer en fonction de l’importance du montant des impayés, d’une part, du comportement du propriétaire défaillant et de sa situation financière, d’autre part.
Face à un copropriétaire de bonne foi, les solutions amiables doivent bien évidemment toujours être privilégiées dans un premier temps. Ainsi, le syndic pourra-t-il proposer au copropriétaire débiteur un échéancier de remboursement adapté à ses ressources, avec de simples relances par courrier.
Sans réponse de sa part, il convient alors d’adresser une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR), afin d’acter le début de la procédure. L’absence de versement un mois après l’envoi de la LRAR, permet en effet de réclamer la créance, les intérêts courants à partir de la date de réception de la mise en demeure.
Déclaration, référé provision… ou injonction
Trois actions en recouvrement de droit commun peuvent être entreprises par le syndic :
Première possibilité pour les créances inférieures à 4 000 euros : la déclaration au greffe du tribunal d’instance, qui ne nécessite pas l’assistance d’un huissier ou d’un avocat. Cette déclaration doit comporter l’identification des parties (nom, prénoms, profession, adresse ou dénomination et siège social), l’objet de la demande et un exposé sommaire des motifs. Le greffier convoque ensuite les parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, étant entendu que la convocation du défendeur vaut citation. A noter : l’enregistrement de la déclaration interrompt la prescription et les délais pour agir.
Deuxième possibilité, lorsqu’une situation d’urgence est avérée, le syndic peut agir en référé pour demander au créancier une provision. Cette procédure de référé provision, particulièrement rapide, doit être engagée auprès du président du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble, par exemple lorsque le non-paiement des charges bloque le démarrage ou l’avancement de travaux.
Troisième possibilité : l’injonction de payer, procédure au cours de laquelle le juge examine le dossier sans entendre ni le demandeur – dans le cas présent le syndicat –, ni le défendeur. Cette procédure, relativement rapide et ne nécessitant pas l’assistance obligatoire d’un avocat, peut être utilisée quel que soit le montant de la créance à recouvrer, dès lors que la demande est précisément chiffrée. Si les pièces présentées démontrent l’existence d’une créance, le tribunal délivre alors un titre exécutoire permettant de faire procéder à des saisies sur le débiteur : saisie-attribution sur compte bancaire, saisie sur véhicule ou sur mobilier. Lorsque le débiteur ne s’oppose pas à cette injonction de payer dans le délai limite d’un mois, la décision devient exécutoire. Sinon, le litige est porté au fond devant le tribunal de grande instance.
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Comment gérer les impayés ? Inf. rap. copr., n° 569 de juin 2011. ●
Recouvrement : une charge réservée au seul syndic !
Le syndic peut-il laisser un tiers fournissant des prestations spécifiques au sein d’une copropriété agir en recouvrement des sommes impayées par les copropriétaires ? Non, vient de confirmer tout récemment la Cour de cassation.
En l’espèce, au sein d’une résidence services soumise au statut de la copropriété, l’assemblée générale avait chargé une association de l’entretien des espaces verts. Cette dernière avait assigné un couple de copropriétaires en paiement d’un arriéré de charges de fonctionnement. Ces derniers s’étaient alors empressé de soulever l’irrecevabilité de l’action de l’association.
Dans un premier temps, la cour d’appel d’Orléans a déclaré l’action de l’association recevable, par un arrêt en date du 31 mars 2014, en relevant que les charges dont le recouvrement est poursuivi, sont des charges de copropriété telles que définies par les textes applicables. Et de juger que l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, donnant qualité pour agir au syndicat des copropriétaires, n’empêche pas de donner délégation à l’association pour agir en paiement des charges correspondant aux services fournis. Se basant, par ailleurs, sur la convention de services conclue entre l’assemblée générale des copropriétaires et l’association – dans laquelle cette dernière a reçu délégation pour recouvrer, au nom du syndicat des copropriétaires, les charges de fonctionnement afférentes auxdits services –, la cour condamne ainsi le couple à payer à l’association les sommes réclamées.
L’arrêt d’appel est cassé et annulé par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 8 octobre 2015, au motif que « le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, a seul qualité pour agir en recouvrement des charges de copropriété ». Et de citer l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 : « Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non, avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ».
La Cour de cassation rappelle ainsi que le mandataire – ici l’association – ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat et que le mandat de recouvrer les charges correspondant à des prestations de services spécifiques ne confère pas au mandataire pouvoir d’agir en justice pour obtenir la condamnation de certains copropriétaires à les régler.
Cass. 3e civ, 8 octobre 2015, pourvoi n°14-19.245, publié au bulletin.
Qui paie les frais de recouvrement ?
Courriers recommandés, honoraires spécifiques du syndic, frais d’avocat, d’huissier, timbres fiscaux… Nombreuses sont les raisons entraînant un surcoût pour la copropriété, lors d’une procédure de recouvrement de charges et autres créances impayées.
Si la loi SRU prévoit que l’ensemble des frais nécessaires au recouvrement des charges impayées soit supporté uniquement par le débiteur, la loi ENL du 13 juillet 2006 a clarifié les choses en modifiant l’article 10-1 de la loi de 1965. Ce dernier propose ainsi une liste non exhaustive de ces frais incluant ceux de mise en demeure, de relance, de prise d’hypothèque, ou bien encore certains frais d’huissier. Le tribunal reste toutefois libre de refuser que des frais jugés non nécessaires ou d’un montant prohibitif soient supportés par le mauvais payeur. Si le syndicat venait à désapprouver les démarches engagées par le syndic, ces frais resteraient donc à sa charge.
Pour aller plus loin
• Le syndic est dispensé d’obtenir une autorisation de l’assemblée générale pour l’ensemble des actions en recouvrement de créance, à l’exception de la saisie immobilière (article 55 du décret du 17 mars 1967). Il doit toutefois rendre compte de l’action introduite lors de l’assemblée générale qui suit.
• Si le syndic tarde à recouvrer les impayés, tout copropriétaire peut demander la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire. Cette requête n’est valable qu’après mise en demeure adressée au syndic, restée infructueuse pendant plus de huit jours.
• Lors de l’assignation d’un copropriétaire défaillant, le syndicat peut solliciter le paiement de dommages et intérêts s’il estime avoir subi un préjudice du fait de ces impayés.
• L’ensemble des frais nécessaires au recouvrement des charges impayées est supporté uniquement par le débiteur. Toutefois, ces frais peuvent rester à la charge de la copropriété.
• Le délai de prescription pour le paiement des charges est de dix ans (article 42, §1, de la loi du 10 juillet 1965).