[N° 591] - Louer à des colocataires

par Paul TURENNE
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 Crise économique, cherté des loyers, volonté de rompre la solitude… Pour toutes ces raisons, la colocation a plus que jamais le vent en poupe. Elle se révèle en effet très souvent avantageuse que ce soit  pour les locataires et les bailleurs… sous réserve de bien cadrer les choses avant de contracter un bail.

Crédit : © l-auberge.com

 

 

Autrefois mal perçue par la majorité des bailleurs et parfois mise en œuvre officieusement avec toutes les dérives imaginables, la colocation connaît aujourd’hui une forte progression. Même si en 2012, la demande est 3,8 fois supérieure à l’offre, les offres ont augmenté de 14 %, tandis que les demandes progressaient de 11 %, selon le site appartager.com. Preuve de l’intérêt croissant des loueurs pour la colocation, 30,2 % des propriétaires s’y sont engagés depuis moins d’un an. Ces derniers y voit une solution fiable et acceptable pour tirer profit de leur bien immobilier. 40,6 % la juge en effet plus rentable du fait de la multiplication des loyers perçus, tandis que, de leur côté, les colocataires apprécient de pouvoir se loger à moindre coût.
Si le volume de la demande étudiante reste toujours majoritaire et en progression, cette dernière se fait moins forte en 2012 (+ 11 % pour les 18-25 ans). A l’inverse, la proportion de jeunes actifs ayant adopté, ou souhaitant adopter, la location partagée comme solution de logement augmente (+ 10 % pour les 26-35 ans et + 17 % pour les 36-45 ans). La progression est encore plus marquée pour les demandes émanant de personnes plus âgées (+ 24 % pour les 46-55 ans) ou retraitées (+ 25 % pour les 55 ans et plus). Bref, la colocation a de l’avenir !

Minimiser le risque d’impayés
Louer un logement en colocation implique que le bail comporte plusieurs titulaires. Le propriétaire et la totalité des colocataires doivent ainsi parapher et signer le contrat. Par ailleurs, si le bailleur est tout à fait libre de remettre un exemplaire à chacun d’entre eux, la loi lui impose d’établir seulement deux originaux : un pour lui, l’autre pour l’ensemble des colocataires.
En ce qui concerne les cautions, le principe ne diffère pas d’une location classique. Ainsi, dès lors qu’un locataire ne peut prouver l’existence d’un revenu suffisant, les propriétaires peuvent demander à ce qu’une tierce personne se porte garante du paiement du loyer. Dans le cas d’une colocation, le propriétaire aura intérêt à exiger autant de cautions qu’il y a de colocataires pour être certain d’être couvert.

Clause de solidarité
Afin de minimiser les risques d’impayés, la quasi-totalité des contrats comportent aujourd’hui une clause de solidarité qui implique que la caution s’engage pour l’intégralité du loyer.
Les locataires sont ainsi tenus conjointement, solidairement et indivisiblement à l’égard du bailleur au paiement des loyers, charges et accessoires dus, en application du bail signé.
En outre, le congé délivré par l’un des locataires ne le libère pas de son obligation relative au paiement des loyers et de ses accessoires, jusqu’au terme du contrat de location. Le locataire parti reste solidairement responsable des dettes nées durant cette période.
En cas de non-paiement par le(s) colocataire(s) sortant(s), le bailleur aura donc toute latitude pour se retourner contre le colocataire partant. Attention, toutefois : la clause de solidarité ne peut durer éternellement. Elle est, en général, limitée à un an après le départ du locataire.

Les colocataires sont tenus conjointement, solidairement et indivisiblement au paiement du loyer. - Crédit : © DR

Durée de préavis
Le colocataire qui souhaite quitter le logement doit adresser son congé au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception. Il doit, pour ce faire, respecter un délai de préavis minimum de trois mois en cas de location vide et d’un mois en cas de location meublée.
Afin d’assurer le paiement du loyer, les colocataires restants peuvent donc trouver un autre colocataire, sous réserve que le bailleur donne son accord. Les parties devront ensuite rédiger un avenant au contrat qui sera annexé au bail lui-même.

Quelles pièces justificatives réclamer ?
Trois types de pièces doivent être systématiquement demandés pour évaluer un dossier de candidature en vérifiant l’identité et la solvabilité du candidat :

• Justificatifs de revenus : il s’agit des trois derniers bulletins de paie du candidat ou de la caution d’une tierce personne pour les non-salariés. Dans la pratique, cette caution est surtout utilisée pour les étudiants, en incluant également les revenus du garant ;
• Justificatifs d’identité : carte d’identité, passeport ou bien encore permis de conduire, en cours de validité bien sûr ;
• Justificatifs de domicile : factures récentes d’électricité, de téléphone (fixe uniquement) ou d’Internet. Dans le cas  d’un étudiant louant son premier logement, il convient de réclamer le justificatif de logement de son garant.

Les pièces suivantes peuvent également être exigées :
• Dernière déclaration d’impôt sur le revenu ou, le cas échéant, celle du garant ;
• Relevé d’identité bancaire ;
• Carte de séjour pour les locataires possédant une carte de résident ;
• Photocopie de la pièce d’identité du garant ;
• Quittances de loyer du logement occupé précédemment ;
• Photocopie de la taxe foncière ou des impôts locaux si le garant est propriétaire.

Attention, il est en revanche formellement interdit de réclamer les pièces suivantes, sous peine de risquer des poursuites :
• photographie d’identité ;
• carte d’assuré sociale ;
• copie de relevé de compte bancaire ;
• dossier médical ;
• extrait de casier judiciaire.


Interdire la colocation aux seuls étudiants est illégal

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) avait été saisie d’une réclamation relative à la résolution d’une assemblée générale de copropriétaires visant à interdire la location à des colocataires distincts.
Le réclamant, propriétaire bailleur dans une résidence parisienne, louait son pavillon de cinq pièces principales à quatre colocataires étudiants. Or, le syndic de copropriété l’avait mis en demeure «de ne plus relouer son bien à des étudiants dans la mesure où la location à des étudiants serait contraire, en soi, à la destination de l’immeuble.» En outre, le syndic de copropriété affirmait que les «pavillons [étaient] destinés à recevoir une unité familiale, à savoir un couple ayant ou non des enfants».

Dans son jugement, la Haute autorité a rappelé que l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs, disposait qu’«aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement en raison de (…) sa situation de famille» et que dès lors, le bénéfice d’une location ne pouvait être réservé «aux couples». Il en résultait qu’interdire aux copropriétaires bailleurs de louer à des locataires distincts sous peine de poursuites judiciaires revêtait un caractère discriminatoire.
En outre, le lien de cause à effet qu’instituait l’assemblée générale des copropriétaires entre le statut d’étudiant des locataires ou colocataires, leur âge et les troubles anormaux du voisinage conduisait à effectuer une discrimination prohibée par la loi à raison des mœurs.
Enfin, cette résolution, apparemment neutre, conduisait également à discriminer de manière indirecte à raison de l’âge en violation du principe général du droit communautaire de non-discrimination en fonction de l’âge.


A retenir

• Si le bail comporte une clause de solidarité, le propriétaire peut se retourner contre un colocataire sortant qui ne paierait pas ses loyers et accessoires jusqu’au terme du contrat de location.
• La clause de solidarité demeure valable pour tous les éventuels renouvellements du bail par tacite reconduction.
• En cas d’arrivée d’un nouveau colocataire, le locataire ayant quitté les lieux reste juridiquement tenu au paiement du loyer, même s’il a donné congé. Toutefois, si un avenant le prévoit explicitement, il est libéré de son obligation de solidarité.
• Le locataire sortant ne peut exiger du bailleur sa part de dépôt de garantie, ce dernier n’étant tenu de le verser qu’à la fin du bail.
• Si l’ensemble des colocataires souhaite mettre fin au bail, un seul congé, signé par tous les colocataires, suffit.