Copropriété : Comment procéder à la mise en conformité du règlement de copropriété ? - II.- La mise en conformité : suggestions et réflexions à l’intention des praticiens

par Colette Chazelle - Avocat au barreau de Lyon
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Index de l'article

II.- La mise en conformité : suggestions et réflexions à l’intention des praticiens

A.- Le syndicat des copropriétaires doit décider par étapes

L’analyse du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division ne saurait relever des compétences du syndic telles que définies par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

S’il a un devoir de conseil renforcé à l’égard du syndicat, il n’a pas, pour autant, un rôle de consultant.

Il doit seulement assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété, et, s’agissant de la mise en conformité, les textes des articles 206 et 209 de la loi ELAN précisent que le syndic «inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question».

Le texte est impératif ; il édicte une obligation et non une faculté.

Bien entendu, si le syndic ne remplit pas son obligation, le conseil syndical, un copropriétaire particulièrement concerné, notamment le titulaire d’un lot transitoire, peuvent avoir l’initiative de demander l’inscription à l’ordre du jour de la question de la mise en conformité, en faisant application de l’article 10 du décret du 17 mars 1967.

Le syndic n’a pas à faire de diagnostic juridique mais il pourra malgré tout orienter le syndicat des copropriétaires dans des situations simples.

En présence d’un règlement qui mentionne clairement les parties communes spéciales et les parties communes à jouissance privative, le syndic sera en mesure de percevoir seul l’inutilité de cette mise en conformité.

Parfois, la configuration de l’immeuble n’engendre l’existence d’aucune partie commune spéciale ou partie commune à jouissance privative, ce qui est la situation la plus facile à appréhender.

Il en est de même pour la description d’un ou plusieurs lots transitoires ou du cas dans lequel il n’existe pas de lot transitoire.

En dehors de ces situations évidentes, il convient de recourir à l’analyse d’un professionnel qualifié (un avocat et/ou un géomètre-expert, un notaire) pour étudier les actes du syndicat et obtenir une consultation.

Il n’est pas improbable que le professionnel ajoute à sa consultation d’autres suggestions de modification du règlement, autres que celle de la mise en conformité.

Sans doute, la préconisation d’une adaptation du règlement pour le rendre conforme aux modifications législatives et réglementaires intervenues depuis sa publication sera intégrée, si le praticien exerce son devoir de conseil dans le cadre d’un audit plus large.

La décision de faire réaliser une telle étude doit faire l’objet d’une mise à l’ordre du jour lors d’une première assemblée générale.

Partant, lorsque cet audit du règlement conclut à la nécessité d’une mise en conformité, un projet de modificatif du règlement doit être élaboré pour ensuite être soumis au vote des copropriétaires, dans une seconde assemblée.

L’anticipation de cette possibilité conduit donc à prévoir, en deux temps, les différentes décisions du syndicat des copropriétaires :

• Faire réaliser par un professionnel qualifié une étude du règlement de copropriété, de l’état de descriptif de division, de leurs modificatifs et de tous les éléments pouvant avoir un intérêt pour la mise en conformité, notamment les procès-verbaux d’assemblée générale pouvant avoir conféré un quelconque droit de jouissance exclusive à des copropriétaires, et, pour envisager une nécessité de mise en conformité suite à ce diagnostic, désigner un professionnel qualifié pour préparer un projet de modificatif du règlement.

Pour cette dernière désignation, il est aussi possible de voter une délégation spécifique telle que visée par l’article 25 a) de la loi.

Si une délégation conventionnelle a été votée au profit conseil syndical dans le cadre de l’article 21-1 de la loi de 1965, créé par l’ordonnance du 30 octobre 2019, lorsque le nombre de membres du conseil syndical est de trois personnes au moins, le conseil syndical peut aussi faire la désignation du professionnel dans ce cadre.

La décision de faire réaliser cette étude doit faire l’objet d’un projet de résolution renseigné soumis à un vote à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 en ce qu’il est un préalable à la prise de décision d’une éventuelle mise en conformité.

La proposition d’honoraires du ou des professionnels devra être jointe à la convocation à l’assemblée générale.

En cas de vote favorable à cette étude, le syndic transmet la demande de consultation au professionnel en prenant soin de s’assurer qu’il est en possession de l’intégralité des actes portant les mentions de publication auprès des services de la publicité foncière.

Si cette étude préconise la mise en conformité du règlement de copropriété, il est alors établi des projets de modificatif et le syndicat des copropriétaires passe à la deuxième étape.

Voter l’approbation du projet de modificatif du règlement de copropriété et de sa publication, ce qui vient finaliser le processus.

Bien entendu, les projets de modificatif doivent, à peine de nullité de la décision, être joints à la convocation à l’assemblée générale en application de l’article 11-6° du décret du 11 mars 1967.

Ce vote a lieu à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Lorsque l’assemblée générale est devenue définitive pour n’avoir fait l’objet d’aucun recours dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale, le syndic doit, ensuite, faire procéder à la publication du modificatif approuvé pour le rendre opposable aux ayants-droits des copropriétaires.

La loi ELAN donne ainsi l’occasion de se replonger dans la lecture du règlement de copropriété, et de le rendre plus cohérent, plus lisible aussi.

D’aucuns se posent la question, cependant, de l’utilité d’un tel mécanisme.

 

B.- La mise en conformité est-elle une option ?

La lecture du texte des articles 206 et 209 de la loi ELAN ne laisse aucune place à un doute sur l’obligation qui pèse sur le syndic de porter la question de la mise en conformité à l’ordre du jour de l’assemblée générale, et de respecter le délai du 23 novembre 2021 pour le réaliser.

Au-delà de ce délai, cette question pourra toujours être soumise au vote des copropriétaires mais à l’unanimité des copropriétaires, ce qui laisse peu de chances d’adopter les résolutions correspondantes.

Les conséquences d’un défaut de mise en conformité sont importantes, si celle-ci s’avère nécessaire.

La rédaction de l’article 1er de la loi, qui définit le lot transitoire, semble devoir être interprétée comme ne donnant plus d’existence juridique à la composante de ce lot, à défaut d’être mentionné dans le règlement.

Celle de l’article 6-4 est encore plus précise : «L’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété.»

Le texte est abrupt et la conséquence d’une absence de mention expresse s’avère fatale : l’inexistence juridique, avec toutes ses incidences qui sont multiples.

Le juge ne sera d’aucun secours pour le copropriétaire dont le lot, lot transitoire ou composé d’un droit de jouissance privatif, n’a pas bénéficié d’une mise en conformité.

Les clauses du règlement de copropriété sont valables tant qu’elles n’ont pas été jugées réputées non-écrites, selon la jurisprudence la plus constante, encore récemment rappelée.

Le juge ne pourra ni annuler ce qui n’a pas été mis en place, ni corriger le règlement ou même interpréter un texte de loi qui est, par sa rédaction, d’une rare limpidité.

Les moyens d’action pour remédier à cette inexistence juridique paraissent complexes à élaborer.

Le syndic est ainsi face à un risque quasi-certain de responsabilité contractuelle s’il ne porte pas la question de la mise en conformité à l’ordre du jour de l’assemblée générale dans le délai imparti par la loi, dans le cas où cela serait préjudiciable à un ou plusieurs copropriétaires.

Par ailleurs, certains syndicats de copropriétaires vont sans doute refuser de voter cette mise en conformité.

Dans ce cas, le syndic sera très probablement exonéré de sa responsabilité, mais à charge pour lui de démontrer qu’il a exercé son devoir de conseil le mieux possible, ce qui suppose qu’il ait averti expressément les copropriétaires des incidences graves d’un défaut de conformité.

L’effort de clarification qu’a voulu le législateur a ainsi pour effet de contraindre le syndic à un véritable effort de pédagogie sur des notions juridiques qui ne sont pas toujours d’une très grande simplicité et d’une application parfois délicate.

Le métier de syndic a ceci de passionnant qu’il nécessite une perpétuelle adaptation aux nouveaux textes, mais le législateur devrait tout de même prendre conscience qu’il ne cesse de lui ajouter ces dernières années des obligations avec des enjeux considérables, sur des sujets souvent complexes qui nécessitent de se former… et dans des délais parfois inutilement courts.